Clara Nové

Je n’ai rien du patron cool : du portier au comptable, du courtier à la secrétaire, tous s’accordent à dire que je suis le plus gros enfoiré du monde. Intransigeant, dur et psychorigide, je mène mon entreprise d’une main de fer. Enfin, celle de mon père, mais plus pour longtemps.

En lieu et place de la chevelure brillante des Japonais, voilà la plus énigmatique des coiffures que j’aie jamais rencontrées. Une boule frisée brune, aux mèches survoltées qui partent dans tous les sens. Une espèce de nid de corbeaux qui aurait subi une tornade, et dont je ne peux détacher le regard.

« 𝐓𝐮 𝐚𝐬 𝐟𝐚𝐢𝐭 𝐧𝐚𝐢̂𝐭𝐫𝐞 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐢 𝐮𝐧 𝐧𝐨𝐮𝐯𝐞𝐚𝐮 𝐬𝐨𝐮𝐟𝐟𝐥𝐞, 𝐮𝐧 𝐬𝐨𝐮𝐟𝐟𝐥𝐞 𝐝’𝐞𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫. »

« 𝐀𝐯𝐞𝐜 𝐭𝐨𝐢, 𝐣𝐞 𝐫𝐞𝐯𝐢𝐬. 𝐉’𝐚𝐢 𝐝𝐞 𝐧𝐨𝐮𝐯𝐞𝐚𝐮 𝐞𝐬𝐩𝐨𝐢𝐫 𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐞 𝐦𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞𝐮𝐫 𝐫𝐞𝐬𝐭𝐞 𝐚̀ 𝐯𝐞𝐧𝐢𝐫. »

« 𝐏𝐚𝐫𝐜𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐐𝐮𝐞𝐞𝐧𝐢𝐞, 𝐥𝐚 𝐬𝐞𝐮𝐥𝐞 𝐜𝐚𝐩𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐝𝐞 𝐜𝐚𝐥𝐦𝐞𝐫 𝐦𝐞𝐬 𝐦𝐚𝐮𝐱, 𝐩𝐚𝐫 𝐬𝐚 𝐬𝐞𝐮𝐥𝐞 𝐩𝐫𝐞́𝐬𝐞𝐧𝐜𝐞. »

“Tu m’as sauvé, malgré ce que je pensais à l’époque. Et tu viens de me sauver une seconde fois. C’est tout ce qu’il y a à retenir. N’en doute jamais : je ne regrette rien. Tu es ma rédemption. Je ne le savais pas, à l’époque, mais maintenant, j’en suis sûr.”

“Debout l’un contre l’autre, nous laissons nos peines se rejoindre, et se répondre dans la douleur de nos âmes.
Ce soir, je pleure pour lui, et lui pour nous.”

“C’est compliqué, bordel, c’est compliqué de toujours faire semblant, de garder le cap du type normal parmi les autres. Parce que, normal, je ne le suis pas. Et je m’épuise à donner le change pour maintenir mon esprit à flot et l’image d’un étudiant quelconque.”

« 𝐉𝐞 𝐟𝐚𝐢𝐬 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢 𝐝𝐮 𝐜𝐥𝐚𝐧 𝐝𝐞𝐬 𝐦𝐞́𝐜𝐡𝐚𝐧𝐭𝐬 𝐞𝐭 𝐚̀ 𝐜𝐞 𝐭𝐢𝐭𝐫𝐞, 𝐣𝐞 𝐬𝐮𝐢𝐬 𝐚𝐮𝐬𝐬𝐢 𝐫𝐞𝐬𝐩𝐨𝐧𝐬𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐪𝐮𝐞 𝐦𝐨𝐧 𝐩𝐞̀𝐫𝐞 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐜𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐭𝐫𝐚𝐠𝐞́𝐝𝐢𝐞. »

Peur d’éprouver quoi que ce soit pour quelqu’un. Ça fait des
années que tu te barricades sous une carapace de conneries plus grosses que
toi. Que tu te caches sous un masque d’insensibilité.

Stetson May est un mystère. Ce matin, je le détestais. Ce soir ? Je ne sais
plus quoi penser. Son pas en avant m’a déstabilisée. Mais c’est la lueur de
fragilité dans ses yeux qui me dérange le plus. C’est la première fois que je
la vois et ça m’oppresse.

Ne pas regarder, c’est plus simple. Ça évite d’avoir mauvaise conscience,
et de considérer sa muflerie en face. Se retrancher derrière des conditions
énoncées la veille avant de passer aux choses sérieuses, c’est facile.

Le mariage n’est qu’une vaste fumisterie. Un traquenard vicieux qui vous
plume de vos biens, de votre essence et de vos sentiments

Je suis définitivement un sale type. Arrogant, frondeur, détestable. Et je
le sais. Je la fixe se dandiner avec appréhension, je me délecte de la voir si
gênée. Ouais, je suis définitivement infect

Chapitre 2 :
Sretson
«… Putain de bordel de merde, faut que je me débarrasse de Miss Tignasse. Rien ne va. Ni ses cheveux, ni ses lèvres, ni…
— Le travail est compliqué, vous savez, mademoiselle Suarez.
— Je ne suis pas fainéante.
— Je n’en doute pas, disons que…
Bon sang, mon approche est nulle. Tentons autre chose.
— Je suis exigeant, Marnie pourra en attester.
— J’apprends vite. Et votre assistante m’a dit que nous avions plusieurs mois pour qu’elle me forme à ce que vous voulez.
Ce que je veux ? Oh plein de choses, là, maintenant que je laisse mon esprit vagabonder. Concentre-toi, Stets’, et arrête de penser avec ta queue !
— Le poste comprend des déplacements, quand je voyage. J’ai besoin d’une assistante en permanence. Pensez-vous que votre situation familiale vous permette de partir au dernier moment, comme ça arrive parfois ?
— Je suis célibataire, ce n’est pas un souci.
Pourquoi cette information me plaît-elle aussitôt énoncée ? Ressaisis-toi, mec !…»

Chapitre 1 :
Carmindy
«…Trop tard pour me changer.
Je ne sais pas combien de temps je reste là à patienter, mais quand la voix de la vieille dame retentit à nouveau, je l’avais presque oubliée.
— Vous pouvez y aller, mademoiselle Suarez.
Fébrile, je me relève et entreprends de rejoindre la porte entrouverte qu’elle me désigne. À ce stade, mieux vaut ne pas réfléchir, et je pousse le battant sans me poser plus de questions. Tout bien réfléchi, j’aurais peut-être dû. Parce que l’accueil que je reçois me fige sur place.
— Marnie ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
— C’est la jeune femme qui vient pour le poste d’assistante, monsieur May.
Le brun qui me fixe me donne envie de fuir, avec encore plus d’acharnement que tout à l’heure. Bien qu’il soit assis derrière son bureau, il est immense, j’en suis certaine. Ou alors c’est peut-être son regard dur, ou son expression sérieuse. Ou la beauté froide qu’il arbore. Toujours est-il qu’il me pétrifie sur place.
Dans un réflexe, j’ôte mon bonnet et croise les mains devant moi, comme une gamine prise sur le fait. Pourtant, je n’ai fait aucune bêtise !
Sauf une, et je ne m’en rends compte que trop tard. Quand les yeux bleus du gars s’écarquillent en se posant au-dessus de ma tête. Sur mes cheveux, pour être exacte.
Putain de merde. …»

« Si miss Tignasse veut passer à l’acte, ce sera avec moi, et personne d’autre. Voilà, c’est acté. Facile, non ? Ouais, dans ma tête. L’en persuader, ça va être une autre paire de manches. »

Stetson May est mon oxygène. Mon carburant. Sans lui, je n'avance plus.

- Nous deux, contre le reste du monde.

- Je ne suis pas une reine, contré-je.
- Tu es la mienne, Queenie