"Je suis arrivé sur les rives du lac Tahoe, dans la Sierra Nevada. Si vous aviez continué à voyager dans ce pays et vous aviez vu cet endroit, c’est ici que vous vous seriez arrêtée, j’en suis sûr. Moi, je viens d’y enterrer un autre rêve. Celui d’une jeune femme, de son mari et de leur enfant qui ne sera jamais né."
"Ils avaient passé la nuit sur le quai. Une foule d’hommes, de femmes et d’enfants, de vieux et de vieilles. Des couvertures jetées sur leur épaules, silencieux, des nourrissons cachés sous les manteaux, ils s’étaient levés dans l’aube grise, grelottant de froid sous des flocons de neige fondue. Les yeux pleins de sommeil, ils s’étaient rangés en files devant l’entrée des bureaux de la Cunard réservée aux troisièmes classes. Trois ou quatre cents personnes serrées les unes contre les autres, valise à la main. Ils avançaient en piétinant, centimètre par centimètre, nerveux et fatigués, soufflant des nuages de vapeur."
La France n’est pas ne guerre. Les journaux le disent. Il n’y a que les militaires qui sont en guerre. La France est au travail. Nos fils vont maintenir la paix en Algérie. Quelques bougnoules qui posent des bombes. Deux cent vingt mille appelés. Il n’y a pas de guerre en 1957, la France est moderne. Ou est parti Verini ?
"La vitre ne reflétait plus que son visage, sur un fond noir strié par les lumières de la banlieue. Il avait vu passer, toujours plus vite, les bâtiments modernes et éclairé du nouveau Paris, des immeubles aux éclairages moins somptueux, puis des rues désertes de villes dortoirs aux pavillons endormis. Ensuite passé Ulis, les grandes plaines noires. la campagne se devinait derrière le verre Securit, à un silence plus profond qui avait pénétré les voyageurs. Un silence proche de l'envie de dormir. Son visage était devenu plus net, plaqué sur ce décor invisible. Un voyage où l'on ne contemple que soi, en mouvement dans des paysages interprétés. Si la trouille ne les collait pas au sol, les vieux taulards feraient de bons voyageurs. Train de nuit."
Le Mur, c'est le surnom d'un flic en tenue, un boxeur amateur proche de la quarantaine, qui ne pourra bientôt plus monter sur le ring. Mais il a besoin d'argent, ce George, et il accepte bientôt de taper sur des binoclards contre un peu de pognon. Et sa route croisera celle d'un Kabyle...
Il y a deux romans en un, l'auteur l'explique à la fin sous forme de devoir de mémoire à son père. Il y a un roman qui se déroule pendant la guerre d'Algérie, puis l'histoire de ce Mur qui croise un Kabyle. Certains ont fait des trucs dégueulasses, ils ne veulent pas que cela sache, même s'ils sont vieux.
Une belle écriture, un sujet parfaitement maîtrisé même si un amateur de polar pur et dur peut s'agacer des passages flashbacks en Algérie, puisqu'ils ne sont pas directement en prise avec le présent. Ceci dit, bouder ce livre à cause de cela serait fort dommage, le thème de la mémoire et de l'oubli y est magistralement traité.
Vérini s'habitue aux gardes, à la peur de la nuit, à être responsable de la sécurité d'un lieu et d'hommes qu'il hait.Il apprend aussi à dormir en sachant que celui qui assure sa sécurité est un homme qui ne l'aime pas.