Je n’ai pas à vous vanter les attraits et les beautés mondialement connus de Florence, les richesses de ses musées, l’agrément de son climat ; je puis, en outre, vous affirmer que la villa « Speranza » possède tout le confort désirable et promettre à votre fille une vie très agréable.
« C’est, vous le comprenez, l’avenir et la fortune d’Irène assurés, qu’elle se marie ou non. En bons parents que vous êtes, et malgré la peine que va provoquer l’éloignement, vous ne pouvez vouloir que le bien de votre enfant. J’attends donc sans anxiété, mais avec émotion, une réponse que j’espère favorable…
Je n’ai jamais su si cet amour était réciproque, si Cesare ressentait pour moi la même tendresse passionnée que j’éprouvais pour lui. Qu’il se montrât amoureux, ardent dans ses manifestations ne prouvait rien. Les Florentins sont ainsi. Peut-être fut-il surtout flatté, attendri, à l’âge qu’il avait, de ce qu’une si jeune fille fût si éperdument, si naïvement amoureuse de lui. Pourtant, d’autres femmes de son monde s’offraient à lui, qui lui auraient apporté un surcroît de fortune, de considération, mais certainement moins d’amour.
Mais ce passé qu’elle avait voulu détruire, arracher de sa mémoire et de son cœur, elle ne put jamais l’oublier ni s’empêcher d’en parler. Et elle me raconta à de nombreuses reprises comment s’était déroulée la dernière soirée dans cette maison, comment, enfermée dans sa chambre, elle pleurait de rage et de désespoir alors que, dans les salles de réception, se déroulait une fête offerte en votre honneur et dont lui parvenaient les échos, les rires et la musique.
Les sentiments de Julia, le souci affecté de bien exercer sa profession et de se faire valoir aux yeux de sa maîtresse, sa jalousie envers une nouvelle venue qu’elle craignait de voir la supplanter, s’expliquaient aisément de la part d’une fille obligée de gagner sa vie. La nature sociable d’Irène lui faisait désirer être en sympathie avec tout le monde ; elle se promit de rassurer Julia et, à force de gentillesse, d’apaiser son hostilité.
Si jeune qu’elle fût alors, elle se rendait compte de l’immense pouvoir de séduction – sur lequel l’âge semblait n’avoir pas de prises – du comte della Torre. A soixante-huit ans, et de vingt ans l’aîné de sa femme, il gardait une étonnante jeunesse, et de nombreux regards féminins suivaient encore avec intérêt sa fière silhouette, son beau masque aquilin aux yeux pleins de feu sous des cheveux à peine grisonnants.