Citations de Danijel Zezelj (41)
Je frapperai à ta fenêtre et à travers ta fenêtre tu me verras.
Puis, je frapperai à ta porte et tu me verras devant ta porte.
Puis, j'entrerai dans ta maison et tu me reconnaîtras.
Puis, j'entrerai en toi et personne ne me verra, personne ne me reconnaîtra.
Personne, sauf toi.
Ce serait si simple de s'envoler loin de tout. Maintenant. Ou peut-être demain...
Ton père posera ses mains rugueuses sur ton visage.
Il te tiendra serrée longtemps, longtemps...
Et toi, tu pleureras de quoi remplir un bol de tes larmes.
Et il te parlera du miel nouveau de lavande et de son vieux pommier.
À Theo van Gogh, Paris, vers le dimanche 28 février 1886 - Cher Theo, ne sois pas fâché contre moi parce que j'ai débarqué sans prévenir. J'y ai tellement réfléchi, et je pense que de cette manière, on gagnera du temps. Je serai au Louvre à partir de midi, ou même plus tôt si tu veux. Une réponse s'il te plaît, afin que je sache quand tu pourras venir au Salon carré. Concernant les frais, je te le répète, ça revient au même. Il me reste un peu d'argent, cela va sans dire, et je veux te parler avant de dépenser quoi que ce soit. On trouvera une solution, tu vas voir. Alors viens aussi vite que possible. Je te serre la main. Bien à toi, Vincent.
... me suis installé dans le premier café venu pour me plonger immédiatement dans l'oeuvre de Zezelj. C'était comme si la surface de chaque page blanche avait été mystérieusement fendue par l'auteur et qu'elle déversait un sang noir qui se transformait en une longue coulure narrative et se répandait ensuite de page en page.
[Postface de David A. Berona]
À Theo van Gogh. Arles, vers le mardi 11 décembre 1888 - Je pense que Gauguin ressent désormais un certain désenchantement vis-à-vis de la bonne ville d'Arles, de la petite Maison jaune où nous travaillons, et, par-dessus tout, de moi. Il est prévisible qu'il y ait encore de graves difficultés à surmonter ici, pour lui comme pour moi. Mais ces difficultés résident de plus en plus en nous, qu'ailleurs. Tout bien considéré, je pense personnellement qu'il va soit partir de bon, soit rester pour toujours. Je lui ai dit de réfléchir et de peser le pour et le contre avant d'agir. Gauguin est très fort, très créatif, mais c'est justement à cause de cela qu'il doit trouver la paix. La trouvera-t-il ailleurs s'il ne la trouve pas ici ? J'attends avec une absolue sérénité qu'il prenne une décision. Une bonne poignée de main. Vincent.
On ne peut pas toujours discerner ce qui confine, ce qui emmure, ce qui semble enterrer et pourtant on ressent la présence de je ne sais quels barreaux, de je ne sais quelles grilles - des murs autour de soi.
Et la prison s'appelle parfois préjugés, incompréhension, ignorance fatale de ceci ou de cela, manque de confiance, fausse honte.
A Théo Van Gogh
Cuesmes, entre mardi 22 et jeudi 24 juin 1880.
À Théo van Gogh. Petit-Wasmes entre mardi 1er et mercredi 16 avril 1879 - Cher Theo, j'ai fait une très intéressante excursion il n'y a pas longtemps. Le fait est que j'ai passé six heures dans une mine. Les travailleurs ici sont généralement des hommes émaciés et pâles, à cause de la fièvre qui ont l'air épuisés et hagards, érodés par les éléments et prématurément vieillis ; les femmes ont généralement le teint cireux et les traits flétris. Les villages paraissent désertés, figés avec un parfum d'extinction, car la vie continue sous terre plutôt qu'en surface. Les gens manquent sévèrement d'éducation et sont ignorants, et la plupart ne savent pas lire ; et pourtant ils sont malins et habiles dans leur travail difficile, des gens courageux, de petite stature mais avec de larges épaules et des yeux profonds et sombres. Ils ont du talent pour beaucoup de choses et travaillent incroyablement dur. Ils ont une haine et une méfiance profonde envers toute personne qui tente de les commander. Avec des charbonniers, il faut avoir une nature de charbonnier et un caractère avenant, être sans prétention, orgueil ou sentiment de supériorité, sans quoi il est impossible de s'entendre avec eux ou de gagner leur confiance. Ton frère aimant, Vincent.
Putain, sans je ne sais quel aïeul ramené les fers aux pieds vers la belle Amérique, je serais peut-être ce pauvre gars aujourd’hui.
À Willem et Caroline van Stockum-Haanebeek. Londres, mercredi 2 juillet 1873 - Chers amis, je m'en sors bien ici ; je vois beaucoup de choses nouvelles et magnifiques, et j'ai eu la chance de tomber sur un bon pensionnat, de telle sorte que je me s'en déjà relativement à l'aise. Cette branche de l'entreprise est juste un entrepôt ; c'est donc complétement différent de mon travail à La Haye, même si je suis confiant de pouvoir m'y habituer. À 6 heures, mon travail est déjà bouclé, alors il me reste encore un certain temps pour moi, que je passe très agréablement à me promener, lire et écrire des lettres. Le quartier où j'habite est très joli, et si paisible et si convivial qu'on en vient presque à oublier qu'on est à Londres. Dans chaque maison s'étale un jardin fleuri ou planté d'arbres, et de nombreuses maisons ont été construites avec beaucoup goût dans une sorte de style gothique. Dans chaque recoin de la ville s'étendent des parcs splendides avec une richesse florale telle que je n'en ai jamais vu nulle part ailleurs. Veuillez pardonner l'écriture maladroite ; il est déjà tard et d'aller au lit. Bonne nuit.
De Vincent van Gogh et Félix Rey à Theo van Gogh. Arles, mercredi 21 janvier 1889 - cher Theo, afin de te rassurer complètement à mon sujet, je t'écris ces quelques mots dans le bureau de M. Rey, le médecin résident que tu as vu en personne. Je vais rester ici à l'hôpital quelques jours encore - puis j'ai l'audace d'avoir l'intention de rentrer à la maison très calmement. À présent, je ne te demande qu'une chose, de ne pas t'inquiéter, car cela me ferait une inquiétude DE TROP. Alors parlons maintenant de notre ami Gauguin, l'ai-je terrifié ? En gros, pourquoi ne me donne-t-il aucun signe de vie ? Il a pourtant dû partir avec toi. De plus, il avait besoin de revoir Paris, et peut-être se sentira-t-il plus chez lui à Paris qu'ici. Dis à Gauguin de m'écrire, et que je pense encore à lui. Et de mon côté, je suis satisfait de rester comme je suis. Une fois de plus, une bonne poignée de main à toi et à Gauguin. Bien à toi, éternellement. Vincent.
Paris, c'est Babylone la ville de toutes les tentations.
T'es d'ici, tu peux pas t'échapper. Prends un truc, une ligne. J'peux t'en avoir à bon prix. Ça aide pour la musique aussi.
Ton père posera ses mains rugueuses sur ton visage.
Il te tiendra serrée longtemps, longtemps...
Et toi, tu pleureras de quoi remplir un bol de tes larmes.
Et il te parlera du miel nouveau de lavande et de son vieux pommier.
- Voter, tu connais ?
- J'ai voté pour Patrice Lumumba en 1960, mais les américains ne l'ont pas accepté. Il était socialiste, le reste c'est de l'histoire, celle de Mobutu. Chez vous, ils ont trouvé un mot pour sa politique : kleptocratie. Prendre à beaucoup et redonner à très peu.
Toni a raison, je ferais facilement couleur locale ici. Putain, sans je ne sais quel aïeul, ramené les fers aux pieds vers la belle amérique, je serais peut-être ce pauvre gars aujourd'hui.
Regarde ce bar, moi je ne suis pas barman. Regarde ce ciel, moi je ne suis pas un avion. Regarde cette fille, moi je ne suis pas son mec. Regarde ce bateau, moi je ne suis pas capitaine. Regarde ce nuage, moi je ne suis pas le vent.
Sur le sol, il y avait de la sciure, à moins que cela n'ait été du sable. On pouvait y faire des dessins.
Le sable, c'est la première chose qui me revient en mémoire… Le désert.
Les perspectives fantomatiques et menaçantes de Žeželj me fascinent, ainsi que la manière dont il réussit à exprimer à travers ses histoires et ses personnages le sens du chagrin et du malheur immanent. Tout cela est représenté avec un grand talent et un style qui illustre sa sombre vision du monde de façon originale et cohérente. - Federico Fellini (1920-1993)