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Critiques de Emanuel Carnevali (20)
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Le premier dieu

Je ne pense pas être le seul, mais je n’avais vraiment jamais entendu parler d’Emanuel Carnevali avant de recevoir ce livre. Merci à Babelio

Mais aussi merci aux éditions « La Baconnière » d’avoir proposé un tel ouvrage. D’abord il s’agit d’un livre très bien réalisé, bien relié, avec une couverture et une jaquette très originales, et une police de caractère très agréable.

Il faut vraiment le signaler.



Emanuel est un gamin dans une Italie du début du XXème siècle, qui n’a pas une enfance particulièrement heureuse.Mais il ne la raconte pas en pleurnichant. Il parle de sa famille, des autres et il oscille en permanence entre les reproches et la compassion. (Ils me battaient, mais ils étaient très malheureux)

C’est un enfant qui reçoit beaucoup de coups d’une mère sous l’emprise de la morphine, avec un père qui a envie de tout sauf de s’occuper de lui.

Il va connaître les pensions, les internats puis, lâchant tout va immigrer aux Etats-Unis, galérer et être finalement atteint d’une encéphalite qui l’obligera à rentrer en Italie.



Voila une autobiographie originale, bien écrite, très agréable à lire.Ce qui met parfois mal à l’aise, c’est qu’on oscille toujours entre la narration et la poèsie, la création.

Ce livre fait penser à tous ces auteurs Américains, immigrés qui racontent leurs galères des débuts, voire de leur vie entière. Il y a du Miller, du Bukowski et bien d’autres dans ces lignes.

L’auteur est en permanente en quète de Dieu, d’être Dieu.



Emanuel Carnevali a une très grande capacité d’observation et de transcription. C’est souvent en cela qu’il devient poête dans ses textes. Il sait traduire une ambiance, Américaine ou Italienne. Ses souvenirs sont présentés avec un luxe de détails finalement impressionnant.

De plus, il semble amoureux des villes dans lequelles il réside. Sa description de Venise est magnique.



Ce livre présente d’une part une autobiographie et d’autre part des nouvelles qui pourraient pour la plupart être également autobiographiques. Il y a une serieuse différence de style entre « Le premier Dieu » et les nouvelles qui suivent . Le premier texte est issu de souvenirs livrés brutalement avec parfois crudité, parfois poêsie ; les autres textes sont travaillés, réfléchis, véritablement « écrits »

Tout n’est pas génial, mais à mon avis, ces textes surpassent ceux de bien des acharnés de la plume contemporains.

C’est une sorte de classique méconnu, à découvrir.

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Le premier dieu

Carnevali aurait très largement pu s'inspirer du sketch de Coluche  "On a pas eu d'bol".

Punching-ball officiel de sa délicieuse génitrice morphinomane dès son plus jeune âge, répudié par son père, c'est au pays de l'oncle Sam, deuxième à gauche après le rond-point, que ce jeune rital exilé y entreverra son salut. Les emmerdes ayant tendance à voler groupées, à 23 ans, l'âge des possibles, Carnevali décroche la timballe et accessoirement une encéphalite qui lui pourrira très largement le restant de sa courte vie.

Fortiche pour trouver divers boulots, beaucoup moins lorsqu'il s'est agi de les garder, Em' trouvera en l'écriture un exutoire salvateur...jusqu'à l'âge avancé de 45 balais, temps pour lui de tirer sa révérence.



Paru aux éditions LaBaconnière, Le premier dieu et autres proses, autobiographie percutante s'il en est, fait état d'un homme à l'esprit aussi fertile et talentueux que complexe.

Très à l'aise avec les mots, beaucoup moins avec ses condisciples qu'il conchie régulièrement, l'homme apparaît éminemment intrigant lorsqu'il évoque son parcours chaotique et non moins douloureux.

S'il manie le verbe avec une rare aisance, il n'en reste pas moins un être torturé difficilement estimable sur le plan humain.

D'où cette difficulté majeure, me concernant, à en extraire à sa juste valeur la portée fulgurante de ses écrits d'une qualité cependant incontestable.

L'homme n'aime pas les femmes, ou très mal.

L'homme n'aime pas ses amis, ou très mal.

L'homme n'aime pas les juifs qu'il estime tous petits et laids.

L'homme s'aime au-delà de toute commune mesure, comprenant difficilement qu'un mec comme Shakespeare soit bien plus reconnu que sa petite personne...

Faut dire que le bonhomme ne possède aucun filtre entre sa pensée et sa verbalisation. Pour ton p'tit boulot d' ambassadeur, tu repasseras...et pour les ferrero itou.

Même si les circonstances atténuantes pullulent, je suis resté sur le bord du chemin, préférant très largement ses autres proses, accompagnées des rares témoignages de ses plus proches amis, à son autobiographie.

Carnevali, c'est un style, une folie, un cri qui n'aura, hélas, peut-être pas résonné en moi à sa juste valeur.



Grand merci à Babelio et aux éditions LaBaconnière pour la découverte de ce personnage romanesque hors norme.



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Le premier dieu

Em' est jaloux de Shakespeare, Em' traite ses amis et bienfaiteurs de tous les noms, Em' abandonne celle qui travaille pour qu'il écrive, Em' préfère les femmes laides parce qu'en vieillissant elles déçoivent moins que les belles...



Em' est battu comme plâtre par sa mère morphinomane qu'il aime,par sa tante acerbe et dure qu'il vénère, par son frère aîné mort en 1918 qui l'indiffère, et pourtant pas par son père, un commerçant réactionnaire et tyrannique qu'il déteste, cordialement....



Em' cherche l'amour d'une femme mais ne peut leur donner le sien tant elles le remplissent toutes d'effroi; ses amitiés amoureuses pour les hommes le conduisent à des scènes de jalousie violente, Em' crève de faim, de froid, de misère et use ce qui lui reste de santé à faire la vaisselle et à servir dans des restaurants qui ne le gardent jamais longtemps, Em' veut être publié, admiré, gratifié... Il rêve d'être Rimbaud...



.Em' est malade: la syphilis, croit-on, mais c'est encore pire: une encéphalite léthargique qui le fait trembler, somnoler, marcher et parler avec difficulté ,il va, traînant la jambe, bouche béante et yeux exorbités, comme un débile profond, alors que son esprit et sa plume sont d'une alacrité confondantes...



Em' est Italien, mais il quitte l'Italie à 16 ans pour émigrer à New York, puis à Chicago, il écrit toute son œuvre en anglais, revient en Italie à 25 ans et y meurt à 45 ans, dans un hôpital neurologique.



Emanuel Carnevali est un cas, un fou, un vrai poète maudit , comme dans les romans..."Une bombe qui n'a pas explosé, et non explosible" dit-il de lui-même.



Les éditions La Baconnière ont entrepris d'éditer ses œuvres complètes dans une fort élégante présentation: photo de couverture floutée par une jaquette en papier calque, préface d'Enidio Clementi (écrivain et musicien fondateur du groupe rock Massimo Volume), notice biographique, témoignages d'écrivains américains, et intégralité de ses œuvres en prose: "Le Premier Dieu", et des pièces d'inégale longueur qui s'apparentent tantôt à de courtes nouvelles ,à des esquisses de récits, ou à de vrais poèmes en prose. La traduction de Jacqueline Lavaud est soignée et restaure le texte original, censuré par sa première traductrice pour l'Europe, Maria-Pia Carnevali qui n'était autre que sa demi-sœur...Bref du travail soigné et une entreprise de réhabilitation intéressante et méritée.



J'ai abordé cette lecture sans rien connaître de l'auteur, ni rien lire à son propos, j'ai donc "vécu" cette approche comme Candide: sans préjugé et sans attente.



J'ai d'abord été très déconcertée par les sautes d'humeur, les illogismes, les changements de focale, les coq-à-l'âne de son autobiographie , avant d'être exaspérée par le nombrilisme victimaire du narrateur et sa redoutable faculté de dénigrement - Em' est aussi une véritable langue-de-pute, si l'on me passe l'expression!- puis j'ai commencé à entrer en empathie: la folie, la maladie, la misère, la jeunesse et le courage de ce jeune immigré passionné et écorché vif, perdu dans la jungle des villes américaines, m'ont touchée puis attachée. Enfin j'ai été conquise par certaines pièces en prose, de vrais joyaux, dignes de figurer parmi les Illuminations rimbaldiennes: mention spéciale à "La danse est un art" et, dans le Journal de Bazzano, à son autoportrait, page 223



:"Cet homme étrange et drôle quand il parle: c'est moi.

Cet homme avec en permanence un crapaud flagorneur au bord des lèvres: c'est moi.

Cet homme au rire facile et excessif: c'est moi. (....)

Cet homme qui n'est pas assez fort pour haïr quiconque: c'est moi.

S'il hait quelque chose, il hait la littérature, uniquement à cause de sa propre petitesse."



Je remercie Masse critique , Babelio et les Editions La Baconnière pour cette rare expérience: découvrir au fil des pages un être inconnu, incompris et plein de rage et faire apprécier, puis aimer, par touches successives, une écriture violente comme un cri, douloureuse comme une blessure à vif..



Je recommande cette lecture à tous ceux qui aiment les rencontres un peu dérangeantes et qui ne craignent pas de se laisser apprivoiser par les chiens enragés...







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Le premier dieu

J'ai suivi la progression des critiques de ce livre, et me voilà, maintenant, à la date échéance de la mienne... si j'ai tardé autant, c'est que je n'ai pas encore réussi à finir ma lecture et que je sais depuis longtemps que ma rencontre avec Emanuel Carnevali est ratée.

J'ai loupé le coche, on ne s'est pas appréciés, ce n'était pas le moment.

Je me souviens pourtant de l'instant où je l'ai pris dans les mains, prête à me lancer. La belle couverture épaisse et transparente, pareille à du papier calque sur lequel est écrit un extrait du Premier Dieu, devant le visage agrandi et pixelisé de l'auteur. Des pages denses, une typographie agréable et un parfum de papier qui donne envie. J'avais l'agréable sensation d'ouvrir un livre spécial, peu connu, érudit.

Malheureusement, je n'ai pas du tout aimé le premier texte, Le Premier Dieu, qui est l'autobiographie que l'auteur a écrite à son retour des Etats-Unis alors qu'il est malade, atteint d'encéphalite. J'ai trouvé ce texte amer et mesquin mais surtout maladroit.

Je n'ai pas retrouvé cette maladresse dans ses autres textes, bien au contraire. Ceux-ci sont poétiques, originaux, mais le mal était fait et le personnage ne me plaisait absolument pas. On dénote, dans ses textes, une misogynie, un auto-apitoiement et une cruauté banale que je n'ai pas aimé.



Je n'ai pas fini ma lecture, à mon grand regret, et j'espère la reprendre dans quelques années car il s'y trouve quand même des images de New York que j'ai aimé.

Dans mon cas, il aurait mieux valu éviter l'autobiographie et commencer directement par les textes, sans aucun doute mon regard porté sur l'oeuvre de Carnevali aurait été différent.
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Le premier dieu

Se laisser porter par une poésie empreinte d’innocence quand il s’agit de l’enfance, de cynisme quand il s’agit de la religion, d’élans lyriques pour sublimer le ressenti de la misère…





Emanuel Carnevali a une vision très lucide du monde dans lequel il vit et de sa situation.

Sa vie est marquée par la maladie et la souffrance.



Quoique, pour la maladie, dans son enfance…

Qui se souviendrait d’une broncho-pneumonie contractée avant un an ?

Qui n’a pas eu la scarlatine (disons plutôt la varicelle de nos jours) et une angine dans son enfance ?



Carnevali semble plutôt victime, comme Mark SaFranko l’a été lui aussi, de la gêne qu’il occasionne aux adultes par son état :

« Je pense que tous les soucis que j’ai causés auraient pu être évités si j’étais mort. Et quelle délivrance c’eut été ! »



D’ailleurs, ça me rappelle « un air de famille » quand Yolande dit :

« Mais Kévin, oh écoute. Je n’en peux plus. Il ne cherche qu’à me contrarier. Tu sais ce qu’il m’a fait mercredi ? Une otite. »





Par contre, son enfance est sans aucun doute marquée par les coups : sa mère le bat, son frère le bat, sa tante bat ses enfants à elle (pas lui). Ensuite, lorsqu’il vit avec son père, celui-ci bat son frère (pas lui, qui n’en vaut pas la peine).





Comme déjà dit par Bruno dans sa critique, « le premier Dieu », qui constitue le récit autobiographique, n’est pas palpitant, réunissant de nombreuses platitudes.

Pour ma part, les « autres proses » m’ont bien plus touché, en particulier « Home sweet home ».



Carnevali est parti vivre aux Etats-Unis, où il a survécu de petits boulots, voyant l’Amérique et ses belles promesses de bien bas.



« Puis, plus loin vers l’ouest, je progresse en pleine misère : les habituelles façades rouges, certaines d’un jaune pisseux, criblées d’innombrables fenêtres noires. Des torchons, bannières de la pauvreté, pendent aux fenêtres ; des vitres grises où la misère écrit, avec la poussière et la pluie, des choses que les locataires sont trop tristes pour vouloir cacher. En face de la tour, les becs de gaz obèses, endoloris par la rouille, affaiblis par des taches de peinture grise, grotesquement solennels. Dans ce quartier, les êtres humains préfèrent la rue au foyer ; aussi sont-ils tous dehors : les enfants jouent, les femmes cancanent, les hommes traînent. Des braises et des cendres échappées des poubelles trop pleines se dispersent sur le trottoir bosselé, ridé et crevassé. »





Carnevali contracte à l’âge adulte une encéphalite léthargique, un truc qui ne se soignait pas dans les années 1920.

Il croit sombrer dans la folie, entouré de souffrances, souffrance lui-même.



« Je suis resté sous l’épave de mon âme à demi détruite, haletant et tremblant. Des centaines de nuits de souffrances ont putréfié mon amertume et maintenant ça pue dans mes narines. »





Il y a en tout cas des points communs entre Fante, Bukowski ou SaFranko, c’est leur goût de la littérature, et le fait que ce sont des émigrés… (et plein d’autres en fait.)





« C’est un foutu métier, crois-moi ! Si l’écrivain dénude son cœur et ses blessures purulentes on le traite de porc sentimental. S’il est réservé, c’est un âne constipé. S’il est réaliste, il ne se porte pas bien ; et s’il est symboliste, le voilà ésotérique et incompréhensible. »











Un air en tête :



« Je n'ai pas d'avenir je n'ai qu'un destin

Celui de n'être qu'un souvenir c'est pour demain

Je n'ai rien à croire je n'ai pas d'espoir

Je n'ai plus de passion je suis en prison

Je n'ai pas de raison mais je n'ai pas tort

Je n'ai pas de maison mais je ne couche pas dehors

[…] »



Extrait de « Je n’ai pas » de Mano Solo :

https://www.youtube.com/watch?v=vb3Tm-604ng







Merci à Babelio d'organiser Masse Critique, merci à LaBaconnière d'y participer.
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Le premier dieu

Etrange ce livre… Pendant un temps j’ai cru à une mystification, un peu à la façon de W. Boyd et de son Nat Tate. Cet auteur italien, Emanuel Carnevali, inconnu de tous et qui apparaît comme cela, sans crier gare… Cela fait un peu artificiel… Mais bon, la lecture du livre m’aura convaincu (eu ?) de son existence.



Donc, la première partie du livre (« le premier Dieu ») est une chronique autobiographique des péripéties dudit Carnevali, de son enfance malheureuse, de sa jeunesse italienne difficile, de son exil aux Etats-Unis (New-York puis Chicago), et enfin de son retour dans son pays natal, pour y finir ses jours. Absolument certain de sa supériorité intellectuelle, Carnevali compense ainsi un physique pour le moins ingrat (dixit lui-même) par un dégoût profond de l’humanité. Malgré des passages d’une lucidité incroyable sur lui et sur les autres, un style parfois magnifique, il est difficile de supporter le personnage principal. Chaque fois que perce dans ce texte un début d’attitude positive vis-à-vis de quelque chose ou de quelqu’un, il le démolit dans les phrases qui suivent à coups de petites phrases assassines.



Malgré cela, malgré également quelques escapades littéraires un peu ennuyeuses aux frontières du mysticisme, ce témoignage reste vraiment intéressant, en particulier pour les descriptions concernant l’immigration italienne aux Etats-Unis au début du 20ème siècle. Les périodes de vaches maigres, de meublés en meublés, vécues par de nombreux intellectuels, écrivains ou poètes, à la recherche de notoriété et de magazines pouvant les publier, sont bien rendues et présentent un certain intérêt. John Fante a décrit avec splendeur le sort de la classe ouvrière italienne aux Etats-Unis lors de l’entre-deux guerres. Ce texte nous propose un regard complémentaire sur les artistes exilés en quête de notoriété.



La seconde partie de l’ouvrage complète utilement le texte du premier Dieu, par des nouvelles et de courts textes en prose, donnant ainsi une vision plus approfondie de certains des personnages (par exemple Mélanie Piano sa tante), ainsi que du talent d’écriture de l’auteur. Talent avorté par sa mort prématurée, des suites d’une encéphalite léthargique, maladie du zombie, étrange comme l’aura été cet auteur, très courante à l’époque, et encore mal comprise. Décidément, oui, très étrange ce livre…



Merci beaucoup à Babelio pour l’envoi de cet ouvrage et l’opportunité donnée de découvrir cet auteur insolite. Merci aussi à Emilio Clementi, membre du groupe italien Massimo Volume (http://www.massimovolume.it/), pour sa préface instructive.
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Le premier dieu

Il parait qu'en Italie ceux qui font pipi au lit, on leur coupe le zizi pour en faire des spaghettis, bon ça finalement il n'y a pas assez d'études empiriques afin de vérifier la véracité de cette sagesse populaire d'autant qu'en Angleterre il paraîtrait que ceux qui font caca par terre, derrière, pomme de terre etc... bon voilà tous les humoristes reconnus par la profession ont attesté de ma grande capacité à l'humour, donc je suis un humoriste, par contre si c'est ma voisine du dessus ou du dessous qui atteste cette vérité cela fait-il de moi un humoriste ? Vous avez deux heures.



Avec notre cher ami, je m'y perds, ou il est con comme ses pieds ou alors il est génial, il faut dire que seulement 3 écrivains disent qu'il est super et vu qu'ils (que je ne les connais pas) ne sont pas connus, leurs appréciations me laissent pantois.



C'est sûr, si Fante, Bukowski, Miller, et autres cabossés de la vie, de l'âme et donc de l'écriture avaient approuvés ce bouquin, on en aurait déjà entendu parler.



Il n'empêche, ce gars là, il part/fuit de l'Italie pour les USA et souhaite devenir écrivain, vu que question santé c'est pas demain la veille qu'il battra Jessie Owens à la course, donc il fait comme tous les autres ont fait avant lui, rien, des boulots de caca et il écrit, en anglais s'il vous plait.



Y a du bon, y a du moins bon, j'ai lu dans des critiques qu'il était un individu détestable, personnellement je m'en fiche, il y a de très belles phrases, et il y a du cliché, à boire et à manger en somme et puisqu'il n'est plus là pour se défendre, je laisse le soin à l'auteur de se justifier :



"Aimable ou détestable lecteur, je te dis adieu. A me suivre, tu n'as pas trop bridé ton imagination ou ton intelligence. Si ce que j'écris est trop facile à comprendre, tu en feras peu de cas ; et si c'est juste assez difficile, tu te sentiras le droit de me mépriser quelque peu, de me mépriser et de te réjouir d'avoir une intelligence supérieure à la mienne. Etant moi-même lecteur, je connais tes ruses. "



Merci à Masse Critique et aux éditions LaBaconnière de m'avoir permis de découvrir ce livre.



Faites un tour sur les citations, y a du beau, il m'a ému dans certains côtés et d'autres il m'a laissé de marbre, comme un homme en somme.

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Le premier dieu

Une mère morphinomane, un père et un frère violents, les pensions sordides où il fut très tôt placé… Emanuel Carnevali, né à Florence en 1897, eut une triste enfance avant son départ pour l’Amérique à l’âge de 16 ans. Il débarqua seul à New-York et vécut dans un dénuement extrême, enchaînant des petits boulots de serveurs qu’il était incapable de conserver et naviguant de meublés crasseux en logis insalubres, sans jamais rien posséder d’autre que ses quelques vêtements. C’est à Chicago qu’il trouva un certain équilibre, se maria et commença à être reconnu en tant que poète. Mais frappé d’encéphalite en 1920, il retourna en Italie pour enchaîner les séjours en maisons de santé jusqu’à sa mort, le 11 janvier 1942.



Comme presque toujours lorsque j’attends beaucoup d’un ouvrage, c’est la déception qui prédomine au final. Il avait pourtant tout pour me plaire Carnevali avec sa vie chaotique comme c’est pas permis : la misère, l’exil, la rage au ventre, la poésie chevillée au corps, la mort à 45 ans des suites d’une longue maladie dans la solitude d’un sanatorium, que d’arguments pour me faire grimper aux rideaux ! Sauf que j’ai d’autres références en la matière. L’italien qui bouffe de la vache enragée aux États-Unis dans la première moitié du 20ème siècle, c’est pour moi John Fante qui l’incarne le mieux. D’ailleurs entre les deux, il n’y a pas photo tant Fante est intouchable. Et l’éditeur qui annonce que « Carnevali allie la puissance évocatrice de la poésie de Bukowski avec le sens du familier que l'on trouve par exemple chez Philip Larkin ». Euh… je ne connais pas Larkin mais pour le reste, on est à des années lumière de Bukowski. Où sont l’humour, l’autodérision, l’écriture qui marche droit au but, sans la moindre fioriture, comme si elle suivait une voie ferrée traversant l’enfer ? Pas chez Carnevali en tout cas. Il est bien trop geignard, il se prend trop au sérieux, il disserte trop sur des petits rien sans intérêt.





J’ai dû lutter pour voir le bout de ce recueil regroupant l’ensemble des ses écrits en prose, la plupart totalement autobiographiques. Tellement de longueurs et de précisions inutiles. C’est dommage car certains passages sont d’une grande beauté et portés par un souffle littéraire remarquable (par exemple lorsqu’il décrit les charmes de Venise), mais noyés dans la masse, ils ne parviennent pas à sortir véritablement du lot. Une déception donc. Je suis néanmoins ravi d’avoir découvert une figure importante de la poésie italienne que je ne connaissais pas du tout.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Le premier dieu

Ce livre des éditions de la Baconnière, située à Genève, est le premier d'une série de trois ouvrages qui réunira les œuvres complètes d'un écrivain et poète passé inaperçu : Emanuel Carnevali. Ce premier ouvrage rassemble l'autobiographie de Carnevali, Il primo dio, ainsi que ses textes en prose, de nombreuses nouvelles. Trois témoignages clôturent le livre : ceux de William Carlos Williams, Sherwood Anderson et Robert Mc Almon. L'édition en elle-même est très soignée : une couverture en papier translucide imprimé qui laisse entrevoir, dans le fond, une photographie de l'auteur, jeune. Une belle préface d'Emidio Clementi (écrivain et fondateur du groupe Massimo Volume) parachève l'ouvrage.



« Dans ma vie, il n'y avait rien eu de véritablement triomphal, ni dans l'ascension, ni dans la chute. L'une et l'autre étaient construites sur des fondations grises, l'une et l'autre étaient sur fond de misère. C'était par ma faute, car j'avais toujours affronté les gens avec une passion excessive, avec trop de violence. Certains s'en effrayaient, d'autres s'en irritaient.» p. 116



Emanuel Carnevali est un auteur italien né à la fin du 19e siècle, en 1897. Son enfance apparaît comme une série de déconvenues, de micro-cataclysmes : il naît d'un couple déjà déchiré et séparé ; sa mère, morphinomane, meurt quand il n'a que 13 ans ; les rapports avec son père et son frère sont tumultueux ; il est renvoyé de l'internat à cause d'une "amitié trop appuyée" pour un camarade ; à 16 ans, en compagnie de son frère, il fuit l'Italie pour l'Amérique rêvée... Carnevali embrasse l'espoir de conquérir les États-Unis mais dés l'arrivée la désillusion le saisit : « J'éprouvai une des plus grandes déceptions de ma misérable vie. Ces fameux gratte-ciel n'étaient rien d'autre que d'énormes boîtes se dressant devant nous...» Les déconvenues continuent : les boulots misérables, le froid, la faim qui creuse le ventre, les meublés poussiéreux qui représentent pour lui l'Amérique : le lieu inhabité, ce squatte permanent où le corps et l'esprit ne font que s'écorcher sur les meubles, sur la matérialité du monde...



« Je suis à nouveau vagabond. Je loge en meublé. Dans une maison aux chambres meublées. Un domicile pour les sans-domicile, les orphelins, les putes, les maquereaux, les vieilles filles et les vieux garçons pauvres, les homosexuels, les jeunes dactylos qui ne s'en sortent pas, les serveurs et les portiers. Le foyer américain typique : le meublé. [...] Dans un meublé on dépose régulièrement les souillures de son corps et de son cerveau -- nul vent ne pénètre pour les disperser --, la chambre est le composé de mes rebuts matériels et spirituels [...] La chambre ne sait rien de ce qui est bon en moi. Elle ne peut donc me reconnaître et il m'est impossible d'être un héros ici. Je suis contraint d'être ce fou abject que ses yeux font de moi.» p. 178



Né trop tard pour être romantique et trop tôt pour faire partie de la beat génération ou pour être poète de rock'n'roll, Emanuel Carnevali est le poète qui n'arrive pas/plus à se définir dans un monde qu'il ne reconnait pas, une époque qu'il ne comprend plus, une langue qui n'est pas la sienne (son œuvre est essentiellement écrite en américain). Mû par une rage sans fond, par le désespoir de rester méconnu, Carnevali explore son explosion à travers son œuvre : son incapacité sociale, avec le travail mais aussi avec les amis, ses relations tumultueuses avec les femmes qu'il préfère laides parce qu'elles ne peuvent pas le décevoir.



Il rentre tout de même dans la sphère littéraire par le biais de la "petite mais prestigieuse revue « Poetry », dirigée par Harriet Monroe" dans laquelle il publie des poèmes, des essais (et qu'il co-dirigera un temps). Il se fâche avec avec William Carlos Williams, ce qui donnera lieu à une joute d'articles croisés. Et puis, la maladie. On pense d'abord à la syphilis mais non, ce serait trop attendu : on lui diagnostique une encéphalite léthargique qui va le poursuivre toute sa vie.



De New-York, Carnevali a rallié Chicago où il rencontre Sarl Sandburg, Sherwood Anderson. Sa maladie l'oblige à se retirer loin de la ville... Il retentera quelques incursions littéraires (il co-dirige la revue Youth) avant de retourner en Italie en 1922, soit seulement huit ans après son arrivée.



De retour en Italie, ses amis américains gardent le contact avec lui et l'encouragent à écrire, l'aident à se soigner... En 1924, ses médecins lui annoncent qu'il n'a plus que trois ans à vivre... ce qui met en émoi ses amis qui commencent à recueillir ses écrits pour les publier en volume. En 1925, paraît à Paris, chez Contact Éditions dirigées par Robert Mc Almon, Hurried man, seul livre publié du vivant de l'auteur.



Il se lie d'amitié avec Ezra Pound qui lui commande des extraits de sa traduction en italien des Illuminations de Rimbaud, il lui traduit également le Cantos VIII. Mais il se brouille avec lui, l'année suivante, lui reprochant son attachement au fascisme...



En 1942, vingt ans après son retour en Italie, Carnevali meurt en s'étouffant avec un bout de pain. Il ne faut pas croire les médecins quand ils lancent des oracles.



Il faudra attendre 1978, 34 ans après sa mort, pour que paraissent enfin la traduction italienne du Premier Dieu, assurée (et sévèrement expurgée) par sa demi-sœur Maria Pia Canevali. Les éditions Arcane 17 publieront la seule traduction française en 1986.



La présente édition a fait un important travail de recherche pour réhabiliter l’œuvre originale (sa demi-sœur avait retiré toutes les allusions haineuses au père et à la religion) et j'avoue que j'ai hâte de lire les volumes suivants pour découvrir sa poésie.



La vie d'Emanuel Carnevali, très brièvement résumée ci-dessus, montre clairement le parcours d'une unsuccess story. Tout semble raté dans cette vie. L'enfance, l'émigration vers la terre promise, les amitiés, la vie amoureuse. Et l'histoire n'aime ni ne retient les échecs, ou alors il faut qu'ils soient suffisamment significatifs pour élever la personne à l'état de mythe. Mais Carnevali le dit : il n'est pas ce héros attendu par son époque. Carnevali n'est pas Shakespeare ni Rimbaud, ce n'est pas Bukowski, ni Miller, ni Kerouac.



Pourtant son écriture acérée, son lyrisme atrabilaire, sa noirceur désabusée montre une Amérique quelque peu différente, loin de l'angélisme matérialiste, une vision apocalyptique où une certaine forme de folie enterrerait toute forme d'art.



« Je croyais qu'était venu pour les poètes le temps de la peste, le temps de la fin : la fin des chants, des odes, des poèmes, de toutes les vieilles sottises moisies. Pour les poètes qui, tels des moineaux désespérés, abandonnaient partout leurs excréments. J'étais dégoûté par les cœurs délicats que les poètes ostentent dans la paume de leurs mains, sanguinolents trophées de leur guerre avec la vie, qu'ils trament sur les autoroutes et les raccourcis de l'existence, en criant : « A l'aide, à l'aide ! », la bouche ensanglantée, bien qu''ils sachent parfaitement que nul ne les écoutera. (Qui diable écoute les poètes, sinon d'autres poètes ?) D'un côté gît le grand monde, de l'autre le petit poète, avec ses mots microscopiques ; le roi de la forme, le danseur infatigable.» p. 110



Ce désespoir dans le monde le pousse à réinventer une spiritualité dont il serait le centre absolu, « le Premier Dieu, le Dieu unique ». « Pour être un dieu, un vrai dieu, il fallait se saturer de choses simples : c'était la voie la plus commode pour atteindre la perfection de la divinité. » p. 111



C'est un livre essentiel qui nous rappelle que derrière toutes les success stories de la littérature il y a aussi des échecs terribles et que les raisons de ces déconvenues ne sont pas uniquement le fait d'une absence de talents, de chances... Les appuis dans le milieu ne peuvent accomplir de miracle (nombreux de ses amis, dont Ezra Pound ont défendu son œuvre). Il faut aussi rencontrer ses lecteurs. A l'époque, aucun éditeur (ou presque) n'a voulu parié sur Carnevali. Les éditions La Baconnière tentent maintenant de remédier à cette situation (dans la francophonie). Gageons qu'elles y réussissent !
Lien : http://www.labyrinthiques.fr..
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Le premier dieu

Lu dans le cadre de l'opération Masse Critique.



J'aime l'Italie, j'ai un faible. Donc un a priori positif. Autre a priori positif un antécédent de lecture italo-us, John Fante, et puis la référence à Bukowski (bien que celui-ci soit postérieur à Carnevali) ou celle à Hamsun... Bref, j'attendais beaucoup.

Le livre, l'objet, édité par LaBaconnière, est réussi, sobre et un rien original dans sa couverture double, une seule coquille trouvée dans le texte : très bien.



Maintenant, le contenu, Le Premier Dieu et autres proses.

La partie dite autobiographique est relativement inégale pour moi, elle oscille entre platitudes et surprenantes métaphores extrêmement bien vues et originales, un peu comme la couleur blanc, gris, noir de la couverture, il y a énormément de différences de niveau, d'éclair(age)s dans le texte.

L'histoire du personnage Carnevali c'est l'histoire d'un nul et non avenu, d'un laissé pour compte, d'un talent? oublié, de petites misères, de déchéance, de fulgurances parfois. Néanmoins, la réalité est que personne ou presque ne le connaît et qu'il y a fort peu de choses écrites par lui et publiées par d'autres... Triste. En cela je me retrouve personnellement et quelque part à mon coeur il gagne des points.



"Parfois, c'étaient les poèmes qui consumaient mes pensées, s'avançant dans mon cerveau comme une armée de fourmis ou me dévorant comme autant de vers. Mais à quoi bon cette obsession pour les mots, me disais-je, s'il n'est personne pour les écouter ?"



Un extrait illustrant le style Carnevali : "A l'Hotel of Spain, je trouvai un nouvel emploi et dans la 29e Rue une nouvelle chambre. (Combien de moi-même ai-je laissé dans les chambres meublées ? Autant que de cheveux laissés sur chaque oreiller ? Quelle part de ma vie a été déchirée, lacérée, mortifiée et asservie par les chambres meublées d'Amérique ? Si toutes les heures que j'ai passées dans les chambres meublées pouvaient durcir comme les grains d'un rosaire, elles formeraient les notes d'un cri sans fin qui parviendrait, peut-être aux oreilles de Dieu. ..."



Oh, j'oublie de dire que son histoire se passe de 1897 à 1942, soit un monde tourmenté, une Italie fasciste de Mussolini, une Amérique de la prohibition et de la crise... Pas facile, quoi.



Carnevali était un écorché vif, un Italien, avec un rapport aux femmes remplis de cliché, l'attachement à elles comme à une mère, les femmes-putes méprisables, la peur et l'intérêt ultime. De quoi fait bondir les féministe aussi.



"Annie, je ne me suis jamais abaissé à demander un seul cadeau à cette grande dame inflexible qu'est la vie. Je me suis contenté de broder un manteau de rêve régalien pour recouvrir mes os tremblants.'



Il décrit et parle beaucoup de ses rapports compliqués tout autant avec Dieu, un dieu qui finalement est bien utile quand il se désespère, utile à haïr, inutile à invoquer, oublieux, méprisant aussi, tout comme Carnevali lui-même évidemment.

Carnevali parle d'amis, ou de non-amis, de ses amours ou non-amours, de sa famille (mère, frère, père, tante...) tout ce qui sème une vie, parsème une vie, n'importe quelle vie, de la plus banale des vies à la plus folle... Carnevali ne cesse de s'interroger sur sa propre folie, renvoyée ou évaluée à l'aune de ses rencontres, et de ses passages au sanatorium ou dans une Villa "psychiatrique"... Se rassure, s'inquiète, nous rassure, nous inquiète.



Déçu de l'école, débarque dans l'école de la vie, petits boulots minables en tentant en vain d'écrire et d'être publié (pas spécialement génialissime dans ces parties vécues, Bukowski est nettement plus amusant et tout autant descriptif). Aidé financièrement parfois, par quelques-uns, abandonné parfois ou est-ce lui qui ne cesse d'abandonner...



"Tout ce que nous apprenions en classe, nous l'aurions fatalement oublié, car l'école est un lieu où l'on oublie tout ce dont on devrait se souvenir et où l'on se souvient de tout ce que l'on devrait oublier."



Le livre c'est l'Italie aimée, pleine de saveurs et de sensations nostalgiques et l'Amérique idéalisée et décevante, grise (comme ce livre) et les rebondissements entre elles. L'Italie il y nait et il y meurt, l'Amérique il y passe. Où disparaissent les nuages ? Ses larmes qui sortent trop puis ne sortent plus...



"Adieu, ravioli de Milan, zampone de Modène, agnolotti de Turin, spaghettis à la napolitaine, adieu ! Et pourtant, je n'éprouvais pas la nostalgie de ces mets en quittant l'Italie. C'était l'essence, la part exquise de l'Italie que je quittais, peut-être à jamais. Je me souviens qu'en Amérique, lorsqu'il m'arrivait de chanter dans les rues une chanson italienne, je me mettais à pleurer comme un sot. Une chanson peut parfois signifier une nation tout entière. On peut en outre éprouver d'autant plus de nostalgie pour un pays qu'on y a beaucoup souffert. Avec le temps, la nostalgie devient une sorte de dédommagement de la souffrance. Il y a toujours une grande sensation d'humilité avec le pays où l'on a souffert, c'est avant tout cette humilité dont on ressent le manque lorsqu'on est loin."



Au fond, le livre c'est l'expression de regrets, de tentative de réconciliation ou de pardon, pour finir en paix... Réussi ou raté, qui sait ?



Quant à "Les autres proses"...Sur de petites et grandes choses là encore, sur de petites gens, et sur de grands sentiments... On brasse là encore platitudes et fulgurances émouvantes ou stylistiques. Ca reste (in-)cohérent. [Sourire]



"La nuit, et les amis qui pensent et ne pensent pas à moi, m'effraie. Les amis ont peur de plonger en moi, comme si j'étais à leurs yeux un étang aux eaux vertes et trompeuses. Il est vrai que mon visage est souvent vert."



Figure aussi une partie nommée "Une Histoire" "Journal de Bazzano, 1928",suite de petites saynètes plus ou moins réussies (in-)également. J'ai particulièrement apprécié le 25 juillet.



Les trois témoignages respectivement de William Carlos Williams, Sherwood Anderson et Robert MCalmon n'ajoutent pas beaucoup, ils confirment un personnage dans ce qui a été (d-)écrit tout du long de l'ouvrage. Pas spécialement une plus-value. Pareil pour la notice biographique, pas spécialement de plus.





J'ai lu sans déplaisir cet ouvrage-recueil, je ne suis pas certain de m'être fait un ami indispensable en cet auteur et donc pas certain de le suivre, ou plutôt de suivre ce que ses amoureux en publieront. Il vaut le coup d'oeil et il n'est pas incertain que vous, personnellement, n'en tombiez amoureux. Allez savoir.



Je laisse les derniers mots à Carnevali :

"Mais la nuit, la lampe à gaz est le soleil d'un monde malade et la table, les chaises, la bibliothèque sont desséchés, silencieux et tristes comme des lépreux. La bibliothèque. Les livres. N'importe quel livre. La première ligne du premier livre entraîne toutes les lignes de tous les livres ; je les ai tous dans le sang, ces petits microbes noirs - dès qu'on en a lu un, on est contaminé et la maladie s'installe.Ils crient si fort ! C'est une honte de laisser imprimer des choses pareilles ! Ca ne vous fait pas peur ? Et nous, lecteurs, nous passons devant les tombes béantes de ces livres, devant ces corps déchiquetés, nous regardons un homme sortir un bras de sa tombe et agiter devant nous son soeur sanguinolent... et nous disons "J'aime... j'aime... je n'aime pas..."



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Le premier dieu

J'ai reçu "Le Premier Dieu" alors que je venais de perdre deux des êtres qui m'étaient les plus chers au monde et il m'a été difficile d'entrer dans cette lecture qui, dès le départ, m'a parue anxiogène.

J'ai eu du mal à ressentir de l'empathie pour Emmanuel Carnevali. Je l'ai plaint.

Son enfance est effroyable. Les relations avec ses proches sont tumultueuses, sordides. On sent physiquement cette poisse, on la touche au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Cette poisse qui collera tout du long de sa vie à la peau de Carnevali.

À 16 ans, quand il décide de partir vers la Terre Promise - moment à partir duquel il aura le grand mérite et la volonté d'écrire en anglais - les États Unis sont une nouvelle déception. Il va vivre de petits boulots en petits boulots. Son existence est misérable, il connaît la faim, le froid, les meublés glauques. Nous entrons avec lui dans cette précarité. Le poète écorché vif se heurte à ce que le monde matériel a de plus dur et de plus vil.

Néanmoins, il écrit et est reconnu et admiré par ses pairs, des poètes comme Williams Carlos Williams. Entre autres. Il fait ces rencontres qui auraient pu bouleverser le cours de sa vie et le sortir de la misère. Mais les portes s'ouvrent et se referment.

Carnevali, soleil noir - c'est l'oxymore qui me vient à l'esprit - a cette emprise sur nous, lecteurs, en nous confrontant à son oeuvre, à son parcours qui le fait aller d'échec en échec. Il est un poète maudit. Le Premier Dieu, son autobiographie mêlant littérature et poésie, nous tient viscéralement par l'intensité, la fièvre, les fêlures de son écriture. L'enfance de Carnevali, son émigration puis son retour en Italie - sa terre natale - , ses amours, son mariage, tout est voué à la destruction, épuisé qu'est aussi Carnevali et c'est une fatalité terrible, par une maladie invalidante tant psychiquement que physiquement. Cette maladie apparaît en filigrane dans tout le livre.

Carnevali vit dans le dénuement le plus total, une misère qui le contraint à côtoyer les pires bassesses du monde. Il décrit admirablement ce milieu de la pauvreté et c'est si dur que l'on a envie de se débarrasser, presque physiquement tant il réussit à nous en imprégner, de cette atmosphère de vie misérable, de relations d'une promiscuité crasseuse.

Le monde de Carnevali est dense comme son écriture. Dense et forte. Il est difficile d'être insensible à la puissance et aux évocations parfois suffocantes de ce poète perdant pied. Mais l'homme Carnevali, devenant aigre de frustrations et rongé par la maladie, cet homme qui construit et détruit aussi ce qu'il peut aimer (comme il a détruit son mariage) ne nous offre pas un visage sympathique.

La couverture de cet ouvrage, splendide, avec un calque sur la photo de Carnevali, nous en dit long sur le poète et l'homme. C'est un brouillard sur un visage où l'ombre et la lumière vont jouer une partition particulière.

Le Premier Dieu restera aussi pour moi une lecture particulière à un moment particulier de ma vie. Une lecture difficile tant la souffrance de Carnevali est poreuse. Et transpire dans sa poésie, dans sa littérature.

Carnevali, reconnu après sa mort, comme il l'était de son vivant par ses pairs, en tant que l'un des plus grands de son époque est considéré comme ayant participé au renouvellement de l'ère américaine littéraire. Ironie du destin. Il n'est pas unique en cela.

Carnevali admirait Rimbaud. Je peux m'abreuver à la poésie de Rimbaud comme à une source bienfaisante. Le Premier Dieu restera pour moi une rencontre enrichissante et intéressante - c'est un truisme - mais le goût est amer et je n'y reviendrai pas.



Un grand merci aux M. Critiques qui nous permettent si généreusement d'élargir notre horizon.

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Le premier dieu

"Le premier Dieu" est l'autobiographie de l'écrivain poète Emanuel Carnevali qui fut traduite et publiée en 1978, trente-six ans après sa mort, par Maria Pia Carnevali, sa demi-sœur. Comme l'éditeur le précise dans un mot à la fin du livre, la traduction n'était que partielle, omise ou édulcorée lorsque les écrits parlaient du père et de la religion. Les textes originaux ont refait surface avec la nouvelle version de Jacqueline Lavaud...

Carnevali n'a pas écrit dans sa langue maternelle. Sa plume acérée, violente, ironique, parfois sans pudeur et sans compromission, est en anglais, une langue qu'il ne connaissait pas et qu'il a découverte à l'âge de seize ans en Amérique.



Né en 1897 à Florence, Emanuel est un enfant chétif. Il nous raconte ses premiers souvenirs dans la campagne florentine avec sa mère, sa tante et ses cousins. De son frère, il me semble qu'il n'en parle pas, ou peu (C'est seulement en Amérique qu'une brève complicité s'établira). Il a deux ou trois ans et déjà il perçoit toute la misère qui l’entoure. Des cours chapitres parlent de ce séjour à la ferme et présentent sa famille. Sa mère, belle, altière, si grande dame, désenchantée et morphinomane, une martyre à l'image des Saints qu'elle vénère. Un père qui les a laissés, violent, jaloux, égoïste. Sa tante, comparée à une lionne, qui nourrit tout le monde, câline, maternelle, et qui dans sa rage frappe ses enfants jusqu'à la pâmoison. Ses cousins, des enfants un peu bêtas qui le torturent... Des images, des émois et une attente... Il se décrit comme un enfant observateur, calme et soumis.

Le temps de la ferme sera bref car le manque d'argent les pousse à partir à Biella dans le Piémont, une ville industrielle avec ses manufactures textiles. Cette enfance est bien souvent malheureuse. Sa mère décède, il a neuf ans, et il doit partir chez son père qui s'est remarié. Si au début son père consent à faire un effort affectif envers lui et son frère, bien vite la cohabitation dégénère et ils sont envoyés dans des internats. Ces années, il va à la manière de Picasso leur donner des noms colorés. "Blanc" pour la première partie avec sa mère, "Rose" pour la seconde, celle au collège "douce et légère", et "Noir" pour la troisième, celle qui correspond à New-York. Élève brillant, il obtient une bourse pour étudier et découvre les grands auteurs littéraires et la passion d'écrire. La passion, il la ressent aussi pour un étudiant, ce qui fâche le directeur de l'école et le mène à son renvoi. De cette époque, Venise est admirée... l'écriture est exacerbée, grandiloquente, romantique, juvénile, platonique, encore inhabile et vive de tout son amour pour ce jeune ami. Mais comme les poètes maudits rien n'est simple chez lui. Carnevali est habité par une force tragique, une instabilité qui le pousse vers d'autres horizons. Il va tout quitter et partir en Amérique. En 1914, il n'a pas encore dix-sept ans, il arrive à New-York...



Il vit son exil dans le dénuement le plus total. Vagabond, il va de chambres miteuses en squats, vit de mendicité et de petits boulots. Il est comme on dit un traîne-misère, affamé, en équilibre, perdu dans un tourbillon. Il jette les mots rapidement, tout est effervescence dans cette Amérique d’immigrés, du bas de l'échelle. Le personnage est étrange avec un caractère brusque, entier, fuyant, insaisissable, presque fictif et je dois dire pas très sympathique. Grand amoureux, il admire les femmes, les belles, les moches, les innocentes, les putains, il les aime, il recherche l'attention et l'amour, ça le grandit, ça le rassure... Elles sont toutes "des reines". En 1917, il se marie mais ne peut rester fidèle. Sa femme est simple, sans éducation. Un jour, alors qu'il cite Shakespeare, elle lui demande qui c'est. Il lui répond qu'il l'a rencontré dans la rue. Aimant et cruel... C'est cette année qu'il rencontre son ami Louis Grudin, un poète, et d'autres auteurs qui vont le propulser dans les cercles littéraires.



Il écrit... il est publié... l'ascension a été douloureuse, la côte fut raide, et tristement, en 1920, on peut dire qu'il est déjà au sommet, il a vingt-trois ans. Épuisé. Les médecins diagnostiquent une encéphalite léthargique. L'indigence est une saleté qui le colle... la maladie, la folie, comme du temps de son enfance avec sa mère et sa tante, le précipice est terrible. Il est aidé par ses amis qui lui offrent les soins et un retour en Italie dans une pension. Il va décrire sa résurrection si éphémère dans les dunes de l'Indiana à vivre comme un sauvage, et ses passages en cliniques et hôpitaux en Italie, cerné par une faune aliénée, viciée, et lui, drogué à la scopolamine. Le délire le rend fantasque. Serait-il Dieu ? Hôpital, clinique, pension... Il est publié jusque dans les dernières années de sa vie, "porté" par ses amis dévoués, toujours attentifs et présents, qui impuissants devant la déchéance de Carnevali, continuent à le stimuler. Il est mort en 1942 ; il avait quarante-cinq ans. Et il n'a pas eu la notoriété tant désirée.



"Le premier Dieu" mêle plusieurs récits aux styles différents qui témoignent de l'évolution d'un poète damné. Son identité prend racine dans son enfance et comme le dit Baudelaire, "... le profane, au rire effronté, souffle gaiement des bulles rondes..."... il se joue de tant de misères. Confessions d'un enfant malheureux, rejeté, mots précieux d'un adolescents, chroniques égocentriques par la suite, puis paranoïaques sur la fin... l'autobiographie emporte le lecteur au-delà des pages. La verve est toujours luxuriante, fine et belle, elle fait mal aussi. La souffrance est sublimée. C'est en lisant les trois témoignages de ses amis qu'on arrive un peu à cerner l'auteur. Il dit de lui... "Sur mon visage, il y a tout à la fois, la lutte des idées, des impressions, des sensations anciennes et dépassées. Qui a dit que le visage est le miroir de l'âme ?".
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Le premier dieu

Le premier dieu est une autobiographie de 130 pages, suivi de proses, courts récits, divagations.

Emmanuel Carnevali se souvient...Une enfance dont il ne guérira pas. La maladie règne en maître dans sa famille: mère morphinomane, tante qui l’élève et qu’il verra morte; cousin mangeur d’immondices qui a des vers énormes dans les intestins et enfin lui, malade dès l’âge de 15 ans.

Son père les prend en charge, lui et son frère. L’école ne l’intéresse pas vraiment, il préfère les promenades, plus régénérantes que l'air vicié d'une salle de classe.

Mais le collège lui permet de découvrir Venise et son silence magique.





Majeur, Carnevali s’embarque pour New York sur une vieille carcasse à moitié pourrie où il fait sentir la puissance de la mer avec ses vagues majestueuses et massives. Sur ce bâteau, il fait la connaissance de Misio, le philosophe incroyablement lent.



Puis il apprend à connaître New Yord en parcourant les rues à la recherche de travail, la rondes des emplois de serveur.

Il se fait souvent virer, les free lunch counter l’empêche de mourir de faim. Toute une vie d’immigrant précaire qui compare les emplois à de vieilles chaises défoncées qui sont autant d'étapes pour se reposer avant d'avancer dans la vie, comme Sisyphe avec son rocher.

« J’étais le capitaine du navire de la misère américaine. »



Avec son frère qui l’a rejoint, ils partagent une paire de chaussure pour deux puis ils se brouillent et Carnevali apprendra sa mort quelques années après.

Il se marie, écrit de très belles pages sur la vie à deux, mais rencontre et rêve d’autres femmes. Il fait la tournée d’écrivains et essaie de faire son trou dans cette petite société. A Chicago, il côtoie une société d’excentriques, le “le forum de ceux qui arrivent au mauvais moment“. Il décrit ses amis d’alors Louis Grudin, Jack Jones, Annie Glick à qui il voue un amour déséspéré, Harriet Monroe, mère des poètes. Et les écrivains Sherwood Anderson et William Carlos Williams.

Puis c’est la crise, la folie qui ne le laissera plus en repos. Il est farouchement convaincu d’être un dieu, il parle à l’infini et vit avec une chose, un double invisible qu’il appelle Chosequibrille.

Le fou insupporte. Il est rejeté. Il se réfugie près d’un lac. Il nage: “l’eau du lac était mon absinthe.“

L’encéphalite le tient, il n’est plus qu’un être tremblant aux yeux vitreux. Il est renvoyé en Italie. Fin de l’autobiographie, la biographie officielle prend le relais et contraste avec son style poétique.



Comme tous les grands livres surprenants, il faut s’acclimater à cette belle écriture épidermique, en tension perpétuelle, à cette vie rongée par le manque d’espoir et la maladie invalidante. On voit s’agiter un être fantasque et bavard pour qui ça finira mal, un poète vraiment maudit.

C’est en relisant mes notes que je me rends compte que les croix abondent, comme autant de points d’exclamations et d’admiration. Des phrases uniques de poète. J’appelle phrase unique une phrase nouvelle, jaillie d’une cervelle et qui n’a jamais été lue auparavant. On a envie de toutes les noter, se faire une collection de toutes ces comparaisons originales et perçantes. Il n’y a pas redite. Carnevali brode sur le déséspoir lancinant de sa vie, une enfance dont on ne guérit pas, une pauvreté de tous les instants et la maladie comme une épée de Damoclès.



Les autres récits sont eux aussi marqués par le pessimisme, des histoire d’êtres solitaires pour qui ça tourne mal, tout en se teintant d’une note contemplative. Le poète interné a le temps de décrire son environnement comme dans Home, sweet home, où il regarde son appartement, la vie au quotidien. L’écriture se glisse comme un fantôme transparent sur la trame du quotidien.



Merci à Babelio et aux éditions de La Baconnière pour cette belle découverte.
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Le premier dieu

Emanuel Carnevali fut un écrivain et poète italien du début du XXe s., né en 1897 à Florence. Il quitta l'Italie pour les États-Unis à l'âge de 16 ans, accompagné de son frère. Il décèda à 43 ans à la suite d'une encéphalite diagnostiquée pendant son séjour américain. C'est à Bazzano, qu'il laissa son dernier souffle poétique.

Le premier Dieu est un recueil de textes, le thème reste autobiographique, en trois parties, une prose romancée en première partie, différentes proses en deuxième parties – des textes cours, et enfin trois témoignages de personnalités proches de l'auteur.

Ce livre est un premier tome sur trois proposé par les éditions La Baconnière. le prochain sera un recueil de poésies bilingue et le dernier traitera d'essais et de correspondances.

C'est la première fois qu'une maison d'édition – La Baconnière en l'occurrence – réalise une édition complète des oeuvres de ce grand poète. (source : notice en fin d'ouvrage)



Le coeur de la courte vie d'Emanuel Carnevali est le désir d'être poète et aimer en tant que tel.

Le besoin de survivre en plus des conditions d'existences en majeure partie exécrables est logiquement un autre aspect de ce bref laps de temps qui lui a été accordé :

Parents séparés à sa naissance, une mère malade qui meurt quand il a 11 ans, un père absent avec lequel il entretient des rapports conflictuels, un frère violent ; c'est leur tante qui les gardera sous son aile. Les études sont peu évoquées, par contre ses relations aux autres sont plus explicites. À 16 ans, il quitte l'Italie pour New York. Il y subira une vie de misère, d'écriture, d'amours passionnels, de déceptions, de folie et de maladie. Il fait un bref passage à Chicago pour relancer sa carrière littéraire – dit-il. Mais à l'âge de 25 ans, déjà malade, il retourne en Italie, à Bazzano, ville actrice importante de ses écrits, sa terre d'adieu.

Extrait page 65 à NY :

« C'était une drôle de vie sur cette terre de millionnaires et on dit encore que la richesse n'est rien de plus qu'un état d'âme et le pire des vices pour un pauvre. Mais cette richesse, que je n'ai jamais désiré acquérir, et cette pauvreté, à laquelle je n'ai jamais échappé, furent les principales causes du désordre de ma vie. »

Emanuel Carnevali est probablement un des principaux initiateurs des mouvements libertaires qui naitront dans les années ' 60 en Amérique. Un avant-gardiste de « la littérature underground ». Il était malade, au dernier stade de la soif, d'amour, de vie, de mots rythmés ; avec rien dans les poches pour garder la tête hors de l'eau… Il se battait contre la folie, ses colères étaient récurrentes, son mépris de tous, Dieu y compris (même s'il se prend pour lui à Chicago, d'où le titre). Un mort né condamné à vivre passionnément en souffrance. Pensez-vous qu'Emanuel Carnevali aurait eu des disputes avec Bukowski, Borrough, Ginsberg ou Kerouac ? Je le vois bien sur la route, hurlant sur le chauffeur d'une décapotable avec le journal d'un vieux dégueulasse, parce que la fleur accrochée à sa chemise s'est envolée ; ah les oeuvres croisées… ?

Ce qui me parle le plus, c'est la capacité de décrire l'impitoyable réalité, la rudesse d'un vécu, la mise à l'écart, les événements déjantés, malgré les difficultés physiques ou morales imposés en fonction de l'époque qu'ils subissent ; tous régurgitent une prose parfaite, de laquelle transpire un pouvoir émotionnel intense. C'est d'un air béat que je referme ces livres même si je n'en comprends pas toute la teneur intellectuelle ; j'en retire toujours, et surtout, un grand étonnement.

Extrait page 129 à Chicago :

« Il n'y avait pour moi ni aide ni remède en raison du grave péché dont j'étais coupable : celui d'aimer le succès. Mais, par-dessus tout, j'étais un envieux, follement jaloux de tous les écrivains qui auraient publié plus d'un livre. (Je suis encore jaloux, oui, jaloux même de Shakespeare. J'ai un besoin frénétique d'éloges. J'aspire à être tenu pour un grand poète, à la folie, qu'il pût y avoir des poètes plus grands me serre le coeur.) Il y avait du laisser-aller dans mon corps, dans mon âme, j'étais parfois un vrai fainéant. J'étais tel un chien qui aboie aux pierres qu'il ne peut ni rassembler ni lancer. »

Emanuel Carnevali,

Il y a en lui, autant la douceur de Keats (il le cite d'ailleurs, leur vie se ressemble à part la fortune ; malade jeune, aucun parent, poète romantique…) que la dépression de Baudelaire.

Beau comme eux, son verbe affûté

Est une lame sur laquelle les gouttes de sang

Ont jaillit d'une entaille préméditée

En plein coeur

Il se meurt

Depuis toujours.

Il n'est plus " un point fluet dressé contre Dieu, ou comme deux mains malingres jointes pour une prière “. Il n'est plus " une créature misérable et maladive " (p214). Il était ce qu'il voulait être ; sa verve enragée l'a rendu " aussi fort que les roches que la mer met des siècles à saper " ; car aujourd'hui il est là pour vous lecteur.



Robert Mc Almon a dit :

" Comment pouvait-il être un " artiste ", un " écrivain" parfait ou accompli, un homme de lettres soucieux de son " art ", de sa " technique ", etc. ? Il n'avait pas suffisamment d'heures de lucidité par jour ni assez de maîtrise sur ses muscles pour se discipliner. Mais sa volonté de vivre et sa capacité à la joie et à la haine le soutenaient." (p307)

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Le premier dieu

J'ai été peu enthousiasmée par cette autobiographie, d'un auteur italien méconnu, d'expression américaine, Emanuel Carnevali.



Je suis étonnée de la disparité de styles entre le début, décrivant avec une platitude dérangeante les maladies et violences familiales et la partie "Chicago" dont certains passages sont d'une réelle fulgurance poétique.

Seuls passages qui peuvent suggérer d'autres rebelles au délire provocateur comme Genêt, Kerouac ou Bukowski...



Les "autres proses" sont dans l'ensemble d'une écriture inspirée et Carnaveli est alors, le [...vagabond qui répand des mots sortis d'un trou de sa poche...] comme Rimbaud s'en allait, les poings dans les siennes crevées.



Précision judicieuse de l'éditeur, que les trois témoignages qui donnent un autre éclairage de ce poète maudit, égocentrique et sans empathie pour les autres.



La jaquette (déjà vue chez Robert Laffont pour un Bret Easton Ellis) est agréable en mains...

...et merci à Masse Critique de m'avoir fait découvrir cet auteur.







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Le premier dieu

Voici la critique d’un auteur qui m’était inconnu: Emanuel Carnevali. Dès les premières lignes, j’ai cherché à trouver des similarités, des points de repères. Un Italien qui émigre aux États-Unis, j’ai d’emblée pensé à John Fante, mais rien à voir. Il n’avait pas la hargne de Bandini! Non, les premières lignes m’ont plutôt fait penser à la lettre au père de Kafka; une culpabilité juvénile: c’est votre faute (père et mère), mais je ne vous accuse pas, c’est aussi ma faute, mais, bla, bla.



Je dois dire que les premières pages m’ont réellement ennuyé. Comme cela m’est arrivé à quelques reprises, le train, ou l’avion m’a permis d’avoir un autre regard sur un livre, il peut même le sauver, car après avoir feuilleté tous les magazines offerts, je me suis dit,« il me reste encore 2h30 de trajet!» On offre alors une seconde chance au livre (c’est ce que j’avais fait avec la route de McCarthy où les 35 premières pages sont imbuvables). Et, là aussi, les chapitres suivants acquièrent un peu plus de mordants, sont moins lisses et parviennent à nous accrocher.



Ce qui est étonnant, c’est qu’au fur et à mesure de la lecture, on retourne à notre questionnement initial: où se place cet écrivain. En fait, cette question nous revient, car Carnevali se l’a pose sans cesse. Comme il le dit lui même, il est un écrivain romantique du XIXe siècle, et comme eux, il cherchera à faire de sa vie une œuvre. Raison certainement pourquoi le premier Dieu est une autobiographie, et raison pour laquelle il semble vivre comme s’il était un personnage de roman.



En plus de cette autobiographie, on trouve plusieurs autres proses, presque toujours à la première personne. C’est d’ailleurs surtout dans cette deuxième partie que l’on remarque la voix singulière de Carnevali, ses thèmes de prédilection (maladie, pauvreté, meublé, NY et l’Italie…), son univers qui finalement est très beau. Je ne choisis pas «beau» par hasard, car il me semble qu’il s’agit de l’un des termes que Carnevali emploie le plus souvent. Il semble en faire une fixation. À chaque fois qu’il rencontre une nouvelle personne, homme ou femme, il nous expose son jugement. «Ah! ce qu’il est beau, même si son visage est très laid!» pourrait-on voir comme son leitmotiv. Il cherche constamment à trouver le beau dans toutes choses, toutes personnes, toutes situations aussi laides soient-elles. On peut même se demander si plus une chose est laide et plus il la trouve belle.



On comprend à la lumière de ce texte et autres proses que cette recherche, cette fixation sur la beauté, en fin de compte, il ne cherche qu’à se l’appliquer à lui-même. Il aimerait bien que dans sa laideur, on y voit la beauté, une beauté grandiose, divine. C’est dans ce sens que ce livre, et le bonhomme, sont attachants, dans cette tentative ininterrompue de séduction du lecteur. Il se plaint sans cesse de sa misère, avec le sourire, dans une posture héroïque, tout en nous disant, je ne me plains pas, la vie est belle, je suis en fin de compte heureux. C’est bien dans ce tiraillement interne que Carnevali intéresse son lecteur et qui le rend aussi fascinant.
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Le premier dieu

Poète italien méconnu, Emanuel Carnevali relate dans le premier dieu ses années d'enfance en Italie et sa jeunesse à New York. Il revient sur une période pénible : d'abord auprès d'une mère morphinomane, ensuite d'un père peu concerné par ses fils. Ses années d'études ne lui apporteront pas davantage de lumière. Pourtant son ton est exempt de reproches et de plaintes : l'auteur se souvient, oscillant entre observations et sentiments.



Sous le soleil d'Italie, son quotidien est plutôt sombre et amène peu d'espoir. A New York, il connaîtra la faim et les boulots miséreux avant de rejoindre, malade, l'Italie. Il nous décrit le quotidien d'un artiste désargenté, acceptant tous les travaux pour survivre.



Pour ce premier texte, le style de Carnevali est brut, vif, emporté. L'auteur est plutôt abrupt, peu enclin à la compassion. Dans ses autres écrits, en deuxième partie de l'ouvrage, il fait place à la poésie, peaufine et montre un vrai talent d'écrivain.



Globalement, j'ai apprécié cette découverte mais je ressors de ma lecture avec un sentiment mitigé, notamment par l'inégalité que l'on note entre les différentes parties. Je veux enfin signaler le soin apporté par la maison d'édition à l'ouvrage en lui-même : la couverture est en tous points remarquable. Un grand merci à Babelio et aux éditions la Baconnière pour cette découverte
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Le premier dieu

Un paysage, même sinistre, contemplé à travers une vitre brisée ,s’irise et se gauchit au gré des fractures qui le font accéder à un degré autre de la réalité. L’autobiographie de Carnevali , à travers le prisme de son esprit brisé par la maladie ,produit un effet identique . C’est une triste vie , si proche de nos propres misères mais illuminée d’éclats de poésie ,de fulgurances de style . Une découverte et une expérience.
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Le premier dieu

l'homme du valeur est toujours Critiquer
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Le splendide lieu commun

[...] Une poésie attachante, souvent complice avec le lecteur. Une approche positive de la vie malgré toutes les difficultés, les maladies, la pauvreté auxquelles son auteur a dû faire face ressort à la fermeture de la dernière page.



(Re)découvrez notre chronique dans son intégralité entre les pages numériques de notre bimestriel littéraire et culturel en ligne le dernier dimanche tous les deux mois...
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