Cate Tiernan

Je confie ce livre à mon incandescente Bradhadair, ma fée du feu, pour son quatorzième anniversaire. Bienvenue dans le cercle Belwicket.

Avec tout mon amour.

Mathair.

Cal s’est assis en tailleur derrière moi, a posé ma tête sur ses genoux et s’est mis à me caresser les cheveux. Robbie s’est agenouillé à côté de lui. Ethan, Beth et Sharon s’étaient rapprochés et me regardaient par-dessus son épaule, comme on regarde un tableau dans un musée. Craintive, Jenna tenait Matt par la taille. Raven et Bree se tenaient plus loin ; Bree, les yeux écarquillés, avait l’air grave.

Je sentais la terre battre dans tout mon être, libérant l’énergie accumulée et m’aidant à me sentir plus… normale.

Les vases remplis de fleurs étaient sur l’autel, et je m’en suis approchée, hypnotisée par leur beauté et par l’extrême tristesse de leur mort.

Cette vision m’avait épuisée. J’ai tendu la main pour toucher la joue de Robbie, et mon doigt y a laissé une marque chaude et rosée. Il s’est frotté la joue, l’air bouleversé.

C’était beau, plus que beau, mais je ne trouvais pas les mots pour l’exprimer. Je comprenais tout : ma place dans l’Univers, le chemin que je devais suivre.

Je dansais dans l’atmosphère, entourée de milliers d’étoiles, et je voyais virevolter des particules d’énergie semblables à de microscopiques comètes. L’Univers entier était à ma portée. D’un seul coup d’œil, la moindre particule, le moindre sourire, le plus petit moucheron et chaque grain de sable, tout cela m’était révélé dans son infinie beauté.

Au son de la sonnette d’entrée, j’ai eu un frisson de reconnaissance avant même que Jenna n’aille répondre. Cal, ai-je pensé, heureuse et excitée. Mùirn beatha dàn. Puis, je l’ai entendu dire bonjour à Jenna. Toutes mes cellules nerveuses étaient en éveil au son de sa voix et au souvenir de la veille, dans sa chambre.

Expliquez-moi pourquoi un gars qui sort avec plusieurs filles passe pour un coureur, alors que pour les filles, on dit seulement qu’elles sont difficiles ? J’aimerais bien comprendre, a dit Robbie.

Je n’exagère pas en disant que l’arrivée de Cal Blaire dans un patelin tranquille comme le nôtre était l’événement le plus excitant à se produire depuis l’incendie qui avait rasé le cinéma Milhouse, deux ans plus tôt.

Méfie-toi de la sorcière. Elle t’enveloppera de magie noire pour te faire oublier d’où tu viens, qui tu aimes, qui tu es, et jusqu’aux traits de ton visage.

Chris était resté à l’écart, l’air renfrogné. Pendant que Bree rapportait notre maigre conversation, j’en ai profité pour m’éloigner. Je me suis dirigée vers la porte d’entrée et en déposant ma main sur la lourde poignée en laiton, j’aurais pu jurer que je sentais encore la chaleur de la main de Cal.

J’avais l’impression d’avoir cinq ans. Je ne sais jamais comment parler aux garçons, et cette fois-ci ma gaucherie me gênait doublement, comme si j’essayais de me tenir debout dans la tempête.

Des beaux gars, j’en avais vus. Chris, le copain de Bree, est plutôt mignon. Mais ce garçon était… époustouflant.

Il nous a souri et j’ai eu l’impression de voir le soleil émerger de derrière les nuages.

En suivant son regard, j’ai aperçu un garçon qui grimpait les marches du collège.

C’était comme dans un film, lorsque l’image devient floue, que tout le monde retient son souffle et que tout se passe au ralenti pendant que vous essayez de suivre l’intrigue. Voilà l’effet que ça faisait de regarder Cal Blaire gravir les marches de notre école.

Évidemment, à ce moment-là, j’ignorais que c’était Cal Blaire.

Bree s’était retournée mais elle était restée figée, bouche grande ouverte, comme un élève à qui on aurait demandé de jouer la stupeur dans un cours de théâtre.

Ma petite sœur semblait s’amuser ferme en compagnie de sa bande de copines. Bien faite et pulpeuse, Mary K. paraît plus mûre que les autres élèves de secondaire 3. Tout est facile pour elle. Toujours sexy mais pas trop, elle est jolie, sans fla-flas ; elle réussit bien sans récolter des notes parfaites et elle a des tas d’amis. Bref, tout le monde l’adore, même moi. Impossible de faire autrement.

Je me trouve tellement banale avec mes cheveux longs châtain clair, mes yeux foncés et un nez dont on pourrait gentiment dire qu’il est un peu « fort ». L’an dernier, j’ai grandi de 12 centimètres, si bien que je mesure maintenant 1 m 71. J’ai les épaules carrées, pas de hanches, et j’attends toujours la visite de la fée des seins.

Ce qu’il y a avec Bree, c’est qu’elle sait qu’elle est splendide et elle adore ça. Elle ne dédaigne pas les compliments et ne se plaint jamais de son apparence. Sans être vaniteuse, elle ne réagit pas avec fausse modestie. Elle accepte simplement sa beauté et trouve ça cool.