Carole Llewellyn - Une ombre chacun
Pourquoi la Terre tient-elle dans le vide ? Je n'ai toujours pas la réponse à cette question. La réponse scientifique, bien sûr. Mais cette Terre vaste et ronde qui tient toute seule, de son propre fait, au milieu du néant, cela n'intrigue plus personne. C'est un postulat évident. Le feu brûle. La Terre tient toute seule.
Quand est-ce que vous avez rendez-vous avec la police ? Vous verrez, ce sont de grands incompétents. Les Français sont nuls en police. Nous sommes nuls en beaucoup de choses, mon beau-frère a raison. L'argent, la politique, la liberté, nous n'y connaissons rien. Nous excellons dans des choses inutiles, vous avez remarqué ? Le handball, la philosophie, la nourriture. Ca doit être cet art de vivre que les autres pays nous envient.
Elle avait fait une liste de noms, les prénoms d'hommes qu'elle avait aimés avant lui. Ils étaient loin dans son souvenir, des êtres aux visages et aux formes sereins. Chacun l'avait assagie par bribes de couples mises bout à bout jusqu'au jour où elle avait accepté d'épouser Charles. Pourquoi lui plus qu'un autre, et pourquoi un jour porterait-elle ses enfants ? Par hasard, par dévotion, par obligation peut-être. A défaut de pouvoir ni savoir faire autre chose, je porterai tes enfants.
Les caméras de CNN ne s'aventuraient jamais au milieu du désert où la loi n'était que charia, où les familles vivotaient, avec une chèvre pour les plus chanceux. Qu'auraient-elles pu y filmer ? Ils avaient refusé de laisser entrer les spectateurs car il n'y avait pas de spectacle. Se souvenir, la solitude, la scène vide, sans décors, sans acteurs, sans musiciens. Qu'auraient posté ces malchanceux s'ils avaient eu Instagram ? Un cliché émouvant d'une carrière de sable ? L'ambiance épurée d'une cuisine de pauvres sans eau courante ? Il y avait dans la pauvreté une simplicité apparente qui aurait convenu aux plus puristes des Parisiens.
Clara, 30 ans est une femme actuelle, moderne. Elle vit avec Charles confortablement et ne travaille pas. Elle a un compte Instagram avec des milliers d'abonnés, sur lequel elle montre ses photos parfaites, sa vie parfaite! Elle a un point noir de son enfance : elle a été victime d'un enlèvement quand elle était enfant.
Un jour, Clara disparaît!
Son riche mari engage alors Seven, un ancien Marine américain pour retrouver sa femme.
Quand j'ai lu le résumé, j'ai accroché de suite : 2 personnes différentes et si semblables dans leur solitude, dans leur interrogations existentielles, ne pouvaient que se trouver, pensais-je!
J'ai reçu ce livre dans le cadre de la Masse Critique. La couverture, le titre et le résumé m'ont de suite plu.
J'ai donc découvert les personnages de Seven et Clara et aussi celle de Charles en première partie de l'histoire.
Seven est un homme torturé par son passé de Marine qui a du mal a trouver sa place dans la vie civile, même auprès de sa femme. Il va répondre à une annonce pour trouver Claire. Son travail est monotone, sa vie l'est aussi. Bien que marié, il semble célibataire dans sa façon d'être. Rien ne le fait plus vibrer. Cette enquête sur la disparition de cette jeune femme lui donne un espoir de souffle de vie!
Clara est une jeune femme dans l'ère du temps dont le mari aisé et bourgeois ne s'intéresse pas plus que ça à elle. Elle passe ses journée plutôt désoeuvrée et donne de sa vie une vision idyllique et parfaite sur Instagram. J'ai trouvé sa relation avec son mari plutôt froide et distante. Je pensais que son enlèvement, lorsqu'elle était enfant, jouerait un plus grand rôle dans le déroulement de l'histoire, c'est peut-être le cas mais ce n'est pas clairement défini. J'ai trouvé que la disparition de Clara a mis du temps à arriver.
La deuxième partie se passe en Europe où Clara passe de ville en ville attendant le bon moment pour en finir avec sa vie. Seven est sur sa trace mais de loin et avec un certain décalage. Clara va faire 2 rencontres qui jouent un rôle intéressant notamment la rencontre avec Karim, un homme plutôt énigmatique qui va l'aider sans rien lui demander. J'ai trouvé dommage que leur rencontre n'ait pas été plus développée car il y avait là de la matière. Et sa rencontre avec Carmélite, jeune femme solitaire qui va la loger quelques temps et avec qui va se tisser une relation quasi silencieuse, dans laquelle Clara ne se livrera pas ou prou.
Et Charles, ce mari froid, orgueilleux, qui ne la recherche parce que c'est sa femme et qui s'attendait à ce qu'elle lui échappe un jour.
J'ai été déçue de ma lecture, bien que tous les ingrédients étaient présents pour me plaire. Ce livre est une sorte de huit clos : peu de personnages, peu de dialogues et aussi, malgré les interrogations de chacun, peu de pensées de chaque protagoniste. La lecture est malgré cela, aisée mais manque de chaleur, de sentiments, de passion. L'histoire est comme aseptisée. Il y a quand même un petit rebondissement à la fin du livre qui laisse à penser qu'une suite est possible.
Il réalisa que même en Grèce, ils connaissaient Game of Thrones. Il se demanda si au milieu des assassinats de Daesh les Iraquiens téléchargeaient illégalement les épisodes le lundi matin au réveil, attendant avec ferveur et anxiété de savoir quel personnage majeur serait assassiné, dépecé, pendu. Peut-être la proximité de la même violence rendait à leurs yeux la série indécente. Qui s'amusait de ce déchaînement blotti dans un canapé confortable quand il suffisait d'un vol pour Damas pour en voir le visage véritable ?
« Et lorsque le jour arriva où il me fallut choisir comment j’allais en effet mourir, ma liste de trois cent soixante-quatre options, presque autant que de jours dans une année non bissextile, me parut complètement obsolète. »
Il ne s’était même pas fendu d’une quelconque rhétorique pour feindre de donner à l’opinion de sa femme une once d’importance et il savait très bien qu’elle n’en avait pas.
Il parlait d'elle avec distance, comme d'une possession qu'il aurait ajoutée à son impressionnant portfolio, son appartement rue de Babylone, sa maison familiale à Portofino, son bateau amarré au port de Perros-Guirec.
[...] une maladie imaginaire, avait dit son beau-père, une maladie de riches, avait-il dit. Clara avait fait une dépression. Juvénile, en plus, comme si c'était un terme scientifique. À cause d'une caravane pourrie. "C'était une camionnette." C'est pareil. Sa dépression juvénile, c'était une crise d'ado, et basta. Le jour où ma fille fait une dépression juvénile, avait-il dit, je lui mets une bonne paire de claques et on verra bien si elle a encore envie d'être dépressive.