Il y a eu des Livres d'Heures faciles à porter avec soi et à lire en marchant. Ceux du duc qui nous sont parvenus ne sont nullement de cette sorte. Les grandes dimensions de la plupart d'entre eux les rendent peu transportables, et de tous le luxe de l'exécution fait des livres de bibliophile, destinés à être feuilletés avec respect et précautions dans dans l'espace protégé d'une « librairie » – comme on avait alors le bon goût d'appeler en français ce que, par une inutile grécomanie, nous nommons maintenant bibliothèque. Voilà déjà de quoi repousser à l'arrière-plan la pieuse raison d'être des Livres d'Heures. À les feuilleter cependant, et tout particulièrement celui que voici, on se sent plus éloigné encore du recueillement qu'ils devraient savoir inspirer. On est saisi d'une émotion haute, certes, et vive, mais assez peu religieuse. C'est la seule beauté qui l'inspire. C'est une émotion esthétique.
Certes, toutes les époques ont connu des intempéries. Mais aux Xe et XIe siècles, elles frappaient de plein fouet des populations qui ne s'étaient donné aucun moyen d'y parer. Les crues des rivières équivalaient immanquablement à des inondations, les sols mal ou point drainés retenaient indéfiniment l'eau des pluies excessives, aucun moyen d'arrosage ou d'irrigation n'existait pour pallier les sécheresses.
Dans de telles conditions, les mauvaises saisons, qui ruinaient pour longtemps l'agriculture et l'élevage, ne pouvaient que sécréter la famine. Dès 910, en Angoumois, elle avait fait de tels progrès, nous dit le moine limousin Adémar Chabannes, "que, chose jamais vue jusqu'alors, les gens se poursuivaient les uns les autres pour s'entre-dévorer".