- Lorsqu'une personne qu'on aime meurt, au début, on ne peut penser qu'à elle, n'est-ce pas ? Tout le reste s'efface.
J'opine et retiens mon souffle.
- Cela finit par changer, poursuit-elle. Avec le temps, les morts se calment. Ils murmurent encore à l'oreille, mais le monde alentour se fait plus bruyant, et on le perçoit à nouveau. Il y a toujours un manque, bien sûr, mais on s'y habitue et on ne le remarque presque plus. (Dulcie prend ma main dans sa vieille main décharnée.) Puis, un jour, en préparant le thé, en accrochant le linge à sécher, ou dans le bus, il resurgit sans crier gare : ce vide si douloureux et si impossible à combler.
Mais comment lui dire que tout, non seulement les A levels et l'université, mais absolument tout - regarder la télévision, m'épiler les sourcils, l'amitié, l'ambition, jusqu'à l'amour -, tout n'est qu'un moyen que les gens ont trouvé pour oublier le fait qu'à n'importe quel moment, n'importe quoi peut arriver : la grippe porcine ; une guerre nucléaire ; être frappé par la foudre ; des météorites qui percutent la Terre et nous exterminent jusqu'au dernier, comme les dinosaures.
Je crains fort, Pearl, qu'à partir du moment où nous aimons quelqu'un, il nous faille respecter ses choix, même quand nous ne les approuvons pas.
Dans l'histoire et les pièces de Shakespeare, les gens n'arrêtent pas de devenir fous de chagrin, c'est peut-être aussi ce qu'il m'arrive.
Le monde peut basculer à tout moment. Mais pour l'instant...
Il continue à tourner, et moi à respirer, inspiration, expiration, inspiration, expiration. J'inspire la vie qui m'entoure de toutes parts, dans ce jardin, dans cette ville, dans les champs, sur les rivages de l'au-delà, la vie tendue vers l'espace que nul ne peut atteindre ni connaître, et les étoiles qui y brillent.
Le monde peut basculer à tout moment.
Mais pour l'instant, peu importe.
Le monde peut basculer à tout moment. Mais pour l'instant...
Il continue à tourner, et moi à respirer, inspiration, expiration, inspiration, expiration. J'inspire la vie qui m'entoure de toutes parts, dans ce jardin, dans cette ville, dans les champs, sur les rivages de l'au-delà, la vie tendue vers l'espace que nul ne peut atteindre ni connaître, et les étoiles qui y brillent.
Le monde peut basculer à tout moment.
Mais pour l'instant, peu importe.
Chaque jour est une succession de toutes petites choses qui ne se produisent pas.
Il disait que parfois, quand quelqu'un perd un être cher, on a l'impression qu'il meurt aussi, comme si cesser de vivre était la seule façon de rester proche du défunt."