Citations de Armèle Malavallon (64)
Internet nous donne accès à des vidéos du monde entier. D’un point de vue statistique, ça doit représenter un infime pourcentage de la population.
En même temps, on ne peut pas se méfier de tout le monde. De toute façon, maintenant, Léo est mal à l’aise avec toutes les personnes qui lui expriment de l’admiration pour son travail d’écrivain. Que ce soit Jeff ou n’importe qui d’autre.
Le type était là, il l’attendait. Il l’a menacée avec un couteau, l’a forcée à sortir de chez elle et à monter dans sa voiture. Elle était sous le choc, elle a obéi. Elle a pris le volant, il la menaçait toujours avec son couteau depuis le siège passager.
Parfois, il faut savoir se salir les mains. Ça suffit de se laisser faire sans rien dire. Si Léo était un peu plus comme vous, elle s’en porterait beaucoup mieux, croyez-moi.
Il ne réagit pas, ne se rebelle pas, ne tente pas de se relever, il subit sans broncher en attendant que ça s’arrête. Chaque coup porté est une souffrance, il sent ses os craquer, ses muscles se tuméfier, le sang couler de son arcade sourcilière, mais il tient bon, ne crie pas. Il ne leur fera pas ce plaisir, ne réclamera pas leur pitié ou leur clémence. Qu’ils finissent leur sale besogne, qu’ils assouvissent leur vengeance grossière et s’en aillent.
Il a conscience que ce n’est peut-être pas le plus raisonnable pour lui, mais il n’a parlé à personne de son coup d’éclat dans la salle d’abattage, ni au directeur de l’abattoir ni à son patron et ami, Philippe Jourdin, auprès duquel il aurait sans doute trouvé un soutien. Il respecte le pacte tacite imposé par les Soulier. Après tout, il est celui qui a le plus à perdre dans cette histoire.
Il a besoin d’être aux commandes, il déteste subir. Ne plus jamais subir. Il veut être celui qui domine.
Il recommence à s’agiter. Il tire sur ses poignets, les liens en plastique lui entaillent la peau. Ses épaules lui font mal, mais il tire de plus belle. Sans succès.
Il sait qu’il aurait besoin d’être mis en observation et de subir un examen cardiaque, mais puisqu’il est debout et qu’il refuse qu’on l’aide, tant pis pour lui. Moins cet incident sera documenté, moins il risquera de problèmes. Sa peau avant tout. Clément pense à lui. Pour une fois, il décide de se montrer égoïste et de faire passer son intérêt avant celui de cette brute épaisse.
Il est conscient que son fils n’est pas en pleine possession de ses moyens et qu’il risque de se ridiculiser plus qu’autre chose. On sent dans son regard une forme de déception, presque de mépris. Tony s’est fait corriger comme un bleu et n’a pas réussi à se défendre. Il est trop tard pour riposter maintenant.
La santé mentale est une notion très subjective, vous savez. Vous pensez que les gens qui torturent des animaux sont sains d’esprit ?
La femme, blonde aux cheveux courts, vêtue d’une robe-tablier vert pomme, affiche une petite cinquantaine d’années. Elle est en train d’arroser ses plantes dans une cour minuscule envahie de pots de fleurs et de deux mûriers platanes qui lui mangent toute la lumière.
L’animal n’est pas une chose. Il faudrait arrêter de penser que l’homme peut disposer de lui à sa guise et le faire souffrir uniquement dans le but de se divertir. C’est insupportable cette façon de considérer que l’être humain est supérieur à toutes les autres espèces animales.
En fait, ce qui me contrarie, ce n’est pas que votre fille mange de la viande, je sais qu’elle est fidèle à ses convictions et que ça reste occasionnel. Non, ce qui me chagrine, c’est qu’elle ne veuille jamais goûter aux petits plats de mon chef. On ne peut pas dire qu’elle mesure l’étendue de son talent avec une viande grillée et des frites.
Clément pense à sa fille et se sent coupable de n’avoir pas envie de rester, pas même pour elle. Il tiendra le coup, il le sait, il n’abandonnera pas. Il restera ici pour passer du temps avec elle, mais ce sera à contrecœur, par obligation uniquement. Le sens du devoir plutôt que l’amour paternel. Il aime sa fille, bien sûr, d’un amour inconditionnel, mais il peut vivre cet amour à des milliers de kilomètres. Ce sentiment profond l’accompagne partout et ça lui suffit. Nul besoin d’une présence physique et de grandes effusions de tendresse.
La jungle, la lagune, la vie sauvage lui manquent déjà cruellement. En à peine quelques jours, la France est devenue pour lui une terre plus hostile que la jungle africaine. Le retour parmi les hommes lui laisse un goût amer qui lui donne envie de s’enfuir.
La sensibilité est une notion toute relative et elle n’est pas forcément synonyme de faiblesse,tenez-vous-le pour dit. Sur ce, excusez-moi, mais on m’attend.
Il est strictement interdit de faire un usage excessif de l’aiguillon électrique pour manipuler les animaux ante-mortem. Cela engendre des souffrances inutiles et un stress très dommageable à la qualité de la viande. Vous et votre frère avez un problème avec ça ?
On n’a pas besoin d’un psychopathe dans un abattoir. Il faut faire un signalement et demander son renvoi ou au minimum un changement de poste.
Nous sommes passés de prélever une partie de son lait à une vache allaitante qui garde son veau près d’elle à la fabrication de veaux à la chaîne par des vaches devenues des incubateurs vivants et des citernes à lait. Imaginez seulement que l’on fasse la même chose avec les nourrices d’autrefois. Impensable. Ce sont des êtres humains. On ne touche pas à l’être humain. L’animal, par contre, n’est qu’un animal.
Il fut un temps où Clément aurait pu se laisser tenter par l’idée extrême du véganisme, mais sa pratique du monde rural et sa proximité avec les paysans l’a convaincu que l’abolitionnisme n’était pas une solution. Que deviendraient ces animaux si l’homme ne les élevait plus pour les manger ? Redeviendraient-ils sauvages ? Pourraient-ils survivre dans la nature après des siècles de domestication ?
Quand les paysans d’autrefois nourrissaient leurs canards, ceux-ci se bousculaient pour être gavés. Rien de plus naturel. Il n’y avait là aucune maltraitance animale. Mais lorsqu’il a été décidé que l’on tenait là un filon juteux et que tous les Français devaient pouvoir manger du foie gras toute l’année à bas prix, l’horreur a commencé : le gavage à la chaîne, la torture industrialisée au nom de la démocratisation d’un produit de luxe.