Charlotte Moundlic

Je n'ai pas demandé à naitre.
Personne ne demande à naitre.
Mais moi je suis le fruit de leur amour. Ils me l'ont dit.

Je m'amuse bien. Demain on va faire du vélo et je mange tout ce que Mamie prépare, surtout les légumes verts (même deux fois).
Ca, c'est pour lui faire plaisir.
Finalement, j'ai rayé "même deux fois" après "légumes verts" parce que là, elle ne me croira jamais...

Avant de me coucher, j'ai demandé à Mamie si on pouvait éviter d'envoyer la lettre à Maman. Elle était d'accord. Je l'ai quand même relue avant de la jeter. Elle était vraiment nulle cette lettre. Je l'ai froissée. La seule chose que j'aurais voulu écrire à Maman, c'est : "J'aimerais avoir exactement les mêmes vacances l'année prochaine." Enfin... presque... avec juste un slip de bain à ma taille.

C'est toujours option bouffe "sans odeur ni saveur" : jambon sous vide, omelette, riz, purée, épinards, tomates fades et yaourt nature 0% dans le frigo. À croire qu'elle a le même livre de recettes que le chef cuistot de la cantine du collège.

On sera une vrai famille.

Je me suis couché : impossible de dormir. J'étais très triste et j'ai réalisé que c'était comme si Carmen avait fait pousser une plante carnivore dans mon ventre, avec des papillons qui volent autour. C'est pour ça que ça chatouille le ventre quand elle me sourit. Mais en même temps, ça me dévore le coeur par petits bouts.

Plus encore que l'absence de Maman, la mauvaise nouvelle de l'été
c'est que les cousins viennent aussi. Jean, Edgar et Hector. Les trois fils de tonton Patrick, le frère aîné de Maman. Pour faire simple, ils sont grands, forts [...]. Je suis leur souffre-douleur.
Mamie m'a demandé si j'étais content, j'ai marmonné que "Oui, oui bien sûr..." Qu'est-ce que je pouvais répondre d'autre ? Je ne peux pas lui dire que je vais vivre les pires vacances de ma vie.

Quand elle ôtait le sang d'un côté, il revenait de l'autre. Elle savait que ce sang était la mémoire des crimes de Barbe Bleue.

Tout est rangé nickel, elle classe ses vêtements par teintes, intégralement pastel. Du vert lavasse au rose pétasse, en passant par un bleu azur et des couleurs que je ne connaissais même pas et qui devraient être interdites tellement ça pique les yeux rien qu'à les regarder. Ajoutez à ça sa passion pour la dentelle : l'ensemble donne un résultat exquis ! Je ne pensais pas qu'on puisse avoir à ce point-là un goût de chiotte.

C'est ce que racontent les nains. Croyez-les si vous voulez. Qui sait où se niche la vérité de l'histoire...

Elle s'approche et m'embrasse...sur la bouche.
C'est doux, c'est chaud, je voudrais que ça ne s'arrête jamais, ou alors mourir juste après.

Je suis un peu triste qu’ils ne soient jamais avec moi mais ce n’est pas grave puisque forcément ils m’aiment à la folie, je suis le fruit de leur si bel amour.

Je suis leur fille mais c’est drôle, je ne suis pas pareille. Je me demande comment deux personnes aussi parfaites ont pu donner naissance à quelqu’un comme moi.

Julien était rentré tranquillement après l'école.
Depuis le début de l'année il ne passait plus chez la voisine jusqu'à son retour à elle.
Il se débrouillait seul car, avait-elle décidé, il était grand maintenant.

Il avait préparé son goûter : un petit pain avec un morceau de chocolat et un verre de lait.
Après avoir rincé et rangé son verre dans l'égouttoir, il avait essuyé les miettes sur la table de la cuisine qui servait pour tout.
Il s'y était ensuite installé pour faire ses devoirs.
Le maître, gentiment, ne les avait pas surchargés.
Une fois les exercices terminés et sa leçon relue, il avait décidé que c'était suffisant.
Au besoin, il réviserait un peu avant de s'endormir les fleuves qu'il avait du mal à mémoriser.

Ensemble, ils finissaient toujours par se débrouiller.

(...) les filles, elles sont bizarres. Elles rigolent fort, se disent des secrets et se donnent la main. Parfois elles sont gentilles, et puis d'un coup, quand leurs copines arrivent, elles se mettent à ricaner et à se moquer. Je préfère les éviter, c'est trop d'ennuis. 

- Tu ne trouves pas qu’on s’ennuie bien ensemble ?
- Ah bon, tu t’ennuies ? Moi, je me sens détendue, là.
- Moi aussi, c’est ce que je dis. J’adore m’ennuyer avec toi. Je ne connais personne avec qui je m’ennuie aussi bien… D’habitude, je déteste ça, mais quand on est nous deux, je me sens tranquille et un peu triste.
- Je ne te suis pas : t’aimes ou t’aimes pas ?
- Les deux. Ça me rend triste qu’on ne puisse pas retenir cet ennui cool. Ça dure un instant, et tout de suite après, c’est fini.
Lucie me regarde :
- Tu sais, Polo, quand tu dis des trucs pareils, tu me fais peur, et en même temps, je t’adore…

Quand mamie nous envoie nous laver, on se dirige vers la salle de bains et là, le tirage au sort pour savoir lequel d'entre nous va s'y coller.
Pendant que le perdant se lave vraiment, les autres font les voix pour faire croire qu'on y passe tous. (p. 19)

J'ai fermé les yeux en me concentrant le plus possible pour oublier mes pieds congelés et le froid qui me mordais le corps, je priais pour tomber malade et j'ai attendu...

Je m'échappe peu à peu dans mes pensées prête à voler un petit coup. Quand j'entends mon nom, l'atterrissage est plutôt violent.