Citations de Elisabeth Foch (148)
Image ou magie? En montagne, les deux se confondent, se jouent l'une de l'autre et offrent à l'artiste un espace de création et d'illusion qui entraîne le spectateur complice dans d'imprévisibles ascensions.
Les photographes déplacent les montagnes. Les déforment. Jusqu'à les conformer à leur imaginaire.
Dans ces espaces vides où toutes les expériences s'imbriquent les unes dans les autres, inutile de faire le choix entre le corps et l'esprit.
Perdu dans ce monde blanc où s'enchevêtrent tous les contraires, neige-pierre, chaud-froid, ombre-lumière, on finit par perdre tous ses repères. On ne sait plus ce qui est près ou loin, petit ou grand. Les préoccupations d'en bas s'évanouissent. La raison expérimente de nouvelles voies.
Ces territoires de "révélation" provoquent une multitude d'expériences, et notamment celle d'un voyage dans le temps et dans l'espace.
De pierre ou de neige, la haute altitude nous réserve des espaces inchangés depuis des siècles.
Dans une lutte d'altitude immobile, d'autres sommets crèvent le ciel comme autant d'autres projets possibles. Arêtes aériennes, rondeurs inattendues, amas de pierres branlantes, chaque sommet a son image, son histoire.
Le sommet prend des allures de "déjà vu". On se dit qu'il n'a pas changé depuis que l'on n'y est jamais monté! Impression de manque. Vite, un autre rêve!
Arrive alors l'escalade la plus convoitée : le sommet. Il fait rêver. Il fait souffler. Il donne des raisons de vivre ou de mourir.
Et puis, il y a toutes les haltes que l'on fait au hasard de la soif, de la faim, de la fatigue, de l'itinéraire, de l'inspiration.
Le camp comme le bivouac offre un abri plus éphémère encore et plus illusoire que le refuge.
Les refuges ne sont pas des maisons pour vivre. D'ailleurs, ils ont leur vie propre. Une fois désertés, ils retrouvent leur âme et reprennent leur dimension qui est celle de l'espace qui les entoure.
D'abord, il y a les villages et les hameaux d'altitude. Construits à la limite de la végétation, ils sont les ultimes escales où l'homme peut encore vivre en société et croire qu'il décide du cours des choses.
La montagne s'apprend. Comme le désert. Comme la mer. Il faut, pour cela, éprouver une certaine attirance pour les espaces de solitude et de silence.
Marcher? Grimper? Chacun sa voie. Les deux mobilisent toute la tête, et, en partant, on prend toujours le risque de revenir différent, le risque d'être à bout de force avant d'être au bout du chemin.
En haut, la trace de l'homme se fait illisible. Pourtant, celui-ci écrit encore et toujours. Un message dicté par la montagne et déchiffré par tous ceux d'en haut.
Le temps passe. Le temps change. Et tout s'efface éternellement.
Les routes en lacets s'arrêtent au-delà d'une certaine pente. Les chemins s'essoufflent dans les éboulis. Les voies ferrées sont aspirées par les tunnels. Les câbles de téléphone engloutis par la brume. Les cairns ébranlés par le vent. Les traces de pas, ensevelies sous la neige.
L'homme marqué par la montagne marque à son tour le paysage. Il n'en finit pas de vouloir étendre son territoire et faire de l'altitude une aire de jeux à sa hauteur.
En haut tout est différent. l'air. La lumière. Les gens. Surtout les gens et leur visage. Tout y est écrit, mais rien n'est dit. Il suffit de lire, comme sur une carte.