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Critiques de Belén Peiró López (7)
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

°°° Rentrée littéraire 2022 # 22 °°°



« Pourquoi tu revenais chaque été ? ». C’est la question que l’autrice a le plus entendue lorsqu’elle a osé dénoncer son oncle qui l’avait abusée sexuellement tout au long de son adolescence lorsque ses parents l’envoyaient chez lui en vacances. Une question qui l’agresse, mettant en doute sa parole et prolongeant ainsi les viols qui avaient eu lieu quelques années auparavant.



Ce récit est une bataille. Pour la raconter, Belén López Peiró a la brillante idée d’entourer son « je » à d’autres « je », ceux des membres de sa famille et de ses amis, ainsi que des rapports policiers et judiciaires ouvrant la parole à des témoins ou des experts. Ainsi, elle replace les abus sexuels subis dans un cadre collectif. La polyphonie narrative met à nu tout le réseau structurel et patriarcal en marche pour rendre possible le viol d’une jeune fille, qu’il s’agisse d’une culture machiste très ancrée, de la passivité complice de la famille, de l’omerta dans la ville, l’oncle étant un commissaire de police craint de tous, ou encore la lenteur de la justice. Ce montage fracturé du récit est une vraie réussite pour dénoncer tout un système qui ne protège pas les victimes, même une fois qu’elles ont parlé. Dénoncer ne se résume pas à un jour de courage mais à des années de courage tant l’impact de la prise de parole est retentissant.



C’est absolument terrible de lire la violence des réactions de certains membres de sa famille, comme sa cousine, la fille du violeur, qui nie les actes commis par son père et insulte avec une agressivité inouïe sa cousine qui a jeté l’opprobre sur sa famille. Ou encore celle de sa tante, l’épouse du violeur, qui lui dit, hors des regards, qu’elle la croit mais qu’elle ne peut la soutenir, tellement elle est sous emprise émotionnelle et financière.



Impossible d’écrire petit sur un tel sujet. Le travail formel de Belén López Peiró est très impressionnant car elle parvient par son écriture à conférer une cohésion et un rythme communs à toutes ses voix qui s’expriment. La langue est directe, explosive. Pas de significations cachées. Pas de situations à déchiffrer. Rien à adoucir. Les mots percent le silence. Ils ont du pouvoir et ce pouvoir doit s’exercer en appelant les choses par leur nom.



« Alors ne t’énerve pas, sa virilité s’effondre à chaque fois que tu poses ton cul sur une chaise et que tu écris. Démolis-le avec des mots, mets-lui un point final et nique-le entre deux virgules. Sans te poser des questions. Sans plus de chagrin, sans plus de souffrances, sans plus de toi. »



Certaines phrases sont ainsi d’une crudité presque dérangeante car on n’a pas l’habitude d’entendre une femme violée parler ainsi de façon si brute, raconter très frontalement ce que vit le corps et l’esprit des années après un tel traumatisme ou à quel point la sexualité d’après est irrémédiablement abimée. L’actrice oblige à regarder là où personne n’a envie. Certains passages sont à la fois percutants et bouleversants comme cette adresse à la mère qui n’a pas vu ou voulu voir :



« Et c’est ainsi que tu me livrais, tous les étés, c’est ainsi que j’étais reçue, comme pour payer une dette. J’étais un paquet que tu déposais en décembre, après la fin des cours, et que tu retirais en mars, bien baisée. Une vierge à l’arrivée et un déchet à la sortie, un bon d’achat qu’on échangeait quelques mois plus tard contre des cadeaux.



Et tu restais là, inébranlable. Sans comprendre que tout ce dont j’avais besoin, c’était que tu me regardes, et que tu restes. Que tu ne me lâches pas la main. Que tu m’apprennes à me respecter, que tu t’occupes de moi. Que tu me cherches quand tu voyais que mon lit était vide. Que tu répondes à mes coups de fil et que tu déchiffres mes larmes. Que tu prennes le premier bus et que tu viennes me récupérer au milieu de la nuit, juste au moment où il entrait en action. Que tu me tricotes un pull pour l’hiver, que tu couses à la main mon costume de carnaval. Que tu ailles aux réunions de parents, aux événements de l’école. Mais aussi que tu lui tires dessus, et que tu m’emmènes avec toi. Oui, avec toi. Qu’au lieu d’avoir les yeux rivés sur ton portable, tu me regardes dans les yeux. Que tu sois là. Que tu ne me livres pas. »



Ce livre a fait l’effet d’une bombe en Argentine, ouvrant très concrètement un espace de parole aux femmes victimes de violence sexuelle. Il marque également la naissance d’une écrivaine talentueuse et d’une femme forte qui par l’écriture a repris le contrôle pour dépasser le piège de l’étiquette de victime.
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

J’ai pu participer à Masse Critique littératures fin septembre et ai reçu un roman dont le sujet me parlait beaucoup, Pourquoi tu revenais tous les étés ? de Belén López Peiró. Je remercie chaleureusement l’autrice, les éditions Globe et Babelio pour l’envoi de ce service presse.



Vaste programme que cette 4ème de couverture. Il s’agit d’un petit roman – à peine 200 pages – sans réelle mention de chapitre, avec assez peu de texte. En fait il se lit très vite, « sur le papier ».



Mais la forme en fait un livre finalement assez complexe, au rythme bien à lui. Sur une page, sans verso, un narrateur s’exprime ; on ne sait pas de qui il s’agit, mais il connait la victime. Page suivante, sans verso, un autre utilise un « je », ce n’est pas le même personnage que précédemment. On arrive à reconnaître certains, s’ils sont suivis de leur témoignage ; mais d’autres me sont restés hermétiques.



L’histoire, c’est que la protagoniste a été abusée sexuellement pendant son adolescence par son oncle durant plusieurs années. Bien plus tard, lorsqu’elle est adulte, elle décide de porter plainte contre lui. Elle fait partie d’une famille à priori assez vaste – sa mère a plusieurs sœurs qui ont elles-mêmes des enfants – et chacun, on suppose, prend la parole d’une manière ou d’une autre.



Donc, nous avons droit au dépôt de plainte de la jeune femme. Froid, factuel. Ce n’est pas le seul extrait de l’enquête menée, puisque, comme dit au-dessus, il y a aussi les témoignages de l’entourage de la victime ou du coupable. On trouvera également dans le roman les évaluations psychologiques de chaque partie, plaignante et accusé. La police d’écriture change pour ces chapitres, prend la forme de celle d’une machine à écrire. Les autres chapitres, eux, peuvent être la voix de la victime qui raconte ou de la famille qui réagit à l’événement ; ces derniers prennent des formes multiples : conversation téléphonique, adresse directe… Les réactions vont du soutien aux menaces remplies d’insultes, en passant par le doute, le déni ou la culpabilisation.



Cette forme de récit bien particulière renforce finalement assez bien le fond développé dans ce roman : dans une situation comme celle-ci, bien sûr beaucoup plus courante que ce qu’il n’y paraît, tout le monde a un avis à donner, qu’il soit sollicité ou non. Parfois étoffé, parfois superficiel, parfois témoin. L’entourage étouffe la protagoniste, lui adresse directement son ressentiment, la harcèle, et toutes les voix les unes après les autres, dans le rythme imposé par l’autrice, sont suffocantes pour le lecteur.



Le pari de la sensibilisation est donc gagné ; en France de même qu’en Argentine, porter plainte n’est pas le bout du tunnel. Il y a beaucoup plus que les violences dénoncées à affronter : celles de la police (parfois passives, comme ce « s’il vous avait pénétrée, ce serait plus grave »), celles de la famille (la fille de l’oncle mis en examen prend le parti de son père de manière agressive), et même celles de personnes plus extérieures. Ce roman est une belle manière de faire comprendre au lecteur de quoi il retourne, pourquoi les victimes se taisent, pourquoi et comment elles parlent, pourquoi elles ont besoin de soutien.



J’ai trouvé ce roman très bien, il atteint son but, la forme est originale et très parlante, le fond est pertinent et bien amené. Par contre, je ne sais pas s’il laissera une grande marque dans ma mémoire ; je comprends son importance lors de sa parution en Argentine, mais en littérature française, j’ai pu lire des ouvrages qui me marquent encore aujourd’hui (je pense par exemple à l’incroyable Les corps inutiles de Delphine Bertholon, qui m’a fait l’effet d’un boulet de canon à sa lecture).



Je salue tout de même le travail remarquable de l’autrice, ainsi que sa solidité face à ces questions. Je n’ai d’ailleurs pas voulu mentionner la préface dans la chronique (pardon mais je déteste les préfaces, j’aime me renseigner moi-même après une lecture sans qu’elle me soit décortiquée avant), d’autres l’auront de toute façon fait avant moi. Et je tire mon chapeau à la traductrice, Marguerite Capelle, qui a su mettre les mots sur ceux, précis et dévastateurs, de Belén López Peiró.
Lien : https://folitteraires.wordpr..
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

Buenos Aires, Argentine.



Au cours de son adolescence, Belén López Peiró est abusée par son oncle, figure à la fois forte au sein de la famille et de la police locale.

Plusieurs années après les faits, elle décide de rompre le silence ; puis décide de tout consigner dans ce premier roman choc.



Du choc et de l'onde de choc qu'ont produit ses révélations jusqu'aux déclarations testimoniales et rapports d'experts, l'autrice nous livre tout, sous une forme narrative singulière et à la construction habile.



Tout d'abord La narratrice s'exprime peu. Quelques lignes seulement ; mais lorsqu'elle prend la parole, c'est comme un long cri du cœur, empli de violence, auquel on ne peut être insensible ; elle y exprime toute sa douleur, sans prendre ni pincettes ni détours.

Ensuite parce que ceux qui s'expriment le plus, ce sont ses proches : sa mère, son père, son beau-père, son frère, ses cousines, oncles et tantes etc. Chacun s'adresse directement à notre narratrice. Certains la soutiennent sans condition. D'autres doutent. D'autres encore ne la croient pas ou croient en sa parole mais craignent de la soutenir publiquement, ou l'accusent d'être responsable des faits... Certaines prises de parole sont comme un uppercut en plein ventre et j'ose à peine imaginer ce que ce doit être pour une victime de les recevoir frontalement.

Enfin parce qu'elle vient compléter son récit par des déclarations testimoniales et des rapports d'experts qui témoignent de toute la froideur d'un système judiciaire aseptisé et peu enclin à aider les victimes...



J'ai lu ce roman en quelques heures seulement. Presque en apnée. La rage au ventre et le cœur brisé.

Ce n'est pas la première fois que je lis sur ce sujet. Et à chaque fois, j'en ressors rincée.

Ce n'est pourtant pas le sujet en lui même qui m'attire réellement, ni même les sentiments qu'il provoque en moi. Encore moins une certaine forme de voyeurisme qui ressortirait. Simplement, lorsqu'une femme prend la parole pour dénoncer les abus sexuels dont elle a été victime et le combat qu'elle a dû mener, la lire est pour moi le seul moyen que j'ai de lui rendre hommage et de saluer son courage.



À découvrir ! si ce n'est déjà fait...



Un grand merci à Vleel et à Valentine Gay des éditions globe pour cette découverte !
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

L'Histoire est évidemment loin d'être originale, ou gaie, ou cherchant à offrir un happy end, un soulagement au lecteur de quelque ordre que ce soit. Pourquoi serions-nous soulagés alors que les victimes sont encore accablées ? C'est une histoire cent fois, mille fois, un milliard de fois répétée : un homme viol une femme. Parce que ce n'est pas autre chose. On parle d'attouchement dans les procès-verbaux parce qu'il n'y aurait eu que des doigts mais toute pénétration d'ordre sexuel est un viol.

Mais cette fois on ne raconte pas l'histoire de la victime ou celle du bourreau. De la femme ou du violeur. Non ce livre présente ce qui se passe lorsqu'une femme décide de témoigner, de parler. Que vaut vraiment #metoo ? Qui est prêt à accueillir à la parole ? À faire preuve d'empathie ? Qui écoutera ? Qui jugera ?

Tour à tour, ce sont tous les membres de sa famille, ainsi que la police et la justice qui parlent. Chacun y allant de son conseil ou de ses insultes. Et au milieu de tout ça, la victime doit continuer à avancer, à espérer, à essayer de se reconstruire. C'est douloureux et nécessaire je pense comme ouvrage.

Courage à toutes les femmes qui ont été victimes de viols ou d'agression, nous vous croyons et vous n'êtes pas seules. Vous êtes courageuses et n'êtes pas responsables de ce qui vous est arrivé.
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

Merci aux Editions Globe et à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre de l'opération Masse Critique.



"Pourquoi tu revenais tous les étés" est non seulement le titre du livre mais aussi la question qui revenait sans cesse après la dénonciation du comportement de l'oncle de l'auteure.



J'ai perçu ce livre comme une catharsis. Il se lit vite sur le principe mais nécessite du temps pour être apprécié et digéré. La plume de l'auteur est incisive, elle a le verbe et le mot juste. Les passages courts, extraits de discussions ou de rapport de police s'enchaînent très vite, on ne sait pas toujours qui s'exprime mais on se rend vite compte de l'épreuve que représente le fait de porter plainte.



Si la plainte était la dénonciation des actes de son oncle, ce livre est une forme de dénonciation de la manière de traiter les victimes que ce soit de la part de la justice ou de la part de l'entourage. Si on se rend bien compte que plusieurs personnes se montrent compréhensives et accordent une confiance pleine et entière à son témoignage, beaucoup préfèrent la culpabiliser sur son comportement et remettre en cause son témoignage.



Cette question du "pourquoi tu revenais tous les étés" est extrêmement révélatrice de la culpabilisation.



En tous les cas cette lecture est une lecture d'utilité public que chacun devrait lire pour se rendre compte de la réalité de la plainte et de la force nécessaire pour aller au bout.
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

Un roman découpé en très courts chapitres, qui ne précise jamais clairement qui parle. S'il faut d'abord s'habituer à ce silence des personnages, on ne peut s'habituer à la mise sous silence des violences vécues par le personnage principal.

Sans être le roman qui bousculera l'Histoire, ce récit dénonce comment ça se passe en Amérique latine, finalement pas si éloigné de ce qui se passe devant notre porte.
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Pourquoi tu revenais tous les étés ?

Un livre qui a fait beaucoup de bruit en Argentine ! Cet ouvrage a permis aux femmes argentines, victimes de violences sexuelles, de libérer la parole et ainsi révéler ces abus.



Une lecture qui a fait l’effet d’une bombe en Amérique Latine et par conséquent, une prise de conscience sur la difficulté qu’ont les femmes de dénoncer ces crimes et de porter plainte contre leurs abuseurs.



Dans ce témoignage sur l’inceste, le lecteur suit une adolescente, abusée à plusieurs reprises par son oncle qui est policier.



Lorsque la jeune fille porte plainte contre lui, c’est un choc pour sa famille. Certains la soutiendront quand d’autres, la traiteront de menteuse et la couvriront d’injures.



Il lui faudra combattre contre le déni, la pression familiale et la pression judiciaire !



C’est d’autant plus difficile de dénoncer lorsque l’incesteur fait partie des forces de l’ordre grâce à son statut et son autorité.



C’est le parcours d’une victime qui se bat pour la vérité et pour se reconstruire.



L’originalité de cet ouvrage est de pouvoir lire en alternance, le parcours de la victime et les procès-verbaux des différents protagonistes de cette affaire.



Un texte fort, âpre, bouleversant, mais si nécessaire car qu’ils soient près ou loin de chez nous, les abus sont les mêmes.





Lire ces témoignages, ces récits ou ces romans d’autofiction me semblera toujours indispensable et essentiel pour lutter contre ces actes abominables et surtout pour que les voix de ces femmes soient entendues par tous.
Lien : https://leslecturesdeclaudia..
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