Cara Hoffman is the author of So Much Pretty.
J'ai gardé des dents de lait dans une boîte dans mon armoire.
Hier, je m'habillais pour travailler et j'ai vu la petite boîte en bois. Je n'ai pas pu m'empêcher de la prendre et de la serrer aussi fort que j'ai pu. Juste la serrer. En faisant attention de ne pas secouer pour ne pas entendre les dents s'entrechoquer. J'ai pensé à nouveau à ses parents. Me suis dit qu'ils avaient probablement eux aussi des dents de lait qu'ils gardaient quelque part. Ou des cheveux pris sur une brosse. Ou des vêtements par terre. Ou des traces de bottes boueuses chez eux.
J'imagine leurs maisons, tout ce qu'ils possèdent, chaque espace de leur vie à présent habité par la douleur. Pas juste les photos de leurs enfants, qui d'une certaine façon doivent être réconfortantes, mais les choses. Les choses qui font écho aux fantômes d'un bébé ou d'un enfant.
Le vélo dans le garage, le panier de basket, les vêtements dans le sèche-linge. Une assiette dans l'évier. Ce jour figé à jamais. Le sol défraîchi sous la balançoire ou, la balançoire dont ils avaient rêvé mais qui n'a jamais été construite. L'arbre qui se dresse nu, sans elle. L'odeur de la nourriture. Le bruit d'une porte qui se ferme, ou des pas dans l'escalier. Ces choses porteuses de tant de douleur. Elles me manquent déjà. Alice me manque.
Je n'ai jamais prié de ma vie, ni cru que je savais ce que signifiait la prière. Mais quand j'ai entendu la nouvelle et que j'ai pensé : Mon Dieu ! Mon bébé est dans cette école, j'ai prié pour qu'elle fasse preuve d'intelligence et de rapidité. Des qualités dont elle s'est sûrement servie pour faire ce qu'elle a fait. Son intelligence et sa rapidité. Voilà pour quoi j'ai prié. Et je ne supporte pas cette pensée.
(Je ) suis passée devant un terrain vague jonché de vieux tracteurs, de tondeuses à gazon et de matériel agricole en tout genres. Certains engins dataient de Mathusalem ; devant toute cette ferraille, un panneau en contreplaqué peint à la main était planté, annonçant : CHERCHE TRACTEURS MORTS OU VIFS.
" Ouah, papa , j'ai failli tomber.
- On ferait mieux de te trouver des ailes de papillons, comme ça , ça n'arrivera plus."
En fait, il y avait très peu de femmes à Haeden. Donc il n'était pas inhabituel pour un homme d'une trentaine ou quarantaine d'années de sortir avec une fille de dix-neuf ans qu'il se rappelait avoir d'abord "remarquée" quand elle en avait dix ou douze.
Il devrait y avoir une façon plus rationnelle de penser à ce type de situation. Par exemple, on devrait pouvoir se dire que les hommes sont en règle générale des êtres sympathiques, et qu'il est possible de supprimer ceux qui font du mal ou qui en feront, afin d'avoir une société meilleure dans laquelle le viol et le meurtre des femmes ne sont ni un divertissement ni un sujet politique. Ce n'est bon pour personne. Tu voix ce que je veux dire. C'est génial que tu aies écrit ce que tu as écrit. Mais le temps que ça sorte dans ton journal, c'était trop tard. Et en plus ils étaient tous au même endroit en même temps. Ils ne s'y attendaient pas, et ils n'étaient pas armés.
Je n'ai jamais eu autant le sentiment d'avoir fait face à mes responsabilités. Ça m'est égal si je ne sors jamais d'ici. Toi en revanche, tu devrais partir. Tu devrais quitter Haeden.
Parfois, quand elle se promenait le dimanche avec les filles et Beth Ann, Wendy avait une envie folle de balancer toutes ses affaires dans la rivière. Tout - son sac, ses bouquins de classe, ses bijoux débiles, ses chausures -, et elle avait envie de s'arrêter sur le pont, de lâcher ses affaires et de regarder le courant tout emporter, jusqu'à ce qu'elle se sente libérée, non pas de Haeden mais de la personne qu'Haeden voulait qu'elle soit et à laquelle elle n'avait pas eu la force de résister.
Après la découverte du corps de Wendy White, j'ai vu le monde tel qu'il était pour la première fois. Quand son corps a été retrouvé, je me suis découverte. Je me suis réveillée dans sa tombe, j'ai regardé mes jambes, pris conscience du pouvoir de mes poumons, de mes biceps, de mes mains, et j'ai compris à quoi ils servaient.
Les gens aimaient dire qu'un vagabond l'avait tuée, quelqu'un qui ne faisait que passer par là. Il n'y a pas plus de deux mille habitants dans cette putain de ville, et ils sont tous là depuis toujours. Donc il va sans dire que personne d'ici n'était coupable, sinon quelqu'un aurait parlé. Vous voyez ce que je veux dire Un frère, une mère, un père, un ami. Dans une petite communauté aussi unie que celle-ci, quelqu'un aurait su sans aucun doute ce qui s'était passé.
Elles étaient toutes les deux silencieuses, à attendre. Puis Lorelei lui chuchota : "Piper.
- Quoi ?
- Je voulais te dire avant que tu y ailles... Ma mère... "
Sa voix flancha. "Ma mère... " dit-elle de nouveau, mais elle n'acheva pas sa phrase, et Alice entendit qu'elle avait le souffle court. Elle garda le silence et écouta Lorelei s'éclaircir la gorge à plusieurs reprises. Finalement, la jeune femme dit, distinctement et doucement : "Tu as bien fait."
"Les liens du sang sont faibles", se souvenait-elle d'avoir entendu sa mère dire. Les liens de l'esprit sont ceux qui comptent vraiment. Parfois tu es lié spirituellement parlant avec quelqu'un qui est vraiment de ta famille, parfois non. Ce n'est pas parce u'on a des liens du sang avec quelqu'un que l'on fait nécessairement partie de la même famille spirituelle.