Citations de Chris Whitaker (91)
Le voisin coupa son tuyau et s'approcha du bord de son jardin, avec une légère claudication qu'il s'efforçait péniblement de corriger. Brandon Rock. Baraqué, bronzé. Piercing dans une oreille, brushing à la Travolta, peignoir en soie. Parfois, il faisait de la muscu dans son garage, porte grande ouverte, les enceintes crachant du métal à plein tube.
"Encore ta mère ? Faudrait que quelqu'un appelle les services sociaux".
Une voix comme s'il s'était cassé le nez sans jamais le réparer. Il avait une haltère dans une main qu'il soulevait de temps en temps. Le bras droit nettement plus épais que le gauche.
Duchess se tourna vers lui.
La brise souffla. Son peignoir s'écarta.
Elle fronça le nez.
"Exhibitionnisme devant des enfants. Je devrais appeler les flics".
Une vieille dame vint à leur rencontre, tout sourire, peau flasque et taches brunes, à croire que la terre réclamait sa chair mais que son cerveau refusait obstinément de céder.
Vous voyez quelque chose, vous levez la main.
Un mégot de cigarette, une canette de soda, peu importe.
Vous voyez quelque chose, vous levez la main.
Mais vous n'y touchez pas.
Juste, vous levez la main.
Les habitants se tenaient prêts, les pieds dans le gué. Une ligne en mouvement, vingt pas entre chaque, une centaine d'yeux rivés au sol, mais quand même, ils faisaient bloc, la chorégraphie des damnés.
(incipit)
Il y a toujours un homme. Chaque fois que ça merde quelque part dans le monde, c'est qu'il y a un homme.
Alors Star tressaillit, vomit un peu et tressaillit, comme si Dieu ou la Mort serrait son âme dans son poing et venait de la relâcher. Walk lui avait laissé du temps, trente années s’étaient écoulées depuis Sissy Radley et Vincent King, mais Star ressassait encore les mêmes bafouillages pâteux dans une collision entre passé et présent dont la force pulvérisait le futur
Devant elle s'étendaient de l'herbe et des bois, une rivière au loin qui s'en allait couler à perte de vue, le ciel tout en pardon de bleu. Parfois elle espérait davantage, un indice, quelque chose de flétri, de grisonnant, d'interrompu, quelque chose pour lui signifier que le monde avait changé depuis que sa mère était morte.
Milton était poilu. De grosses touffes lui poussaient partout, c’était le genre d’homme qui devait se raser jusque sous les yeux trois fois par jour de peur qu’un gardien de zoo qui passerait par là ne lui décoche une fléchette sédative.
« - Ce vieux pasteur. Un jour, après l'office, il nous a demandé le sens de la vie. À tous les enfants, il nous a demandés un par un. La plupart ont parlé de famille et d'amour.
- Et toi ?
- Je n'ai rien dit parce que Robin était là. Mais tu sais ce que Robin a dit ? »
Il secoua la tête.
« Il a dit que la vie, c'était d'avoir quelqu'un qui tenait suffisamment à nous pour nous protéger. »
Ils restèrent assis là jusqu'à ce que les étoiles pâlissent, que la lune oublie sa place et persiste comme une tache dans l'aube du jour nouveau, réminiscence de ce qui avait disparu.
La route Going-to-the-Sun était une route d’altitude qui courait sur quatre-vingts kilomètres à travers le parc de Glacier. Ils débouchèrent dans la lumière après le tunnel est, deux montagnes s’écartant comme un rideau de théâtre. Ils roulèrent au pas le long de précipices vertigineux, les serpentins d’asphalte semblant disparaître dans le vide devant eux, un genre de montagnes russes d’une telle beauté que Duchess ferma les paupières.
« Il y a un bébé qui vient de naître un peu plus loin, dit Walk, changeant de sujet.
_ Comment ils l'ont appelé ?
_ Je ne sais pas.
_ Cinquante dollars que c'est pas Duchess. »
Il rit sans bruit.
« L'exotisme par la rareté. Tu sais que tu devais t'appeler Emily ?
_ À cause d'un poème d’Emily Dickinson. « L’espoir porte un costume de plumes, se perche dans l'âme et inlassablement chante un air sans paroles ; mais c'est dans la tempête que son chant est le plus doux. » (p.21)
- Qu’est-ce que tu faisais planté là ? Une prière ou quoi ? J’ai eu peur que tu sautes.
- C’est quoi la différence entre une prière et un vœu ?
- Les vœux, c’est pour les choses qu’on désire, les prières, pour les choses dont on a besoin
Mieux ou pire. Bien ou mal. Personne n'est jamais une seule chose à la fois. On est tous la somme du meilleur et du pire de tout ce qu'on a fait.
« Je suis la hors-la-loi Duchess Day Radley, et toi, tu es le lâche, Nate Dorman.
– T’es barge. »
Elle s’approcha d’un pas et le regarda déglutir.
« Encore un mot sur ma famille et je te coupe la tête, connard. »
Il essaya de rire mais n’y parvint pas vraiment. Il y avait des rumeurs sur elle ; malgré son joli minois et sa frêle carrure, elle pouvait vriller, péter les plombs au point que même les copains de Nate n’interviendraient pas pour le défendre.
Elle le bouscula pour passer et l’entendit lâcher un profond soupir alors qu’elle s’éloignait vers l’entrée du collège, les yeux brûlants d’une nouvelle nuit de tourmente.
Avant tout, elle se sentait fatiguée. Pas par le travail ni le manque de sommeil, juste par la haine désespérée qui brûlait au fond d'elle.
Regarde-nous. Tu sais, parfois, je m’y crois encore.
– Où ça ?
– À quinze ans.
– On vieillit, pourtant. »
Elle souffla un rond de fumée parfait.
« Pas moi, ---. Toi, tu vieillis, moi, je commence à peine. »
Il éclata de rire, puis elle aussi.
Et soudain c’étaient eux, ---, projetés trente ans en arrière jusqu’à ce qu’il ne reste plus que deux gamins en train de rigoler de tout et de rien.
On ne peut pas sauver quelqu'un qui ne veut pas être sauvé.
Une vieille dame vint à leur rencontre, tout sourire, peau flasque et taches brunes, à croire que la terre réclamait sa chair mais que son cerveau refusait obstinément de céder.
« Bonjour Agnès, lança Hal. Je te présente Duchess et Robin. »
Agnès tendit une main squelettique. Robin la serra avec la plus grande prudence, comme s'il avait peur qu'elle se détache et qu’il lui incombe ensuite de réparer les dégâts.
« Dis donc, en voilà une jolie robe, commenta Agnès.
-Ce vieux chiffon ? Je la trouvais un peu courte mais Hal m'a dit que ça plairait beaucoup au pasteur. »
Agnès conserva son sourire bien que la perplexité lui disputât âprement la place. (p.171)
A Caroga Plain, un type monta avec sa guitare et demanda aux quelques passagers si cela ne les dérangeait pas, et comme ils secouèrent la tête il se mit a chanter une histoire de sommeils dorés, golden slumbers, la voix éraillée mais avec quelque chose qui crevait le toit du vieil autocar pour laisser pleuvoir les étoiles à l’intérieur
Walk se racla la gorge.
« Ta mère… Est-ce qu’il y avait un homme…
- Il y a toujours un homme. Chaque fois que ça merde quelque part dans le monde, c’est qu’il y a un homme.
- Drake ? »
Elle resta impassible.
« Tu ne peux pas me dire ? demanda-t-il.
- Je suis une hors-la-loi.
- D’accord. »