Désormais l'eau de pluie est devenue impropre à la consommation humaine, polluée par les particules chimiques éternelles jusque dans les endroits les plus reculés du globe, tandis que la fonte des glaciers compromet l'abondance ou la régularité des précipitations. Nous atteignons la limite de l'eau. Bientôt, sinon dès aujourd'hui, les réfugiés de la soif se masseront aux frontières des nations épargnées alors que nous peinons à recycler nos eaux usées. L'or bleu est déjà coté en bourse et les multinationales tentent de se l'approprier au détriment des populations. L'eau, bien matériel de l'humanité ?
Avec : Jérôme Harmand, Jean-Marc Ligny,
Marguerite Imbert
Modération : Nicolas Martin
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Le type qui les a amenés là depuis un bled paumé dans le désert, à bord d'un engin foutraque et bricolé, les a déposés non loin des restes d'un échangeur autoroutier où est installé un campement à moitié troglodyte, à l'abri précaire des ponts et tunnels effondrés. La route passe en plein milieu. Alentour s'étend une morne plaine, stérile et vide, parsemée de vestiges d'un peuplement jadis plus dense : squelettes d'usines, bâtisses en ruine, traces de jardins. Des reliques de la guerre, aussi : cratères de bombes, tas de décombres, pans de murs calcinés. Juste avant l'échangeur, la route franchit une petite ravine où pousse une végétation chétive, abreuvée par un mince filet d'eau sinuant entre les pierres. D'où le campement, établi à côté de cette ressource aussi précieuse que volatile.
Le thermomètre affichait 34 °C, un peu chaud pour un début février. Élodie avait quand même gardé son gilet (celui bleu électrique et vert pomme, qu’elle avait tricoté elle-même), noué son vieux foulard de soie sur ses cheveux gris, enfilé des collants de laine sous sa jupe de coton décolorée. En février, il est censé faire froid : on doit être habillé. Du moins c’était comme ça avant, et à 72 ans, la force de l’habitude…
(Incipit)
Le reste de la traversée de la Hollande ne constitue qu'une morne platitude liquide, rompue ça et là par des parcs d'éoliennes dressées hors des flots tels des arbres métalliques ( la plupart décapitées par les tempêtes ), des digues qu'Olaf peut franchir parfois mais doit longer le plus souvent jusqu'à trouver un canal ou une écluse, des canopées décharnées de bois déjà minéralisés, des ruines pointant comme des chicots, des ponts ou échangeurs d'autoroutes à moitié engloutis qu'Olaf franchit ou contourne avec prudence. Parfois, il traverse des lacs ou suit des canaux, ce qui constitue un moment de répit, n'étant plus obligé de surveiller constamment le sondeur pour savoir où se situe le fond de cette mer grisâtre, quels obstacles invisibles il risque de heurter. Tout cela est figé dans une totale immobilité, comme si la mer aussi était morte, empoisonnée d'avoir envahi ce pays totalement construit de main d'homme.
Et maintenant qu'elle a arraché un Boutefeu à sa propre folie, elle compte bien ne pas en rester là: elle va lui apprendre les gestes qui sauvent, les gestes qui soignent, les gestes d'amour.
- J'ai des dossiers remplis de familles désespérées, renchérit Carmilla, une collègue de Karin (une italienne plantureuse, toujours engoncée dans des tenues sexy trop serrées). De gosses qui meurent d'une simple infection, qu'on pourrait facilement soigner ici. De femmes enceintes et anémiées, obligées de se prostituer pour se nourrir. De bébés dévorés par les Mangemorts si on ne…
- Carmilla, nous ne pouvons pas recueillir toute la misère du monde, la coupe le directeur en écartant de nouveau les bras.

C’est une vallée désertique, terre pulvérulente, arbres moribonds, pelade d’herbes jaunes et sèches. Sur les flancs ravinés des collines, des souches calcinées, de la caillasse, des broussailles épineuses et agressives, de la poussière qui volute au moindre souffle de vent. Les tracés d’anciens champs, des vestiges de clôtures. Au creux de la vallée, quelques fermes en ruines gisent le long de routes défoncées, dont l’asphalte est réduit à l’état de plaques éparses. Sur les rives pierreuses d’une rivière asséchée s’étend un village dont le centre est enclos d’une grossière palissade de tôles. Hors de l’enceinte, les maisons sont abandonnées, écroulées ou incendiées. Une zone artisanale en friche arbore les carcasses dénudées de bâtiments industriels, entourés de vestiges de parkings envahis de moisine, où achèvent de pourrir deux ou trois épaves de voitures sableuses et mangées de rouille. Au milieu du village, un pont effondré, rafistolé de bric et de broc, enjambe la rivière. Quelques panneaux solaires décatis s’étalent sur les toits des maisons. Quatre éoliennes tournent en grinçant. Surgissant au-dessus des collines pelées, le soleil se lève sur cette désolation, énorme, enflé. La journée s’annonce torride, comme d’habitude.
[l'humain] Isaac de Samarie : Honorable, n'avez-vous pas eu l'impression d'usurper la place de Dieu, ou du moins Ses prérogatives ?
[l'extraterrestre] Ssszz'Irt (imperturbable) : cette notion de Dieu est très étrange et incompréhensible pour nous. Les Hyadims affirment qu'une notion similaire à existé chez eux à l'aube de leur civilisation, il y a vingt millions de vos années. Ils semblent mieux l'assimiler que nous, en tout cas elle les fait beaucoup rire.
Le thermomètre affichait trente-quatre degrés et on n’était que début février. Élodie avait gardé son gilet (celui bleu électrique et vert pomme, qu’elle avait tricoté elle-même), noué son vieux foulard de soir sur ses cheveux gris, enfilé des collants de laine sous sa jupe de coton décolorée. En février, il est censé faire froid : on doit être habillé. Du moins c’était comme ça avant et, à soixante-douze ans, la force de l’habitude…
C'était seulement lorsqu'ils faisaient l'amour que la Petite Voix Intérieure la gênait : Astrid s'en fichait totalement d'apprendre que tous deux avaient une compatibilité génétique de 99.7% ou que son optimum d'ovulation serait dans six jours. Obligeant, Ern déconnecta la sienne : c'était finalement plus excitant de le faire "à l'ancienne", sans rien savoir - juste sentir, deviner, vibrer.
("Survivants des Arches Stellaires")
Il ressentit le besoin de communiquer, et tenta d'exprimer ce qu'il ressentait: sa haine pour cette société laminatrice qui imposait à l'humanité un idéal spatial qui n'était pas le sien, son dégoût d'une humanité passive et accablée, surtout préoccupée de survivre, son sentiment d'être un rouage inutile et redondant au sein d'une entreprise déshumanisée.
("Le Voyageur Solitaire")