Aodren March`oc

Dehors, tout était en train de se jouer au hasard. Il y avait quelques minutes, Londres venait certainement d’être rasée, et à l’instant, peut-être Paris. Dans le premier cas, la radio l’avait clairement annoncé, dans le second, il était dans l’incapacité de donner corps à sa suspicion, car la station qu’il écoutait était la dernière qu’il pouvait encore capter. Leur unique lien avec l’extérieur était subitement devenu muet.

Tout à coup, une voix, surgie de nulle part, retentit entre les murs.
— « Halte-là ! Qui va là ? Ne bougez plus et annoncez-vous ! »
Affolé par cette voix proche et invisible, le cheval de tête, monté par Marc, hennit et se cabra. Bien que déséquilibré, Marc parvint à maîtriser sa monture. La colonne s’arrêta, à l’entrée de la rue, surprise par cette présence humaine en ce lieu abandonné.
L’injonction avait été prononcée avec fermeté, mais sans agressivité. La voix provenait visiblement de l’intérieur du bar-tabac. La porte latérale de ce petit commerce était ouverte. En levant les yeux, ils virent une fenêtre. Le canon d’un fusil pointé sur eux dépassait légèrement de l’encadrement en bois.
Calmement, Antoine s’avança seul puis il prit la parole.
— « Je suis Antoine Simon-Valandré, Gouverneur de Lisieux. Et vous, qui êtes-vous ? »
— « Mon nom n’a pas d’importance. Vous êtes sur les terres du monde libre ! Que faites-vous ici ? »

« Des traces de vie passées, il en restait des quantités, mais elles étaient toutes figées dans un décor trop grand pour elles. Suspendue à un plancher, retenue uniquement par son armature métallique, une poussette restait accrochée à trois étages au-dessus du vide. Un vieux lustre en cristal pendait au plafond d’une des pièces ouvertes sur la ville. Les édifices et les appartements étaient comme autant de tombeaux profanés. »

« Cette station de métro ressemblait à un sarcophage. Ils traversèrent le tombeau glacial en prenant soin de ne pas déranger les gisants immobiles qui montaient la garde pour l’éternité dans ce lieu funeste. »

« Dans ce monde sous-terrain, une chaîne alimentaire spécifique avait momentanément trouvé sa place. Mais au fil du temps, les rescapés de cette arche miniature s’étaient éteints, faute de nourriture... »

Un Nouveau Monde était né, presque vierge. La Terre était devenue un astre inhospitalier qu’il fallait redécouvrir. L’Histoire était à refaire. Mais comment se relever quand il ne reste plus rien pour se déplacer et se repérer ?

« À bien y regarder, cet homme ressemblait à une paupiette de veau. Tout y était, le corps-bidoche, les fringues-barde, et les ficelles pour contenir le tout. Oui, tout y était, sauf l’envie de croquer dedans. »

« Les regrets sont éternels, tant qu’il reste de la vie et une mémoire pour les accompagner. »

« L’action a une vertu, elle donne un but et fédère les énergies. »