Citations de Charles Chehirlian (32)
Le Psilédon se tenait au fond de la clairière, immobile, impassible, à peine fumant, comme s'il n'avait rien subi, attendant le bon moment pour attaquer cet ennemi enfin digne de lui. Les dernières fumées cachaient encore sa silhouette, il était une ombre parmi les ombres.
Tous deux s'observaient, se guettaient, ne se quittant jamais du regard. Prudence était de mise, car l'un pouvait carboniser et l'autre déchiqueter.
Regardez cette lune, si Kyan Rogh est avec nous, il nous observe et veille sur nous depuis cet astre. Elle nous a guidés lors de notre évasion, dans les recoins les plus sombres et les plus sordides, elle nous a montré le chemin, elle fut notre lanterne, nous faisant grâce de sa lumière écarlate. Cette nuit encore, elle est avec nous, elle nous éclairera et éblouira nos ennemis. Il me semble bien qu'en chyldérien ancien, "lune" se dit "hul". Mes frères, nous sommes ses soldats, les soldats de la lune, nous sommes les Hulsins ! Nous, Hulsins, guidés et protégés par les dieux ! Mes amis, mes frères, vous qui avez survécu, qui m'avez suivi sans jamais douter de moi,, moi, qui n'ai jamais douté de vous, de votre force et de votre courage, je vous conjure de me suivre une ultime fois...
Diante hocha négativement la tête. Elle lui donna un coup d'épée sur le bras, déclenchant une fluette hémorragie dont même un enfant ne se serait préoccupé, mais qui fut pire qu'une amputation pour la petite nature qu'était Diante.
_ Tu es malade, mon bras ! Hurla-t-il. Vite donne-moi de quoi...
_ Silence ! Je te l'ai dit, tu ne m'écoutes pas. Soit tu me donnes la marchandise et tu pourras vite aller te soigner, soit je te laisse te vider devant moi, et après je filerai tes restes aux loups, tu as l'air d'apprécier ce genre de choses. Alors ?
Vu les symptômes, je ne puis concevoir que ce soit physique, mais je n'ai aucune preuve pour étayer d'autres soupçons.
Le plus dur a été d'examiner les dépouilles dans les cellules. C'était répugnant. Je suis Mire, j'ai pratiqué plus d'une fois sur le corps humain et pourtant, il n'y a pas de mot pour décrire les restes d'un homme qui s'est donné aussi violemment la mort. Tout ce sang et ces morceaux. J'en ai fait des cauchemars pendant plusieurs nuits.
" Il n'y a aucune honte à échouer. Seul le paresseux ne commet jamais d'erreur. L'erreur est apprentissage et progression. L'opiniatreté est force, l'abandon par nonchalance est faiblesse."
On érigea nombres de temples aux sommets des montagnes et des religions - fort sectaires - émergèrent partout de par le monde. Mais les dragons, bien que protecteurs des hommes, se méfiaient de ces idolâtres, fanatiques, qu'ils considéraient comme dangereux. Ils pressentaient quelque chose. Les dragons savaient lire à cœur dans l'âme des hommes, ils pouvaient déceler une force et une volonté sans égale chez l'être le plus insignifiant qui soit, mais aussi mettre au jour les plus immondes noirceurs. Il était fort difficile d'en approcher un et encore plus de communiquer avec, rares sont ceux qui pouvaient prétendre avoir eu cet honneur et aussi la chance d'avoir survécu.
Les hommes donnèrent l'assaut. La nymphe entama alors une longue gestuelle en récitant ces mots : "Léhoussakre, Valarh Ef Vogir Arz Antarr, Pasht panial ! ".
La terre gronda, les arbres tremblèrent, les feuillages s'agitèrent comme soumis à un vent violent, la forêt entière se mut et mua. Les soldats stoppèrent le pas apeurés.
De loin, on entendit quelques bribes d'essais, des horreurs, suivies de vociférations et d'insultes envers soi du genre « Tu n'es qu'un sale petit braillard des rues, mes doigts ne sont que fiente et bouse ». Ainsi était Brel. Il paraissait sûr de lui, mais en vérité, il était extrêmement dur avec lui-même, comme tous les génies.
D'aucuns l'auraient cru aveugle, mais il était d'une lignée d'iris blancs, les divinateurs. Noyés dans le feu, se perdant dans d'obscures visions, ces êtres voyaient bien au-delà de ce qui était, ne se souciait guère de la surfacedes choses que leurs yeux, leurrenvoyaient pourtant.
Les jours passèrent apportant leur lot d'horreurs. On ne comptait plus ceux qui tombaient sous les coups de fouet, l'épuisement, ou les meurtres. Poser, frapper, briser, se baaisser, ramasser, se battre, tuer, puis poser, frapper, briser... encore, à répétition, chaque minute, chaque seconde, tous les jours, au milieu des douleurs et de cette chaleur, cette terrible chaleur infernale. Il semblait aux hommes que même le Canakar, l'été brûlant qui naguère assécha lacs et rivières, n'était rien en comparaison de cette fournaise. Tel était le quotidien du purgatoire.
Ces enfants sont d'une grande valeur. Les abandonner ne changerait rien. Nul n'est en sécurité désormais. Nous devons les protéger.
_ J'en suis conscient, dit Hargen. Les protéger de simples tuniques et quelques bestioles, c'est une chose, mais d'un démon... Si comme tu le dis nous ne pouvons en venir à bout, nous devons donc fuir. Toutefois, nous ne pouvons fuir éternellement. Même si la forêt nous donne un coup de branche je doute que quelques boiseries le retienne longtemps.
Ils se faufilèrent à travers ces piliers hostiles, aux troncs immobiles et aux filaments plus futiles. Ils débouchèrent dans une petite clairière où de petits cratères rosés émergeaient de la terre, ressemblant à s'y méprendre à des éponges de mer. Par de légers battements parfaitement réguliers, dans un sifflement tel celui d'un dernier, elles exhalaient les brumes enivrantes. Elles étaient les poumons de ces lieux. Une atmosphère lugubre et étouffante régnait. La sérénité n'avait d'égal que la crainte que quelque chose surgît à tout instant.
Une fois il a conversé avec une mouche qui s'était posée sur sa main. Il a tenu ainsi un long moment, lui posant des questions sur le sens de son existence, et on eut dit qu'elle lui répondait, tant les paroles d'Hernist étaient sensées.
Il lui a d'ailleurs dit quelque chose qui m'a fortement intrigué : " Qui est persuadé d'être éveillé en réalité sommeille à jamais. Seul celui qui a conscience de ses brumes se réveillera."
_ Je n'ai pu récupérer que nos armes, dit Argas. Votre arc est intact, Emiaelle. Quand à notre nourriture, comment dire, elle n'est plus là.
Il fallut retenir Korodan de partir à l'assaut.
_ Il est hors de question que je parte d'ici sans mon jambon ! C'est un jambon de Bayostano, une pure merveille de salaison. Il en sort à peine quelques centaines par an. Je ne puis me résigner à laisser toucher un tel met par leurs sales gueules puantes. Je le retrouverai, par Bedoch, Dieu des bons vivants.
Mais surtout, d'ici, on surveillait le monde. Ce n'était point une de ces surveillances bienfaitrices se perdant dans les brumes pathétiques de l'utopie, veillant à ce que les hommes ne manquent de rien, ne connaissent ni guerre ni misère et prospèrent avec leurs rejetons. Non, elle n'avait que faire des querelles humaines, si meurtrières et génocidaires soient-elles, et ne se souciait nullement de l'individu ou de quelconque vie singulière aussi insignifiante qu'un battement de cil dans l'Anashmut. C'était une de celles parfaitement abstraite et universelle, qui considérait l'Homme, la Vie, le principe même de l'Existence de toute chose et l'Équilibre, en les défendant par tous les moyens nécessaires contre toute menace, tout cataclysme qui les éradiqueraient à jamais.
La montagne trembla à cinquante-et-une reprises, menaçant de s'écrouler, et les cieux en furent ébranlés autant de fois car les Guriogals en tant que protecteurs, s'étaient liés au Kyan Veil. Chacune de leur mort asséchait un de ses ruisseaux et fissurait infailliblement le cœur du monde, le Hortaria.
_ Je ne puis prédire l'avenir, mais ce qui est sûr, c'est que le savoir n'émane pas d'un seul homme, mais des Hommes. Si ce n'est moi qui invente cela aujourd'hui, ce sera quelqu'un d'autre, dans un an, dix ou cent, c'est inéluctable. Et ce quelqu'un n'aura pas forcément nos scrupules. Alors je préfère essayer de maîtriser ce sujet avant les autres. Me comprends-tu ?
_ Beauchancourt, la ville des délices et des immondices, dit Gaalien en entendant cela. Tout n'est qu'ambivalence. La lumière créée l'ombre à sa volonté, mais la lumière ne se répand qu'à la surface, jamais dans les cavernes.
Il était presque impossible de traverser la forêt directement, sans emprunter un des nombreu sentiers Nauséeux, comme ils pouvaient traverser un marais boiteu Ainsi les nommait-on, car ils se déplaçaient au gré des caprices et des humeurs de Vayrinen. Les sentiers pouvaient aussi bien s'ouvrir au milieu de verts feuillages et longer de belles cascades. comme ils pouvaient traverser un marais boueux, ou pire encore, un nid de Kasvirs-un croisement entre une araignée et une mante, de deux mètres au garrot pour les plus grandsspécimens. Telle était la volonté de Vayrinen, aider ou faire périr.
Apprendre à se battre en cet âpre monde était chose indispensable, mais cela accroissait l'agressivité, et l'agressivité menait à la sauvagerie, à la désolation de l'âme. Soran se devait donc de l'éduquer avec parcimonie, à se défendre et à n'attaquer que lorsque cela s'avèrerait nécessaire.