Charles Joseph de Ligne

Ces Mémoires n'en sont pas vraiment. Des souvenirs légers plutôt, écrits sans lien ni chronologie, nonchalamment, au fil des années, au gré de l'humeur et de la fantaisie, et par petites touches.



Le Prince de Ligne était un européen par excellence, née en Belgique d'une grande famille aristocratique, maréchal de l'armée du Saint-Empire, diplomate, homme de lettres, ou plutôt « d'esprit », fréquentant les grandes cours européennes, correspondant avec Voltaire ou Catherine II, ami de Casanova et de Mme de Staël, en bref un homme totalement inséré dans l'Europe des Lumières.



Il représente bien le ton du XVIIIe siècle, comme on l'imagine en tout cas : libertin, léger, gai, poli, cultivé, spirituel et libéral. Ces Mémoires sont à l'image de leur auteur, ils ont le charme d'une conversation vive et gaie, plaisante, entre gens bien nées, possédants tous les codes de la sociabilité aristocratique — tout n'est donc pas compréhensible pour le lecteur contemporain —, mais ils sont sans profondeur ni perspicacité sur la situation historique, ce qu'ils ne cherchent de toute façon pas.



À la fin de cette lecture il ne me reste pas grand-chose, si ce n'est quelques anecdotes et une impression charmante sur un homme singulier, représentant d'un monde aujourd'hui complètement disparu.

Les aphorismes et pensées sont sans intérêts par contre les fragments, tirés des mémoires du Prince de Ligne, sont assez savoureux.

Le Prince de Ligne était un militaire du Saint Empire, il fut aussi diplomate et homme de Lettres, ce qui le fit voyager à travers le monde et côtoyer de nombreux hommes d'État.



Établi dans le comté de Ligne (Belgique), il vit la Révolution Française d'un oeil externe.

Soutenant la royauté, il en perdra tous ses biens en 1792, lors de l'annexion de la Belgique par la France.



Mes écarts est un ouvrage qui recense ses pensées, celles ci commencent une dizaine d'années avant la révolution française et s'étendent jusqu'à sa mort.



Ses pensées sont très éparses, écrites sur le vif, ce qui peut être destabilisant au commencement.

Cependant, en avançant dans l'ouvrage, nous pouvons y voir progressivement la pensée de Joseph de Ligne se dévoiler.



De l'art à la religion, en passant par la politique, la guerre, la morale, et les femmes.

On constate que le Prince de Ligne était préoccupé par le comportement des hommes.



Ceux ci se mentent à eux même, se fient aveuglement à des penseurs sans même vérifier leurs dires.

Ils analysent peu, se laissent diriger par des désirs, ce qui finit par générer tous ces conflits qu'il voit en Europe.



En parallèle, il parlera souvent de sa vision du monde, plus traditionnelle, un peu utopiste, parfois fantaisiste.

Il aimerait que les hommes s'instruisent, fassent preuve de plus d'Esprit et de bon sens, s'inspirent des valeurs qu'inculquent l'Eglise pour s'entraider et construire une société meilleure.



Car à l'époque, de la Révolution française et des guerres de l'Empire de France, le Prince de Ligne ne voit qu'un bilan humain de 3 millions de morts.

Est ce donc légitime de tout détruire pour tout reconstruire? Ne serait il pas meilleur de revoir les fondements du système en place?



Son grand questionnement moral s'illustre assez bien par cette pensée:

"C'est à vous, homme puissant sur la terre, mais insecte aux yeux de Dieu, ainsi que la fourmi ;  à diriger assez bien les causes secondes qui vous sont confiées, pour que le bon prospère, et le méchant périsse ; et ne croyez pas, par une piété blasphématoire, que le Ciel soit obligé de faire un miracle pour réparer les suites de votre stupidité."



De grandes questions de la part de cet homme qui vécut durant cette période charnière de l'Europe.



Une belle oeuvre, que je pense relire et qui peut faire l'objet de plusieurs lectures au vu du nombre de sujets traités.

Lus à toute hâte en moins d'une heure car rien n'y accrochait le regard, ces mémoires fragmentaires m'ont parus anecdotiques, banals et décevants.