Assez semblable à un galion voguant toutes voiles dehors, Binnie traversa la pelouse, remorquant plusieurs petits enfants dans son sillage. [...]
- À qui sont ...?
- À ma sœur Lana, elle est très fertile.
- Je vois ça, Jim et toi, vous projetez de monter aussi votre propre équipe de foot ?
- N'aie crainte, répondit Binnie. La contraception est une merveilleuse invention.
Claire Snow, psychologue de comptoir, songea-t-elle en regardant l'homme avachi sur le canapé, la tête basse et les épaules affaissées, ressemblant comme deux gouttes d'eau à un vautour déprime. Mais après tout, il avait raison, pour le passé. Tout le monde le rumine, chacun à sa façon. Soit on rêve de le reproduire, soit on s'obstine à le rejeter. Quoi qu'on décide, on est si occupé à regarder derrière soi qu'on arrive jamais à faire un seul pas en avant.
- Pourquoi perdrais-je mon temps à parler à Rob ? On n'a plus rien à se dire, de toute manière.
- Vous êtes encore mariés, que je sache, lui rappela Liddy en baissant la voix pour que Will n'entende pas.
- Dommage qu'il ne s'en soit pas souvenu avant de coucher avec la moitié de Northampton. Remarque, je devrais être contente qu'il soit hétéro, sinon il aurait couché avec l'autre moitié aussi.
Contemplant le paysage d'un regard absent, Matt s'en voulu d'avoir laissé la nostalgie le submerger. Ces trucs romantiques à l'eau de rose, c'était terminé. Bel et bien terminé. Et pareil pour elle: la Gina qu'il avait aimée n'existait plus, si jamais elle avait existé. Il avait vu ce que le temps lui avait fait. Aujourd'hui, elle était juste... Sa gorge se noua. Juste... une autre Merill.
Gemma cligna des yeux pour chasser de son esprit le spectre horrible de son mariage vu par Amy : des rayures partout. Des joueurs de cornemuse des Highlands vêtus de kilts en satin, cinq cents invités drapés dans des caftans en Lurex coordonnés et une robe de mariée que même une meneuse de revue aurait eu honte de porter dans une église.
Drôle de fille, cette Fee. On dirait un oignon : il faut enlever un paquet de pelures avant de savoir ce qu'il y a dessous.
Elle tira la valise surchargée sur un dernier mètre, la lâcha au milieu de la moquette et se laissa tomber sur son couvercle renflé.
- Mais qu'est-ce que tu as mis là-dedans ? Des briques ?
- Non, rien d'aussi farfelu.
- Ah, je sais ! Le cadavre de ton ex, c'est ça ?
- Oui, avec le butin de mon dernier job à la banque.
- Bien !
Mel connaissait ce regard. Il avait eu le même le jour où elle lui avait annoncé que non, décidément, elle n'essaierait ni Oxford ni Cambridge parce que - quoi qu'il en pense - elle n'était pas assez intelligente pour ça. Et que, en outre, ça ne lui plaisait pas.
Les enfants blonds aux yeux bleus de Merill Walker étaient terrifiants. Polis, sages, bien récurés derrière les oreilles ... Oh, merde ! pensa Gina, j'ai déjà vu ça quelque part. Dans le film la Malédiction.
Elle observa la foule qui grouillait en contrebas et essaya de saisir ce qui se passait exactement. Clowns effrayants aux cheveux orange, gens perchés sur des échasses ou déguisés en créatures velues non identifiées, cracheurs de feu, attractions de fête foraine, spectacles pour enfants : tout était là, pour une seule et unique journée. Hamburgers monstres, camions monstres, et petits monstres. C'était vraiment le bazar, là-dessous !