Ce qui est sûr, c'est que, tant que la décroissance n'arrivera pas à s'imposer comme mot d'ordre, urgent et impératif, le capitalisme industriel continuera d'interpréter les revendications des mouvements sociaux comme des défis techniques.
L'activité minière a enclenché des phénomènes qu'on ne sait pas maîtriser.
On ne peut qu’espérer une amplification de la contestation ouvrière en Chine et ailleurs. Mais c’est d’abord à nous autres, classes moyennes urbaines mondialisées, à la fois infiniment moins accablées par les problèmes de survie et en même temps hébétées par le kaléidoscope numérique, qu’il appartient de cesser d’adhérer à ce modèle et de repenser la matérialité de notre existence. En commençant par un exercice d’imagination : et si l’ensemble des infrastructures nécessaires à la production de tous les ordinateurs, télévisions, iPads, appareils photo et téléphones que nous utilisons étaient relocalisées sur nos territoires ? Voyons un peu : mines de terres rares, d’or, de cuivre et d’étain, forages pétroliers, usines chimiques, construction de nouvelles centrales électriques, multiplication des prélèvements d’eau, usines de circuits électroniques et d’assemblage, déversements toxiques à chaque étape de la production. Regarder cela en face, ne pas le perdre de vue, n’est-ce pas un préalable indispensable à toute réflexion sur la « liberté », l’« autonomie », la « solidarité » et la « créativité » que tous ces objets sont censés décupler ?
Les techniques de production de l'électronique sont particulièrement intensives : elles mobilisent énormément de substances qui ne se retrouvent pas dans le produit fini (à masse égale, en termes de ressources mobilisées et d'intensité du processus, il est beaucoup plus polluant de fabriquer une puce électronique qu'un sèche-cheveux).
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On est obligé de se demander quel rapport ce projet-là entretient avec la situation tragique qui est maintenant la nôtre, l'emballement climatique, l'extinction massive des espèces, la raréfaction de l'eau potable.
(...) Pourquoi, dans un monde empoisonné par le chômage et la pollution, n'y aurait-il rien de plus urgent que de mobiliser les universités et les centres de recherche les plus prestigieux, d'impliquer, bientôt, toute la société, dans le but d'accomplir cette prouesse : faire conduire les véhicules par des machines?
Voici une évidence qui s'est imposée à nous en discutant avec les roboticiens du Laas : la capacité d'un chercheur à penser l'impact concret des technologies sur la vie des gens est proportionnelle aux distances sociales et physiques qui les séparent.
Pourquoi, dans un monde empoisonné par le chômage et la pollution, n'y aurait-il rien de plus urgent que de mobiliser les universités et les centres de recherche les plus prestigieux, d'impliquer, bientôt, toute la société, dans le but d'accomplir cette prouesse : faire conduire les véhicules par des machines ?
Toute main-d'œuvre, dés lors qu'elle est mise en concurrence avec un esclave, que l'esclave soit humain ou mécanique, doit accepter les conditions de travail de l'esclave.
" Les véhicules autonomes sont indispensables", par exemple : une fois que les alternatives auront disparu, ce sera devenu vrai. C'est souvent par ce genre de prophéties autoréalisatrices que les nouvelles technologies deviennent hégémoniques.