"Parfois, il faut creuser un peu plus en profondeur pour arriver à savoir qui une personne est réellement, eu lieu de tourner les talons."
Il me manque tellement. Ça ne devient pas plus facile. Peu importe ce que les gens disent, le temps ne guérit pas les blessures. Il vous montre simplement de nouvelles, et encore plus douloureuses manières de souffrir de l'absence de quelqu'un. Plus cette personne est partie depuis longtemps, pire c'est, parce qu'on commence à oublier son sourire, sa façon de pencher la tête lorsqu'elle réfléchissait, de vous regarder et de deviner ce à quoi vous pensiez. Bientôt, on se met même à avoir la sensation que les souvenir sont étés remplacés par des images photographiques - comme si la seule façon de se rappeler cette personne se trouvait désormais sur un cliché, et qu'elle devenait bidimensionnelle. Et comme ça déchiré le cœur rien que d'y penser, on évite de le faire.
"L'avenir peut vraiment être effrayant, parfois, surtout quand on a du mal à croire qu'on puisse avoir autant de chance ici et maintenant."
Je n'étais pas plus déprimée qu'un autre jour. Pour une bonne et simple raison: je ne me suis jamais sentie heureuse , jamais vraiment. Comme si je m'étais contentée de vivre un jour après l'autre dans une sorte d'étrange vide émotionnel. Ca ne veut pas dire que je n'étais pas heureuse par moments – évidemment, que ça arrivait, mais toujours par instants fugaces, tous volés avant même que j'aie eu le temps de les apprécier.
Kai qui nous aimait autant l'une que l'autre, souhaitait juste qu'on s'entende sa sœur et moi. Il n'a jamais vu son rêve se réaliser. Il ne passera jamais son permis. Il n'ira plus boire de coups au pub. Il ne votera pas non plus.
Kai ne fera rien de tout ça. A cause de ce qu'ils lui ont infligé.
C'est lorsque je suis seule que le doute s'insinue. C'est comme ça depuis des années. Tant qu'il y a des gens autour de moi, je fais comme si tout allait bien. mais j'ai besoin d'un public à qui jouer la comédie pour que cela marche. Seule avec moi-même, je me berne moins facilement.
ce n'est pas que je redoute la solitude, pas vraiment. j'arrive toujours à me distraire en rêvassant comme une abrutie, mais au final, j'en reviens systématiquement à moi. la seule chose qu'il me reste : moi, et seulement moi. Alors que c'est justement ce dont j'ai le plus peur.
Parfois, c'est mieux de ne pas se comporter comme si tout allait bien, d'exprimer les choses franchement avant que quelqu'un d'autre ne le fasse.
Lorsqu'une personne meurt , les choses se répartissent en deux catégories bien ordonnées : avant, et depuis. Sachant qu'avant est toujours mieux.

"Kai, tu es sûr que ça va ? Tu es un peu bizarre..."
Il m'a embrassée sur le front. "Ah, Jemima ! Ce côté bizarre fait partie de mon charme, mais je ne t'apprend rien." Il m'a prise dans ses bras et serrée si fort que j'ai failli tourner de l’œil.
J'allais m'écarter, mais il m'a serrée encore plus fort. "Ah non, a-t-il murmuré à mon oreille. Je n'ai pas encore envie de te lâcher. Je trouve ça particulièrement bon, aujourd'hui."
Nous sommes restés debout sur le seuil de l'entrée pendant au moins deux minutes. Un moment plutôt agréable. J'avais toujours la sensation que le monde était un endroit meilleur, plus sûr, quand Kai me prenait dans ses bras. Kai ne sentait pas aussi bon que d'habitude. Un arôme de vieux café se mélangeait à son odeur, ce qui expliquait bien sa bizarrerie - Kai et la caféine n'ont jamais bien cohabité.
Il a fini par me lâcher, au bout d'un moment, et par poser ses mains sur mes épaules, mais pas comme Stu dans le couloir du bahut. "Je t'aime, Jem. Si j'étais un de ces horribles hétéros, je te violerais sur place !" Sur ces paroles, il a enfoui son visage dans mon cou et fait semblant de me... violer,bref, vous voyez ce que je veux dire.
Je me suis tortillée avant de me dégager d'un bond. "Bas les pattes, espèce de crétin ! Et arrête de mentir - si tu étais hétéro, tu sortirais avec Sasha Evans ou une nana dans le genre."
Il a penché la tête sur le côté et réfléchi un instant à ce que je venais de dire. "Ouais, tu dois avoir raison. Je suis trop bien pour toi." J'ai tenté de le frapper, mais il a réussi à esquiver le coup. "Si tu faisais quelque chose avec ces cheveux, y aurait peut-être moyen, par contre..."
J'ai secoué la tête et commencé à redescendre l'allée. "Hé ! Je plaisante... Jem ! Tu es magnifique." Sa voix m'a paru différente, cette fois ; plus grave. J'ai fais un demi-tour sur moi-même. Le visage de Kai avait lui aussi changé - plus sérieux.
"Tu n'es qu'un sale menteur, Kai McBride." Sur ces mots, je lui ai tiré la langue.
Je suis partie sans me retourner.
Je ne l'ai plus jamais revu, après ça.
« Ma sœur était mon être humain préféré. Elle me manquera toute ma vie. Aujourd’hui, j’ai la télécommande pour moi tout seul et mon iPod est toujours chargé. Mais je voudrais juste que ma sœur revienne. Et ça n’arrivera jamais. » La voix de Jack se brise ; il regagne sa place à toute allure.