Citations de Claude Esteban (120)
Que tout soit léger, qu’il y ait à peine
un peu de vent
et qu’il nous emporte comme ces pollens
que les arbres perdent
que nos âmes
se dispersent dans l’espace
et qu’un jour quelqu’un sache
que nous avons vécu
en respirant une fleur quelconque.
je suis debout j’avance et le sol me répond
j’ai devant moi l’espace immense
je vois que tout est neuf je recommence
à mettre un signe sur chaque chose comme autrefois
je trébuchais contre un caillou je m’émerveille
qu’il soit si dur et si durable dans le temps
je ne crains plus la violence du vent
je ne crains plus qu’une fleur se fane
ai-je douté du monde ai-je pleuré
je ne reconnais plus les blessures anciennes
ni la douleur présente à chaque pas
je suis debout les astres m’accompagnent
une chenille est là qui me guide sur le chemin
je sens déjà l’odeur des roses sur mes mains
Donnez-moi ce matin, ces heures
encore du petit matin
quand tout commence, donnez-moi, je vous prie,
ce mouvement léger des branches,
un souffle, rien de plus,
et que je sois comme quelqu'un
qui se réveille dans le monde et qui ne sait
ni ce qui vient ni ce qui va
mourir, donnez-moi
juste un peu de ciel, ou ce caillou.
Aubaine de mon voyage.
Dans le jardin, j'ai ramassé un caillou.
J'ai tant cherché .
Un caillou gris, pareil aux autres.
Que la nuit vienne maintenant ,
je ne crains plus.
J'ai le talisman qui me sauve .
Je suis le maître des chemins,
le prince des métamorphoses.
Elle est sublime la petitesse
d'une goutte de rosée
Saisissez-la quand elle tremble
encore sur un pétale
Et que le temps s'immobilise et que l'infime
vous accorde l'infini
(" La mort à distance")
Reposez-vous, mes souvenirs, mes jours, mes paysages, rien ne bouge
et quelque chose a changé, c'est peut-être
la couleur d'une écorce ou
le chant quelque part
d'un oiseau, ne cherchez pas, laissez
en vous que la nuit s'accumule et qu'il y ait
tout cet espace sur la page
et qu'il reste, qui sait, juste
un mot.
(extrait de " III. Morceaux de ciel, presque rien " - p. 130).
.
Donnez-moi ce matin, ces heures
encore du petit matin
quand tout commence, donnez-moi, je vous prie,
ce mouvement léger des branches,
un souffle, rien de plus,
et que je sois comme quelqu’un
qui se réveille dans le monde et qui ne sait
ni ce qui vient ni ce qui va
mourir, donnez-moi
juste un peu de ciel, ou ce caillou.
Elle est sublime, la petitesse
d'une goutte de rosée
saisissez-la quand elle tremble
encore sur un pétale
et que le temps s'immobilise et que l'infime
vous accorde l'infini.
J'ai des jours
Qui ne servent plus, je vous
les donne, ils pourraient
grandir chez les autres, être légers,
soyeux, pleins de soleil,
moi, je les mets dans une boîte
grise sous la terre
et je les vois pourrir, prenez-les moi,
faites qu'ils vivent,
qu'ils deviennent des enfants qui jouent.
LXXI
Je t'aime depuis toujours. Je t'emprisonne dans une image. Je te rends aux chemins, toi qui mourais sur chaque fleur. Délaisse nos saisons. Altère le savoir des signes. L'air est sublime. Le ciel monte. Nous marcherons comme si dieu dormait.
On serait
loin, on oublierait, comme les choses
sont faciles
quand on a tout perdu, quand
on croit que tout s'est perdu et que
le désespoir
travaille seul, puisqu'il est pur,
on serait loin, on
marcherait et ce serait
un horizon peut-être, où se recueillir.
Conjoncture du corps et du jardin & Sept jours d'hier, V. Rien ou l'espace | pp. 167 & 318
A la même heure du soir un mot
s'efface, un
autre et c'est chaque soir comme un peu
de moi qui meurt
car il suffit
qu'une chose n'ait plus de nom
pour que toute la phrase du monde
se défasse
Chaque soir laissez la porte entrouverte
Chaque soir laissez la porte entrouverte,
il se pourrait qu’un souffle d’air veuille entrer
et avec lui peut-être un papillon de nuit, une feuille
tant de choses peuvent renaître
si le temps se promène à son gré
dans le noir des chambres
et s’attarde sur un miroir ou dessine
dans la tête de celui qui dort une autre pensée
le temps n’aime pas les portes
qui se referment pour se rouvrir au matin
comme si l’homme depuis toujours
disposait des heures qui tournent.
On s'est donné le temps, on s'est
perdus, on a poursuivi
le soleil, on s'est endormis tant de fois
sur un lit de paille,
maintenant, comme il est frais
le souvenir du vent
on dirait que la pluie fait un long
silence
et c'est comme si dans le soir
des dieux naissaient
mais si petits
que les oiseaux les picorent comme des graines.
Qu'on se taise
plutôt. Qu'on les laisse
dormir,
eux les absents,
dans le silence qui maintenant les porte.
Ils avaient tant voulu
ne pas faiblir, ne pas
faillir,
avant que tout soit dit de ce qui surgissait,
jour après jour,
de leurs doigts, de leurs yeux,
de leurs lèvres.
Il est temps de partir, vieux camarade. Laisse ta page à peine écrite, ferme le livre du soleil. Ce qui fut dit dans le jardin te survivra peut-être.
Mon amie
Mon amie
a des robes de bruyère,
elle aura froid cet hiver.
Je t'ai chassée, je t'ai
cherchée, je te retrouve maintenant
sur un champ d'asphodèles, plus
morte qu'une pierre
plus belle que ces fleurs qui passent,
mon cœur le sait.
Quelque part, on frappe à une porte
et l'on sait déjà
qu'elle ne s'ouvrira
jamais plus, quelque part
un homme se réveille et découvre
que par delà ses rêves
il ne reste rien, puis
se rendort, quelque part une fleur
monte vers le soleil
mais elle est si petite qu'un insecte
s'en empare et qu'il piétine
sa couleur
quelque part, c'est un autre
qui cherche des mots pour le dire
qui sait déjà que tout
est écrit.
Et peut-être que tout était écrit dans le livre
mais le livre s’est perdu
ou quelqu’un l’a jeté dans les ronces
sans le lire
n’importe, ce qui fut écrit
demeure, même
obscur, un autre qui n’a pas vécu
tout cela
et sans connaître la langue du livre, comprendra
chaque mot
et quand il aura lu, quelque chose
de nous se lèvera
un souffle, une sorte de sourire entre les pierres.
Il pleut très doucement dans un poème
Il pleut très doucement dans un poème
et la ville est couchée là tout près comme un bon chien,
des choses passent et puis d’autres reviennent
il y a des mots qui sont lourds de soleil
et qui disent très bien la fourrure secrète d’une femme
et d’autres qui sont pleins de brume jusqu’au réveil
il pleut si doucement que c’est peut-être un autre monde
pareil à celui-ci mais sans hâte et sans orgueil
et c’est dans le dedans de soi comme des gouttes de silence.