Pour la première fois depuis que j'étais sur cette île, j'ai palpé le mal. Les noyés de Moneron, les cadavres de Kholmsk, les charbonnages d'Ouglegorsk, les casemates d'Alexandrovsk et leurs cannibales, la férocité des bagnards, la désespérance et l'impuissance de l'existence, tout cela s'est incarné d'un coup dans la bête qui nous guettait. Je me suis souvenue du Pateren Paul qui disait que l'enfer était ici. Je venais de comprendre ce qu'il voulait dire.
Tu sais bien que la licorne vit encore derrière la porte du paradis.
Tu sais que derrière la porte du paradis la licorne t’attend encore.
Et que les clous brillent encore comme s’ils étaient neufs, je l’ai vu.
Des clous forgés de cuivre d’étoile, et qui brillent dans le noir.
Ô gentille petite fille, pourquoi crois-tu encore dans le cuivre d’étoile ?
Si, dans les cendres du temps et dans la ronde effrénée, tu remarques un détail en apparence absurde et dérisoire, mais qui retient mystérieusement l’attention, c’est que le futur t’envoie un télégramme pour t’annoncer une rencontre imminente et inexorable. Le futur est impitoyable, le futur n’attend pas.
Les étincelles qui dansaient dans mes yeux ont disparu peu à peu. Je regardais les constellations, et les animaux stellaires me regardaient.
Sakhaline, c'est la peur. On a peur. On a peur de l'hiver parce qu'on fait froid ; on a peur de l'été parce qu'il fait chaud, on a peur des tremblements de terre, des bagnards en cavale, des fous, de la folie...