Je savais que , si je me retournais, je le verrais en train de courir dans le champ derrière moi, ma mort affichée sur son visage.
Katie a essayé de garder espoir, sans toujours y parvenir. Il faut de l'espoir pour survivre ; elle le sait, instinctivement, mais elle sait aussi que s'autoriser l'espoir, c'est ouvrir la porte à son jumeau le désespoir.
J'écrivais une réponse à un e-Mail d'une jeune fille qui était convaincue d'être enceinte après avoir porté le caleçon de son petit ami. Cestait sidérant le nombre de courriers de cette veine que je pouvais recevoir.
-... et je comprends que tu n'en aies pas envie, mais tu va devoir trouver une manière de vivre avec ça. Tu ne peux quand même pas te faire renvoyer juste a cause d'une tension sexuelle mal vécue.
Une fois dans ma voiture, je sortis la lettre de ma poche et en repris la lecture.
Chère Amy,
S’il vous plaît, S’IL VOUS PLAÎT, aidez-moi ! J’ai été enlevée par un homme bizarre qui me retient prisonnière dans sa cave. Il dit que je ne rentrerai jamais chez moi. Je ne sais pas où je suis ni quoi faire, et personne ne sait que je suis ici.
Je ne sais même pas depuis combien de temps j’ai disparu, mais j’ai l’impression que ça fait une éternité. J’ai peur que les gens arrêtent de me chercher. J’ai peur qu’il me tue.
Aidez-moi vite, je vous en supplie,
Bethan Avery
Il n’y avait rien d’autre que cette écriture paniquée et enfantine. Pas d’adresse d’expéditeur ou d’autres indices. Sur l’enveloppe, la marque oblitérée sur le timbre indiquait que la lettre avait été postée hier à cambridge, mais je ne disposais d’aucune autre information.
– C’est un canular, dis-je à voix haute.
Mais ma voix vacilla, parce que je n’y croyais pas vraiment. De temps en temps, il m’arrive de recevoir des lettres très choquantes. En général, il s’agit seulement de fantasmes sexuels assez désagréables cherchant une issue du subconscient où leur auteur les tient emprisonnés. Je préfère qu’ils s’expriment par la poste plutôt que d’une autre manière, mais il y avait quelque chose qui me touchait dans cette lettre-ci.
Je me redressai tant bien que mal dans l’obscurité précédant l’aube ; j’avais beau avoir la gueule de bois, je ne me rappelais pas avoir jamais vu cette image auparavant. Il fallait vraiment que je lève le pied sur l’alcool, même si, quelque part, je ne pouvais m’empêcher de me rebeller et de penser qu’un divorce est tout de même une bonne période pour picoler, non ?
Les frontières qui délimitent le normal de l’interdit sont extrêmement ténues, après tout. Cette femme avait ruiné ma vie, lui avait enlevé tout ce qu’elle avait de beau, tout ce travail, tous ces souvenirs, comme une tempête éparpille les ordures d’une poubelle, et maintenant, elle s’était lassée de son nouveau jouet et voulait que je m’en aille ?
– Jouer à quoi ?
– À tout minimiser. Ce n’est rien, ce n’est rien, ce n’est rien. Ça ne sert qu’à énerver les gens, de dire ça, parce qu’on sait que ce n’est pas vrai et que ça va encore te rendre malade…
J’ai une attitude ambivalente avec les enfants. Ils me rendent folle, mais je ne peux pas me passer d’eux et ils me manquent terriblement quand je n’en ai pas dans ma vie.
Tout n’est pas toujours ce qu’on croit, dans la vie des gens.