The Bookstore - Interview de Deborah Meyler (en anglais)
Notre être se nourrit de l'amour que nous donnons et que nous recevons. Tout le reste est dérisoire.
- Monsieur Sevinç est un de nos clients qui vit la plupart du temps à Istanbul, m'explique George.
Quand il revient à New York et qu'il passe nous voir, il nous ramène des cadeaux du "mystique Orient".
- Qu'est-ce qu'il apporte ?
Il s'agit peut-être tout simplement de marijuana. Mais j'imagine de la soie, du brocart, des épices.
George a sûrement vu les images qui viennent de défiler dans mon esprit.
- Oh ! des trésors, d'incroyables trésors, répond-il.
Il ramène des élixirs préparés par des sorciers des débuts de notre monde, des vêtements tissés d'or à Byzance ; il apporte de la cardamome, des clous de girofle, des noix muscade, mais aussi des parchemins de la grande bibliothèque de Constantinople, arrachés aux flammes par des hommes courageux ..., ce qu'ils ont réussi à sauver des hordes d'envahisseurs barbares.
Je hoche la tête.
- Je veux parler des chrétiens, bien sûr. Vous avez entendu parler de la quatrième croisade ? (...)
Heureusement, Luke m'interrompt.
- Du halva et des loukoums, dit-il.
Voilà ce que Sevinç nous rapporte. Et c'est délicieux.
Est-ce une faiblesse d'aimer ? Je ne comprends pas.
Comment la vie pourrait-elle valoir la peine d'être vécue sans l'amour ?
Les jobs au sein de l’université sont comme des chimères. Ceux qui sont au parfum se les arrachent avant le début du semestre. Je peux m’inscrire pour être informée des nouveaux postes, mais ils sont en général pris avant même qu’une annonce soit rédigée et envoyée par mail.
Tous les livres sur les bébés sont énormes. Pourquoi ? Ça ressemble à une infantilisation subtile de la mère. Nous allons passer du statut de femme à celui de mère, et il faut une police de caractères beaucoup plus grosse, du quatorze au moins.
- Ne vous débarrassez pas de tous vos livres ! dis-je.
Gardez vos préférés.
Gardez le Walter Cronkite et le Churchill.
Et les poèmes et les Shakespeare.
Et celui que vous étiez en train de lire.
On dit toujours qu’on « prend des photos », qu’on « fait des clichés », qu’on « capture des images...Ce ne sont que des verbes d’acquisition. Et pourtant, ce n’est pas vraiment comme ça que fonctionnent les appareils photo. Les appareils photo sont réceptifs. Ce ne sont que des trous qui laissent entrer la lumière. Mais comme ce sont surtout les hommes qui les utilisent, plus que les femmes, nous avons des mots différents, des mots qui ne correspondent pas à ce qui se passe.
Je lui dis que je n'ai jamais travaillé dans un magasin et que, bien que j'aie des papiers en règle, je n'ai pas le droit de travailler en tant qu'étudiante et qu'ainsi , s'il venait à m'embaucher, il enfreindrait la loi lui aussi.
-Et, dis-je pour finir, je suis enceinte.
-Vous êtes exactement l'employée que je je recherchais, conclut George.
Ma famille attache beaucoup d’importance aux convenances. Ce n’est pas convenable d’avoir un enfant hors mariage. Je la décevrais beaucoup. Et décevoir ma famille, c’est décevoir des générations et des générations qui se sont efforcées de toujours bien faire.
La grossesse peut fatiguer autant que le décalage horaire. Le sommeil devient un besoin vital. Si on pouvait l’acheter, les femmes enceintes seraient capables de voler de l’argent pour s’en procurer. J’ai une envie irrépressible de me coucher.