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Citations de Eric Robertson Dodds (25)


Le puritanisme ancien, tout comme sa contrepartie moderne, avait sa doctrine du péché originel qui rendait compte de l'universalité des sentiments de culpabilité. Certes, la transmission physique de la culpabilité par une succession corporelle était rigoureusement inconciliable avec l'idée que le soi occulte et perdurable en était le porteur. Mais cela ne doit pas beaucoup nous surprendre. Les Upanishads de l'Inde aussi parvenaient à concilier l'ancienne croyance à la pollution héréditaire avec la doctrine plus récente de la réincarnation ; et la théologie chrétienne trouve le moyen de concilier la culpabilité héréditaire d'Adam et la responsabilité morale individuelle. Le mythe des Titans expliquait au puritain grec pourquoi il se sentait à la fois un dieu et un criminel; le sentiment« apollinien » dé l'éloignement du divin et le sentiment « dionysiaque » d'identité étaient tous les deux expliqués et tous les deux justifiés. C'était là quelque chose de plus profond que toute logique. (p. 160)
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...ce que j'ai suggéré jusqu'ici est une ligne hypothétique de descendance spirituelle qui part de la Scythie, traverse l'Hellespont, pour passer en Asie Mineure, se trouve peut-être alliée à certains résidus de la tradition minoenne qui survit en Crète, émigre à l'Ouest avec Pythagore, et trouve son dernier représentant de marque dans la personne du sicilien Empédocle. Ces hommes diffusèrent la croyance en une âme, ou Soi, séparable, qui par une technique appropriée pouvait être tirée du corps durant la vie même, un Soi plus ancien que le corps et qui lui survivra. Mais c'est ici qu'une question inévitable se pose : comment ce développement se rapporte-t-il au personnage mythologique appelé Orphée et à la théologie dite « orphique » ? Je dois tenter de donner une brève réponse.

Au sujet d'Orphée lui-même, je peux hasarder une hypothèse, au risque de me faire traiter de panchamaniste. La patrie d'Orphée est la Thrace, et en Thrace il est ou l'adorateur, ou le compagnon, d'un dieu que les Grecs identifièrent à Apollon. Il exerce conjointement les professions de poète, de magicien, de maître religieux, et de diseur d'oracles. Comme certains chamans légendaires de Sibérie, il peut, par sa musique, convoquer les bêtes et les oiseaux pour se faire entendre. Comme les chamans partout, il visite les Enfers, et le motif de sa visite est un but fort commun chez les chamans - le recouvrement d'une âme volée. Enfin, sa personnalité magique survit dans une tête chantante qui continue à donner des oracles bien des années après sa mort. Cela aussi suggère le Nord : ces têtes mantiques apparaissent dans la mythologie nordique et dans la tradition irlandaise. Je conclus qu'Orphée est un personnage thrace dans le genre de Zalmoxis - un chaman mythique ou un prototype de chaman. (p. 151)
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Nous savons que le prophétisme extatique se pratiquait depuis des temps reculés au Moyen-Orient. Cela se produisait en Phénicie, comme l'atteste un document égyptien du XIe siècle ; et trois siècles avant, nous voyons le roi hittite Mursili II prier pour que lui soit envoyé un « homme divin » qui pourrait faire la chose qu'on demandait si souvent à Delphes : révéler pour quel péché le peuple était affligé de la peste. Ce dernier exemple serait particulièrement significatif si nous pouvions accepter (comme Nilsson tend à le faire) l'hypothèse de Hrozny pour qui Apollon, maître et médecin de la peste, ne serait autre que le dieu hittite Apulunas. Quoi qu'il en soit, il me semble à peu près certain, d'après les preuves fournies par l'lliade, qu'Apollon était, d'une façon ou d'une autre, originaire d'Asie. Et en Asie, tout comme en Grèce continentale, nous trouvons le prophétisme extatique associé à son culte.

Ses oracles à Claros près de Colophon et à Branchidée aux environs de Milet sont réputés avoir existé avant la colonisation de l'Ionie, et aux deux endroits le prophétisme extatique semble avoir été pratiqué. Il est vrai que nos témoignages sur ce dernier point nous viennent d'auteurs tardifs ; mais à Patara en Lycie - de l'avis de certains, la première patrie d'Apollon et certainement un centre ancien de son culte - à Patara, nous le savons par Hérodote, la prophétesse était enfermée dans le temple pendant la nuit en vue d'une union mystique avec le dieu.
(...)
A Delphes et, semble-t-il, à la plupart de ses oracles, Apollon produisait non pas des visions comme celles de Théoclymène, mais « l'enthousiasme » au sens premier et littéral. La Pythie devenait entheos, pleine du Dieu ; le dieu entrait en elle et se servait de ses organes vocaux comme s'ils étaient les siens, exactement comme le fait le « contrôle » chez les médiums spirites modernes ; c'est pourquoi les discours delphiques d'Apollon sont toujours mis à la première personne, jamais à la troisième. (pp. 76-78)
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On peut regretter pour les Grecs que l'idée d'une justice cosmique représentant un progrès sur l'ancienne notion des Puissances divines purement arbitraires, et fournissant une sanction pour la nouvelle morale civique, - ait été ainsi rattachée à une conception primitive de la famille. Car cela impliquait que tout le poids du sentiment religieux et de la loi religieuse empêchait l'apparition d'une conception véritable de l'individu en tant que personne, avec des droits et des responsabilités personnelles. Une telle conception apparut à la longue dans le droit séculier attique. Comme le montre Glotz dans son grand ouvrage La Solidarité de la Famille en Grèce, la libération de l'individu des liens du clan et de la famille est une des principales réalisations du rationalisme grec, et une réalisation dont le mérite revient à la démocratie athénienne. Mais bien après que cette libération fut achevée en droit, les esprits religieux restaient hantés par l'ombre de l'ancienne solidarité.

Nous voyons chez Platon qu'au ive siècle, on montrait encore du doigt l'homme marqué d'une culpabilité héréditaire et cet homme était encore disposé à payer un cathartes pour obtenir une purification rituelle. Platon lui-même, d'ailleurs, tout en acceptant la révolution dans le droit séculier, admettait la culpabilité religieuse héréditaire dans certains cas. Un siècle plus tard, Bion de Borysthènes éprouve encore le besoin de faire remarquer que Dieu, en punissant le fils pour l'offense paternelle, se comporte comme le médecin qui purgerait l'enfant pour guérir le père ; et le dévôt Plutarque, qui cite ce trait d'esprit, tente néanmoins de trouver une justification à l'ancienne doctrine en faisant appel aux faits observables de l'hérédité. (pp. 43-44)
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Eric Robertson Dodds
Depuis plus d’un siècle, l’homme se trouvait en présence de sa propre liberté intellectuelle, et maintenant devant cette horrible perspective, il tournait les talons et décampait –mieux valait le déterminisme rigide du destin astrologique que le fardeau effrayant de la responsabilité quotidienne.
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