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Citations de Anne-Sophie Guénéguès (10)


Quand les tranches de vie ramènent aux textes.
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Je reculai. Jusqu’à ce que mon dos rencontre un mur, hélas. Coincée.

Seins pétris. Haleine chaude. Gorge léchée. Le tissu remonte le long de ma cuisse. Yeux fermés. Mes avant-bras le repoussent. Sueur dans mon dos. Sa main sous la dentelle, sur ma fesse serrée. Larmes silencieuses. Corps écrasé. Envie de vomir. « S’il vous plaît » murmuré. Son érection contre mon aine. Hurlement.

Ce « stop » hurlé a créé son petit effet de surprise, suffisant pour me permettre de le repousser pour de bon. J’ai juste eu le réflexe d’attraper mon sac à main avant de quitter les lieux, la boule au ventre. Je sais ce que « précipitamment » veut dire. Et j’en suis là, avec la même boule qui depuis trois semaines joue à me faire flipper entre œsophage et duodénum. Trois semaines à vomir, c’est long.
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Comme dans la chanson de Dalida, elle venait d'avoir dix-huit ans. C'était le plus bel argument... de sa victoire. Elle n'avait pas encore gagné. Mais c'était pour bientôt, elle en était sûre. En arrivant à Sainte-Vouivre, elle a entendu dans sa tête une petite voix : "Tiède". C'était peut-être celle de sa mère : elle le voulait tellement, vu que c'était exactement ce qu'elle venait chercher. La voix de sa mère.
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LA FILLE (très en colère)
— Et comment je fais pour oublier, moi, maintenant ? Tu m’as volé mon histoire, tu m’as volé mes origines, tu m’as volé mes bases, ma vie !!!

LA MÈRE (fâchée aussi)
— T’en fais pas un peu trop, là ? Redescends d’un étage, ma cocotte ! Je t’ai donné un père. Il me semble que ce n’est pas rien ! Tu voulais quoi, que je t’élève toute seule, sans un papa ?

LA FILLE
— Parlons-en du papa ! (Se tournant vers le cadre) Tu pouvais pas fermer ta gueule ?! Qu’est-ce que ça te rapportait de tout avouer une fois mort, hein ? T’as menti pendant trente ans, tu pouvais pas mentir pendant une éternité ou deux de plus ? C’était trop te demander ? C’était trop te demander de me laisser te pleurer comme une fille pleure son père ?

LA MÈRE
— Sans vouloir insister, y a aussi cette question d’héritage à régler, la maison…

LA FILLE (à sa mère, ignorant l’interruption)
— Même mon deuil, vous me l’avez pris ! Je vous déteste.

LA FILLE quitte la pièce précipitamment, elle monte à l’étage.

LE FILS
— C’est vrai que ça servait à rien. Pourquoi il a fait ça, à ton avis ?
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Sans doute que si elle lâchait la poignée du frigo, elle tomberait.
Elle tient debout. L’air froid ne fait pas réagir sa peau.
Le monde vient de cesser d’exister.
Le temps passe.
Elle n’entend pas la voix de Solène qui décline son identité, son adresse, le motif de son appel.
Le temps passe.
Elle n’entend pas la sonnerie du four qui rappelle que c’est meilleur quand c’est chaud.
Le temps passe.
Elle n’entend pas avec quelle insistance on sonne à la porte.
Ni Solène qui ouvre.

— Madame ? Madame ?
Elle entend. On l’appelle. Le monde reprend vie. Et c’est purement inconcevable.
À l’idée qu’un jour prochain, elle puisse à nouveau avoir faim, soif, sommeil ou envie de faire pipi, elle prend conscience de toute l’absurdité de l’existence. La sienne en particulier. Elle n’a plus de raison d’être. Pourquoi serait-elle ? Pour quoi serait-elle ?
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J’ai adoré la phase deux : monter sur une chaise, me barbouiller le visage de mousse blanche et sentir dans mon dos la chaleur du buste de mon père et les effluves de sa lotion après-rasage. Il en versait dans ses mains qu’il claquait fort l’une sur l’autre, puis il les appliquait de chaque côté de son cou d’abord, de ses joues ensuite en se donnant des petites tapes et du courage. Il était prêt. En phase deux, mon père rasait mes joues neuves, imberbes et encore rondes d’enfance. Tout doucement, pour ne pas me couper. Je respirais le plus lentement possible. Je devais trembler tellement je me contractais pour ne pas bouger d’un pouce. Pendant qu’il retirait la mousse, j’essayais de retrouver dans la glace l’image de mon père telle que je la connaissais ; mais le reflet me laissait toujours un peu perplexe. Il y avait quelque chose, dans les yeux surtout, qui me disait que face à moi, sur la paroi de verre, ce n’était pas tout à fait la même personne que derrière.
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Et, bien sûr, c’est à moi qu’on demande ça. Je l’entends encore, la boss, en salle de briefing ce matin : « Carla, tu t’occupes de l’article sur les pervers narcissiques, hein. Fais court, 700 mots, 4 000 signes, on a déjà fait une double page sur le sujet l’an dernier. » Pourquoi j’ai pas dit non ? Pourquoi j’ai pas dit « Refile le sujet à Katia, file-moi autre chose : la vie sexuelle des paresseux ou le basket-ball chez les girafes, je sais pas, mais autre chose… » Elle m’aurait rétorqué qu’on n’est pas un magazine animalier, voilà pourquoi.
Bon, par quoi je commence ? Le début. Oui, bien sûr. Le début. Au début, c’est toujours super.
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C’est dingue à quel point l’autre est un autre. Je suppose que dans les premières heures de nos vies respectives, lui et moi ne devions pas être très différents. Et puis…
— Bonjour, je suis vot…
— T’es le gars qu’a acheté à côté ?
— Oui, c’est ça, je viens vous voir parce que je voudrais vous demand…
— Il a mis l’temps, à la vendre. Personne y voulait l’acheter, sa baraque.
— Oui, ça faisait un moment qu’elle était…
— Ils disaient qu’elle porte malheur !
— Ah ? En tout cas, moi, elle fait mon bonheur.
— C’est ce que j’dis toujours !
— …
Dans ma tête, je me repasse ma dernière phrase, pour savoir ce qu’il a pu comprendre qu’il dit toujours. Mon corps, lui, continue d’aller vers lui tandis que le sien m’invite à le suivre.
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Les caresses ne sont plus les mêmes. Elles se font du dos de la main, du bout des doigts. Les mots qu’elles disent ont changé aussi, nous sommes passés du « S’il te plaît » au « Merci ».
La peau a perdu sa moiteur. Elle est redevenue douce et lisse. J’ai une cicatrice au niveau du coude, Paul vient de l’apprendre, son petit doigt lui a dit. Il l’explore comme si l’histoire qui va avec était inscrite en braille.
J’avais neuf ans. Je jouais sur le canapé. J’avais lavé, peigné, habillé ma plus belle poupée, Claire. Je l’avais préparée pour lui faire jouer la scène du bal de «La Belle et la Bête» avec l’Ours Totor dans le rôle de la bête. Elle portait donc sa tenue d’apparat : Une robe de princesse avec bretelles et jupon, il manquait quelques perles sur le col et l’ourlet était décousu, mais c’était la plus jolie. Une cape de velours pourpre doublée de satin mauve. À ses pieds de petites mules remontées d’un pompon rose. J’en étais à lui vernir les ongles (avec du vernis de maman, chut !) quand mon cousin Pierre fit irruption dans le salon de mes parents, déguisé en pirate. Il voulait de l’or. C’était la bourse ou la vie. Comme argument, il présentait un immense couteau volé en cuisine. Comme je n’étais pas suffisamment réceptive à ses gamineries de môme de six ans, il prit ma poupée Claire en otage.
La rage au bord des yeux, je me suis jetée sur l’agresseur. La lame du couteau a traversé mon sous-pull couleur moutarde. La manche droite est devenue ketchup. Pierre fut condamné pour blessure involontaire à deux semaines sans télévision. Peine ramenée à trois jours pour bonne conduite.
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Maman m’a expliqué que parfois il fallait changer les plantes de terre, opter pour un pot plus grand, ou les rapprocher du soleil, pour qu’elles s’épanouissent. Après un petit temps d’adaptation, elles deviennent plus grandes et plus belles, selon elle. Elle dit que c’est pareil pour moi, que je suis comme une plante (elle a dit que j’étais « une métaphore », je n’en ai jamais vu, mais ce doit faire de très jolies fleurs) qui va devenir très belle dans son nouveau pot. J’ai hâte. De devenir plus belle et plus grande. Plus grande surtout. Pour retourner vivre là où je suis née, là où j’ai appris à faire du vélo, là où le père Noël passe chaque année sans faute, près de ma cousine Julie, du sourire de la boulangère, du bac à sable et du tourniquet, même si ça fait un peu peur quand ce sont les grands qui le font tourner vite.
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