Interview with In Amber's Wake author Christine Leunens.
2 mai 2022
Le danger du mensonge ,ce n'est pas sa fausseté, son irrealité,mais au contraire le fait qu'il devienne réalité pour autrui. Il échappe au menteur comme une graine lâchée au vent ,d'où germe une vie autonome dans un recoin inattendu jusqu'à ce qu'un beau jour le menteur se retrouve confronté à un arbre solitaire dont la vigueur se dresse au-dessus d'un à-pic vertigineux,un arbre qui le sidère autant qu'il l'eblouit. Comment s'est-il retrouvé là ? Comment rėussit-il à survivre? Sa solitude confère une grande beauté à ce fruit d'un mensonge ,stérile et pourtant vert et gorgé de sève.
Avec d'autres anciens des jeunesses hitlériennes, on me dirigea vers le secteur américain.Après une marche forcée ,des soldats yankees nous ordonnèrent de nous aligner le long d'une voie de chemin de fer.Croyant qu'ils allaient nous envoyer en prison ,je cédai à la panique:comment pourrais-je abandonner Elsa et Pimmichen! Chaque fois que je tentais de m'éloigner ,un soldat armé agita son fusil d'une façon qui me fit comprendre que je devais rentrer dans le rang.
Un convoi arriva péniblement, en se traînant sur le ventre ,enveloppé d'une puanteur à vous donner envie de vider le vôtre. Ma mémoire aura peut-être déformé une partie de ce je suis sur le point de décrire car,en fermant mes vieux yeux ,j'ai des doutes: est-ce EXACTEMENT ce que j'ai vu quand ,l'un après l'autre,les wagons à bestiaux furent ouverts,est-ce L'ESSENCE de ce que j'ai vu où seulement une fraction de ce que j'ai été incapable d'oublier?.
Du sol au plafond étaient empilés ,les uns sur les autres ,des corps squelettiques sur lesquels on aurait juste ajouté la peau et les yeux: vision infernale ,débauche de cadavres.Membres entremêlés indifféremment, têtes rejetées en avant ou en arrière ,parties génitales rétrécies si longtemps après l'orgasme;ici et là on distinguait un enfant ,fruit ratatiné d'une extase engourdie.Un cauchemar m'emporta, la seule façon d'en sortir était de se réveiller.
Après chaque attaque ,de plus en plus de Viennois descendaient vivre dans les caves er les catacombes,allaient se réfugier sur des routes désertes.Je commençais à trouver une certaine beauté à toute cette dévastation cette laideur.Je songeai en mon for intérieur non sans humour et mélancolie, qu'Elsa devait déteindre sur moi.J'avais reçu l'ordre de collecter des métaux dans le XXIe arrondissement .En passant au Florid-sdorfder Spitz je m'aperçus qu'il y avait eu une pendaison publique.Songeant aux pirates des Edelweiss que j'avais vus dans le journal quelques jours auparavant, j'observai les traîtres qui,d'après la pancarte qu'ils portaient au cou ,avaient soutenu la résistance. Ils pendouillaient là comme s'ils n'avaient eu aucun souci au monde .Imaginant que c'étaient des marionnettes, je manoeuvrais mentalement les ficelles pour les amener à la vie, les faire gesticuler, sauter,hocher la tête : couples autrichiens qui se dandinent ,dansent ,se tapent sur les chevilles.Et on monte les genoux! C'est alors que je reconnus ma mère....Et on tape dans ses mains!!Elle dansait avec un autre homme.Je sais que cela n'a aucun sens mais ,à cet instant-Là, l'univers sembla enfler contre mon oreille,jusqu'à écarter le temps et tous les bruits alentours,jusqu'à faire du dôme céleste un caisson qui m'enveloppa en cet instant inerte.Un autre moi,sourd,muet,idiot,sortit de l'ancien et me poussa en avant ,vers le reste flou du monde,les gardes qui me barrèrent la route ,moi qui étouffais en essayant de leur faire comprendre qui j'étais, qui elle était ;incapable de me faire entendre,je me battis contre leur mauvaise volonté, contre le destin.Je fus repoussé malmené, sans plus de poids qu'une plume,impuissant ,renvoyé, le nez dans la boue ,jusqu'à l'endroit d'où j'avais d'abord contemplé la scène avec nonchalance.
Nous sommes des poupées russes passant notre vie à nous débarrasser de vieilles versions de nous-mêmes.
Malgré ces événements, les Français installaient partout des pancartes sur lesquelles l'Autriche était traitée de 《pays ami》.Leur politique consistait à dissocier l'Allemagne de l'Autriche ,à empêcher toute nouvelle possibilité de réunion. Après nous avoir 《 libérés 》 des Allemands ,l'occupant nous 《 protėgeait》d'eux.De Gaulle définissait la mission morale de la France par les trois 《 d》: désintoxication ,dėnazification, dėsannexion.
Nous ignorions jusque là que notre race était la plus rare, la plus pure et que, hors le fait que nous étions intelligents, blonds, grands, sveltes, que nous avions les yeux bleus et le teint clair, notre tête possédait un trait qui témoignait de notre supériorité : nous étions " dolichocephales " alors que les autres races étaient " brachycephales ".
Allumer les bougies d’anniversaire avec un briquet n’était pas pratique du tout, dans la mesure où l’on se brûlait les doigts plus vite que les mèches ne s’enflammaient.
Leur baiser se fit long et sensuel ; pourtant, quand ils se séparèrent, ce fut comme si le charme avait été rompu et la mauvaise humeur se réinstalla entre eux.
Ce qui est vrai à la lumière artificielle ne l’est pas toujours à la lumière du jour.
Joseph JOUBERT.
« Rien au monde ne peut donner de joie comme un cadeau de vie ! ».