Il regarda un instant son mince et délicat visage au teint d’ivoire sous des cheveux bruns soyeux, aux grands yeux d’un gris violet abrités de longs cils. Ce qui attirait particulièrement dans cette figure, c’était son expression, la forme émouvante de la bouche, la douceur un peu triste du regard. L’homme dut en estimer à sa valeur le charme rare, car un sourire découvrit ses dents blanches et parfaitement rangées.
La vie est difficile... plus difficile que vous croyez ! Votre mère est jeune, il ne faut pas lui reprocher de vouloir fuir la solitude, de se refaire une vie. C’est une épreuve pour vous, je le reconnais, mais il faut l’accepter, et ne pas éprouver de mauvais sentiments…
Je n’ai pas à vous vanter les attraits et les beautés mondialement connus de Florence, les richesses de ses musées, l’agrément de son climat ; je puis, en outre, vous affirmer que la villa « Speranza » possède tout le confort désirable et promettre à votre fille une vie très agréable.
« C’est, vous le comprenez, l’avenir et la fortune d’Irène assurés, qu’elle se marie ou non. En bons parents que vous êtes, et malgré la peine que va provoquer l’éloignement, vous ne pouvez vouloir que le bien de votre enfant. J’attends donc sans anxiété, mais avec émotion, une réponse que j’espère favorable…
Je n’ai jamais su si cet amour était réciproque, si Cesare ressentait pour moi la même tendresse passionnée que j’éprouvais pour lui. Qu’il se montrât amoureux, ardent dans ses manifestations ne prouvait rien. Les Florentins sont ainsi. Peut-être fut-il surtout flatté, attendri, à l’âge qu’il avait, de ce qu’une si jeune fille fût si éperdument, si naïvement amoureuse de lui. Pourtant, d’autres femmes de son monde s’offraient à lui, qui lui auraient apporté un surcroît de fortune, de considération, mais certainement moins d’amour.
J’ai découvert que, pour être heureux, il n’est pas nécessaire de posséder une grosse fortune qui, je viens d’en faire l’expérience, attire l’envie, la convoitise – et pour laquelle il faut sans cesse lutter et combattre. Dans un temps peu éloigné, je céderai la plus grande partie de mes affaires, n’en gardant que l’essentiel pour assurer notre existence – et je viendrai avec vous vivre ici définitivement. Je me consacrerai à la peinture, ce goût qui sommeillait en moi et qui s’est si curieusement réveillé durant mon amnésie.
Mais ce passé qu’elle avait voulu détruire, arracher de sa mémoire et de son cœur, elle ne put jamais l’oublier ni s’empêcher d’en parler. Et elle me raconta à de nombreuses reprises comment s’était déroulée la dernière soirée dans cette maison, comment, enfermée dans sa chambre, elle pleurait de rage et de désespoir alors que, dans les salles de réception, se déroulait une fête offerte en votre honneur et dont lui parvenaient les échos, les rires et la musique.
Les fées, ce ne sont pas nécessairement des formes invisibles qui apparaissent seulement dans les clairières les nuits de clair de lune sous l’apparence de belles dames vêtues d’or et d’azur ! Les fées sont ici et là, là et ailleurs, tout près ou plus loin, sous une forme ou une autre. Les fées viennent comme elles peuvent à notre époque et, pour exercer leur pouvoir, elles prennent toutes les formes, toutes les apparences…
Cet homme distant et orgueilleux se faisait humble, révélait une faiblesse insoupçonnée. Et Marianne, en cet instant, fut certaine d’une chose : il n’était pas heureux. La tristesse, la solitude hantaient ses prunelles sombres. La douleur, le désabusement avaient modelé sa bouche, creusé aux commissures ces plis d’amertume et la jeune fille se reprocha l’espèce de colère qu’elle venait d’éprouver.
Un proverbe dit qu’à quelque chose malheur est bon. L’aventure que j’ai vécue aura été pour moi pleine d’enseignements. Ma vie, jusque-là, avait été presque entièrement consacrée à l’ambition, à la réussite, au souci de gagner de l’argent, d’être un peu plus riche, un peu plus puissant. Je négligeais les éléments de bonheur que nous offre la nature et la compagnie de gens simples et bons…
Il est mauvais de ruminer ses peines. Enlevez de votre cœur ce qui le tourmente, ouvrez-le-moi. Ensemble, nous trouverons peut-être un remède.