Découvrez le nouveau projet hors-norme de Mnémos : L'intégrale fantasy de Clark Ashton Smith en deux volumes dans une toute nouvelle traduction. Plongez dans Zothique, Averoigne, Hyperborée et Poseidonis

Le roi Adompha se promène dans son jardin...
"Sur des troncs palmés, sous un feuillage touffu et duveteux, pendaient en grappes, à la façon de drupes noires, des têtes d'eunuques. Sur un arbuste nu et rampant fleurissaient les oreilles de gardes inconséquents. Des cactus déformés, couverts de cheveux féminins, produisaient des fruits en forme de seins. Des torses et des membres entiers avaient été unis à des arbres monstrueux, des coeurs palpitaient sur les plus larges feuilles, des yeux cillaient au centre de petits boutons floraux. Et il y avait d'autres greffes encore, trop obscènes pour être ici relatées.
Adompha s'avança entre les cultures hybrides, qui remuèrent en bruissant à son approche. Les têtes semblèrent se tendre un peu vers lui, les oreilles tremblèrent, les seins furent parcourus d'un léger frisson, les yeux s'écarquillèrent ou s'étrécirent pour suivre sa progression. Il connaissait l'existence léthargique de ces restes humains qui vivaient à la manière des plantes et partageaient leur activité subanimale."
(Le Jardin d'Adompha)
Sur Zothique, dernier continent de la Terre, le soleil ne brillait plus de sa blancheur primordiale, mais d'une lueur faible, ternie d'un sang vaporeux. De nouvelles étoiles, innombrables, étaient apparues dans les cieux, et les ombres de l'infini s'étendaient, toujours plus proches. Sortis de l'obscurité, les anciens dieux avaient repris place parmi les hommes : des divinités oubliées depuis Hyperborée, depuis Mu et Poséidonis, dotées d'autres noms mais des mêmes attributs. Les anciens démons, eux aussi revenus, attisaient puissamment les braises de sacrifices maléfiques et favorisaient à nouveau la magie primordiale.
(début du "Sombre Eidolon", également cité dans la préface de Scott Connors)
Tel un glacis sombre, le pouvoir du Christ a régné sur tous les bois, les champs, les rivières, les montagnes, où vivent dans la félicité les déesses immortelles et les nymphes du passé. Cependant, dans les cavernes secrètes de la Terre, dans les endroits aussi profonds que l'enfer inventé par tes prêtres, habite la beauté païenne et résonnent des cris extasiés.
Jamais il ne s'était marié ni d'ailleurs ne s'était fait d'amis intimes, et se trouvait incapable de s'intéresser aux choses qui, aux yeux du plus grand nombre, caractérisent une personne normale.

Cependant, Vemdeez, qui avait servi Altath, le père de Fulbra, et n'était pas moins dévoué au nouveau régent, avait façonné un anneau enchanté destiné à protéger, en tout temps et en tous lieux, le roi de la Mort argentée. Faite d'un étrange métal rouge, plus sombre que le cuivre ou le vermeil, la bague était sertie d'une gemme noire, oblongue, inconnue des lapidaires de ce monde, qui dégageait en permanence un arôme puissant. Le sorcier avait prévenu le souverain qu'il ne devait jamais la retirer de son majeur, pas même dans des régions éloignées du Yoros ou dans celles que la Mort avait déjà traversées : une fois exposé à son souffle, Fulbra garderait à jamais dans sa chair cette subtile contagion, et s'il ôtait le bijou, elle le frapperait alors avec sa virulence habituelle. Mais Vemdeez n'avait pas dévoilé l'origine du métal rouge ni de la pierre sombre, pas plus que le prix payé pour cette magie protectrice.
L'Île des Tortionnaires
J'ai vu les massives murailles de Machu Picchu monter à l'assaut du ciel sur son sommet andin, et les teocallis enfouis dans les jungles mexicaines. Et j'ai contemplé en personne les rotondes cyclopéennes d'Uogam, prises dans les glaces de la toundra sur l'hémisphère nocturne de Vénus. Pourtant, à l'échelle cosmique, ces ruines dataient de la veille et portaient encore le souvenir de la vie, contrairement à cette cité d'une insondable antiquité, stérilisée et pétrifiée depuis des cycles stellaires sans nombre.
La vieillesse, telle une mite sur une tapisserie aux couleurs passées, rongera bientôt mes souvenirs, comme elle ronge ceux de tous les hommes.
La légende de Mmatmuor et Sodosma n'apparaîtra qu'avec les cycles derniers de la Terre, quand les récits joyeux des premiers temps seront tombés dans l'oubli. Avant qu'elle ne soit relatée, de nombreuses époques se seront succédé, le niveau des mers aura baissé de nouveaux continents seront nés. Peut-être alors permettra-t-elle de soulager un peu la sombre lassitude d'une race moribonde, n'ayant plus d'autre espoir qu'embrasser le néant. Je raconte cette histoire telle que la raconteront les hommes de Zothique, le dernier continent, sous un soleil faible et des cieux amers où les étoiles luiront, sans attendre le soir, d'un formidable éclat.
L'Empire des Nécromants

Le maître des oiseaux parut plus stupéfait encore et indigné qu'auparavant. Il fit interroger Euvoran, le questionnant vivement au sujet du gazolba. Apprenant que le volatile avait été abattu par des marins, puis naturalisé, et que le seul but du voyage d'Euvoran était de le tuer une seconde fois pour l'empailler de nouveau si nécessaire, le maître tonna, d'une voix pleine de courroux : "Ceci n'arrange pas ton cas, mais te désigne coupable de deux crimes et d'une triple infamie, car tu as été en possession de cette abomination sans nom qui bafoue toutes les lois de la nature. Ici, en cette tour, comme il est juste et bon, je garde les corps des hommes empaillés pour moi, mais en vérité, il est intolérable, inacceptable que l'homme fasse de même avec les oiseaux. Aussi, la justice impose que tu sois confié sur-le-champ à mes taxidermistes. Et je pense qu'un roi empaillé - même si c'est le roi des vermines - contribuera sans nul doute à embellir ma collection."
Le Voyage du roi Euvoran
ténu est le voile qui sépare l'homme des gouffres impies, folle est la volonté de savoir ce qui hante les cieux ; d'étranges abominations circulent à tout jamais entre la Terre et la Lune, et parmi les galaxies. D'innommables choses sont venues à nous, horreurs exogènes, qui reviendront. Et le mal issu des étoiles ne ressemble en rien à celui que nous connaissons.