Arielle Adda

On pourrait les croire très sûrs d'eux [les adultes doués, au travail], uniquement parce qu'il leur arrive d'énoncer une opinion, voire un jugement, qui ne serait, pour eux, qu'un avis entre plusieurs, mais qui leur a semblé judicieux, et surtout logique et simple.

Ils l'ont donné tout naturellement, pensant que chacun ferait de même.
Or il se trouve qu'ils avaient raison.

Dès lors, on les taxe d'une assurance qu'ils sont bien loin de posséder, mais les circonstances ont paru leur conférer des certitudes absolues, eux qui souffrent de mille doutes.

En 2013, Mark Schoen publie les résultats d'intéressantes recherches sous le titre "Your Survival Instinct is Killing You". (...)

Il suggère de mettre en place des actions d'aide personnelle pratiquées régulièrement, autour de 15 points, afin de contrer ce déséquilibre néfaste à nos choix et à nos comportements :
1. Faire des pauses sans technologie
2. Valoriser et tolérer l'imperfection
3. Limiter les entrées sensorielles ainsi que de nourriture
4. Se relaxer au moment du coucher
5. R-A-L-E-N-T-I-R
6. Arrêter de procrastiner
7. Arrêter de vouloir que tout soit fait
8. Accueillir l'incertitude car elle est inévitable
9. Se débarrasser de l'addiction à la colère
10. Avoir un emploi du temps régulier
11. Etendre sa zone de confort
12. Respirer et se synchroniser à notre équilibre intérieur
13. Différer notre besoin d'être gratifié
14. S'entraîner à ne rien faire d'utile
15. Faire du sport pour canaliser l'agitation

Tout au long de ce parcours, un sentiment de solitude imprègne tous les aspects de l'existence et il est d'autant plus délicat à cerner que cette solitude est à la fois voulue et subie.

La beauté, sous quelque forme que ce soit, touche au plus profond d’elles‑mêmes les personnes douées. Elle fait naître une résonance qui semble toute naturelle : cette âme qui se met à vibrer paraît avoir toujours attendu ce moment privilégié où règne une harmonie apaisant, pour un bienheureux moment de répit, les tourments du quotidien.

L'un des principaux conseils qui peuvent être utiles aux hauts potentiels intellectuels est de croire en leur première intuition, leur premier instinct, sur les gens rencontrés comme sur les résolutions de problèmes.
Cela est encore plus vrai si celle-ci s'est en quelque sorte patinée au fil du temps, car effectivement le nombre impressionnant de connexions électriques, la qualité des connexions des zones pariétale et frontale, et la qualité de mémoire vont s'allier pour leur permettre d'arriver à des conclusions, sans avoir besoin de passer par des étapes de déduction.

Enfin, dans le regard de l’autre, la personne douée n’est plus cet individu
bizarre et surprenant, et cette image-là, nouvelle et véridique, lui
donne une force incroyable pour emprunter des routes qu’elle pensait
interdites.

De nombreuses études évoquent la situation des adultes doués.
On mentionne leurs difficultés à mener une vie relationnelle, sociale, affective.
Il est compliqué pour eux de se former d'eux-mêmes une image tout à la fois à peu près située dans une certaine "norme" sans, pour autant, se trahir et renier tout ce qu'ils considèrent comme une part essentielle de leur personnalité. Ils sont souvent, et surtout longtemps, à la recherche d'eux-mêmes, ils dépensent une grande énergie et un temps considérable pour se trouver. Ils doivent parfois trahir l'enfant qu'ils ont été pour s'intégrer plus aisément dans la société.

Citons les recherches du professeur Michel Habib menées à l'hôpital de la Timone à Marseille. (...) Il procède à deux sortes d'IRM : fonctionnelles, elles sont pratiquées sur un cerveau occupé à résoudre des problèmes et morphologiques, elles étudient la structure même du cerveau. Il compare ensuite les résultats obtenus par une population qu'il appelle "standard" et une autre, composée de personnes douées, enfants comme adultes.

Il apparaît que, chez les personnes plus douées, l'aire frontale, celle, entre autres, du libre arbitre, de la décision, et l'aire pariétale, où se situe le langage, donc des aires plus impliquées dans la résolution des tâches, sont plus riches en neurones, et les connexions entre ces deux aires sont plus nombreuses et plus rapides. Ce sont les zones les plus concernées par la précocité. (...)

Le professeur Habib évoque également le mode de fonctionnement du cerveau des personnes douées : ces mêmes lobes - le frontal et le pariétal - s'activent de façon préférentielle lorsqu'il s'agit de résoudre un problème, à la différence d'une population standard, ce n'est donc pas tout le cerveau qui travaille différemment : cette constatation contredit l'idée de la pensée en arborescence.

Citons encore le professeur Michel Habib : "Ces zones frontale et pariétale sont impliquées dans la précocité, ce n'est pas une particularité fonctionnelle, mais une accentuation du fonctionnement de ces zones" ; elles sont "plus cohérentes", dit le professeur Habib. Cette configuration existe dès la naissance et on retrouve ces éléments dans les familles où plusieurs personnes sont reconnues comme douées.

Un défi, quel qu'il soit, impératif à relever.
Ce peut être une longue marche, une action ponctuelle dans un pays lointain et en perdition, ou, pourquoi pas, l'écriture d'un livre.

La contrainte intellectuelle que ces enfants s'imposent est terrible, parce qu'elle ne cesse d'avoir des répercussions dans leur vie entière.

Le sens de la justice est dicté par le besoin de cohérence propre aux personnes douées. L’injustice, c’est le désordre, le chaos, rien n’est à sa place, rien n’est plus cohérent. L’injustice signifie que tout le monde peut dire et faire n’importe quoi sans en être sanctionné, même si d’autres souffrent et vivent des drames à cause de cette désinvolture, pour eux absolument révoltante.

D’ailleurs, les héros justiciers qui rétablissent l’ordre, volent au secours des faibles et emportent tous les suffrages sont pourvus en abondance de nombreux dons.

Il ne s’agit pas d’un ordre instauré de façon arbitraire, mais de celui qui assure la cohésion de l’univers. Les enfants doués saisissent bien, et tout naturellement, le rapport entre les grandes forces qui ordonnent l’univers et les péripéties du quotidien. L’injustice menace cet ordre dans ce qu’il a d’essentiel.

Une étude menée par le neuropsychologue Jean Decety de l’Université de Chicago démontre à l’aide d’IRM pratiquées sur des personnes confrontées à des vidéos mettant en scène le bien et le mal, l’équité et l’injustice, que « les aires de la raison s’activent beaucoup plus chez les personnes considérant la justice comme une valeur forte au détriment de leurs aires émotionnelles1 ». La notion de justice est bien liée à la raison.

La générosité relève du même besoin de cohérence et d’un souci d’ordre identique. Cette même étude conclut que les personnes investies dans les ONG seraient plus guidées par la raison que par les sentiments, ce qui est heureux dans ces circonstances, car les qualités requises de sens de l’organisation, de capacités de réaction rapide et d’initiative sont plus efficaces chez les personnes douées.

Portrait des enfants doués : leurs qualités

Dans toute la littérature consacrée aux enfants doués sont mentionnées les mêmes caractéristiques : pratiquement constantes dans leur description, elles confirmeraient le lecteur dans la conviction qu’un enfant doué doit posséder toutes ces caractéristiques. En réalité, ces caractéristiques sont plus ou moins prononcées, au point de sembler parfois inexistantes ; il y a autant de diversité parmi les enfants doués que dans tout ensemble.

Quand on évoque les enfants doués, on ne s’étonnerait pas de cette homogénéité, on y fait allusion comme s’il s’agissait de traits communs à une espèce, à une ethnie, voire d’un syndrome, au point qu’on s’interroge, et qu’on est même gagné par le doute, lorsqu’un enfant ne présente pas toutes ces composantes. Par exemple, il a appris à lire seulement en CP, et, plus suspect encore, il n’aime pas particulièrement lire… Il faut préciser que s’il a été initié à la lecture par une méthode qui ne lui convenait pas, il n’aime pas lire parce que la lecture lui demande un effort considérable, impossible à soutenir longtemps : les plongées dans de passionnants récits lui sont alors interdites, mais il peut être attiré par d’autres activités, pour lui tout aussi enrichissantes.

CES QUALITÉS QUI FORGENT UNE DÉFENSE

On évoque souvent l’humour que ces enfants manient avec tant de finesse : c’est un remède souverain contre la tristesse, la nostalgie, la peine. Pour ces enfants si vite blessés, l’humour est l’arme ultime atténuant leur souffrance. Il permet de prendre un peu de recul, de lutter par le sourire qu’il provoque contre les désagréments d’une existence emplie de malentendus. Il les relativise, alors que ces enfants entiers et passionnés auraient tendance à vivre avec intensité tous les événements. Leur acuité intellectuelle leur permet de discerner le minuscule élément qui pourrait prêter à rire. C’est une arme efficace à laquelle ils ont très tôt recours, elle constitue une certaine protection et elle détourne l’attention de l’entourage. L’humour pondère, apaise, répare, il permet aussi une certaine complicité avec les adultes.

La lucidité va de pair avec cette capacité à se forger une efficace défense. On ne peut pas les leurrer, ils savent discerner immédiatement l’essentiel d’une situation grâce au regard pertinent qu’ils portent sur toute chose. Ils ne se laissent pas abuser par les détails sans importance, ni par les faux-­semblants destinés à égarer les naïfs. Grâce à leur logique rigoureuse, très manifeste aux tests – quand ils ne peuvent se résoudre à donner une réponse ne satisfaisant pas cette logique –, ils savent procéder à des synthèses sûres en prenant en compte de nombreux éléments. Cette lucidité surprendra toujours ceux qui pensent que les enfants croient tout ce qu’on veut leur faire croire.

UN GRAND BESOIN DE COHÉRENCE

Le sens de la justice est dicté par le besoin de cohérence propre aux personnes douées. L’injustice, c’est le désordre, le chaos, rien n’est à sa place, rien n’est plus cohérent. L’injustice signifie que tout le monde peut dire et faire n’importe quoi sans en être sanctionné, même si d’autres souffrent et vivent des drames à cause de cette désinvolture, pour eux absolument révoltante.

D’ailleurs, les héros justiciers qui rétablissent l’ordre, volent au secours des faibles et emportent tous les suffrages sont pourvus en abondance de nombreux dons.

Il ne s’agit pas d’un ordre instauré de façon arbitraire, mais de celui qui assure la cohésion de l’univers. Les enfants doués saisissent bien, et tout naturellement, le rapport entre les grandes forces qui ordonnent l’univers et les péripéties du quotidien. L’injustice menace cet ordre dans ce qu’il a d’essentiel.

Une étude menée par le neuropsychologue Jean Decety de l’Université de Chicago démontre à l’aide d’IRM pratiquées sur des personnes confrontées à des vidéos mettant en scène le bien et le mal, l’équité et l’injustice, que « les aires de la raison s’activent beaucoup plus chez les personnes considérant la justice comme une valeur forte au détriment de leurs aires émotionnelles1 ». La notion de justice est bien liée à la raison.

La générosité relève du même besoin de cohérence et d’un souci d’ordre identique. Cette même étude conclut que les personnes investies dans les ONG seraient plus guidées par la raison que par les sentiments, ce qui est heureux dans ces circonstances, car les qualités requises de sens de l’organisation, de capacités de réaction rapide et d’initiative sont plus efficaces chez les personnes douées.

CE QUI RELÈVE DE L’INTENSITÉ

On ne doit pas négliger la passion, sans laquelle rien ne se ferait. Elle constitue le moteur indispensable pour toute réalisation intéressante, originale et exécutée à merveille. Sans passion, il n’y aurait pas de découvertes, pas de recherches acharnées ; elle est alimentée par la curiosité intellectuelle, et en retour elle ouvre de nouvelles voies. Lisez l’interview de n’importe quel chercheur, savant ou spécialiste de renom, la passion pour son travail transparaît dans toutes ses phrases.

C’est une qualité indispensable chez ceux qui permettent à l’humanité d’avancer dans toutes les voies possibles, alors que, jusque-­là, on pensait que ces voies n’existaient pas ou bien qu’elles étaient définitivement sans issue ; elle suscite l’étincelle de génie, suivie d’un lent, long et patient travail qui aboutit aux découvertes.

La pensée se nourrit de littérature : elle y trouve notamment l'échos de sentiments qui resteraient autrement trop confus pour être un jour explicités. S'abstenir de lire, particulièrement quand on est intelligent et sensible, c'est s'amputer de tout un pan de soi-même qu'on ne découvre qu'au travers du récit d'expériences tentées par d'autres (...)

Quand une personne douée s'intéresse à un sujet particulier, elle finit par savoir tout ce qui en a été dit : les études menées à ce propos, les opinions divergentes des spécialistes, les hypothèses et naturellement l'historique.
C'est un plaisir pour elle d'étendre ses connaissances, de les rassembler, de les synthétiser.

La qualité majeure des personnes douées est bien le perfectionnisme.
(...) il faut avoir la notion de la perfection, celle de l'œuvre achevée pour se montrer toujours aussi soucieux de l'atteindre, pour prendre toutes les données en compte afin de ne laisser passer aucune faille (...)
C'est un peu le même processus qui préside à la mise en œuvre de l'esprit de synthèse : on ne laisse rien de côté.

Une traversée du désert n'est pas balisée,
mais il est devenu impossible de rester conformiste
et on a usé une partie de ses forces à tenter de le rester.

Pourtant, en possession du résultat [de tests de QI ou d'autres tests plus complets et mieux faits], ces personnes s'aperçoivent que rien n'est résolu pour autant, cette lumière nouvelle n'apporte pas l'éclairage qu'elles espéraient, son effet est paradoxal :
elle procure une réponse objective, elle indique une voie,
mais elle ne résout pas les multiples aspects d'un quotidien hérissé d'embûches et de pièges. Le labyrinthe reste d'une complexité désespérante.

La beauté, sous quelque forme que ce soit, touche au plus profond d elles mêmes les personnes douées. Elle fait naître une résonance qui semble toute naturelle: cette âme qui se met à vibrer paraît avoir toujours attendu ce moment privilégié où règne une harmonie apaisant, pour un bienheureux moment de répit, les tourments du quotidien.

On dira que tous les enfants, sans exception, font des remarques surprenantes par leur profondeur ; simplement, les enfants doués les multiplient et leur profondeur est plus grande : on sait bien que tout est exagéré chez eux, y compris cette recherche intense d’explications. Avec les personnes douées, enfants ou adultes, il y aura toujours un aspect insondable qui se laisse percevoir au travers de propos totalement inattendus. On serait tenté de se demander quel cheminement particulier la pensée a dû suivre pour aboutir à une conclusion imprévisible, surtout de la part d’un jeune enfant ignorant encore de toute démarche philosophique.

Cette démarche, qui exige, en principe, un maniement virtuose de l’abstraction, semble parfaitement spontanée. Les enfants doués tirent des conclusions pertinentes d’une situation avec la sûreté d’un maître de rhétorique ou encore avec la sagesse d’un philosophe aguerri.

Il n’est donc pas étonnant qu’on pense parfois que ces enfants recèlent une part de mystère, qu’on cherche alors à élucider par des théories plus ou moins fantaisistes, mais séduisantes puisqu’elles semblent fournir une explication globale de toutes les caractéristiques propres aux enfants doués, quitte à annihiler tout principe éducatif.

Très vite, ils ont compris que le quotidien banal et la découverte de tout ce qui tisse la trame des jours ne peuvent pas leur apporter les réponses qu’ils attendent, avec une surprenante naïveté dont ils n’ont pas conscience. Un temps, ils ont pensé que les adultes évoluaient en permanence dans un univers recelant toutes sortes de données abstraites, aussi familières pour eux que tous les faits remplissant leur journée.

Pour un enfant qui se demande déjà comment apprendre à exercer une certaine maîtrise sur les événements, pour mieux s’y préparer, il semble inconcevable que les adultes ignorent cette préoccupation, pourtant essentielle. Ces adultes, forcément admirables, doivent utiliser d’autres procédés, inaccessibles pour les jeunes enfants : s’ils relèvent, avec une surprise teintée d’incrédulité, les propos de leur enfant, ce serait de sa candeur qu’ils s’ébahissent, songe l’enfant doué qui ne comprend pas l’amplitude de ces réactions d’étonnement. Il a dû proférer une évidence, connue de tous, et dont il est bien le seul à ignorer la nature.