Il est fragile, l’infime moment de doute, celui pendant lequel vous hésitez à accorder plus de temps, à donner plus de vous à un inconnu. Ce moment où vous devez décider de rester ou non un étranger pour l’autre, où vous avez le choix d’ouvrir les portes et de laisser entrer quelqu’un dans votre vie, même pour un instant éphémère.
L’intervention de l’hôtesse de l’air a gâché la singulière complicité qui s’était installée entre eux. Ils sont redevenus des inconnus dans un aéroport. Une sexagénaire bon teint et un quadra hirsute débarquant de la jungle. Deux individus que tout sépare. Ils se demandent même comment ils ont pu plaisanter ensemble de façon aussi naturelle alors qu’ ils sont de parfaits étrangers l’un pour l’autre. Leurs regards s’évitent, leurs joues s’empourprent un peu.
La bête fait danser le pantin au bout de ses cornes, s’enfonçant un peu plus dans les chairs à chaque mouvement de tête et fouillant les tripes d’un subtil balancement de cou. Elle ne sent plus la douleur irradiant son dos martyrisé, ses cornes sciées. Une énergie soudaine s’est emparée d’elle, un sursaut de vie pour en finir avec son bourreau de pacotille.