Citations de Ernest Callenbach (73)
Le tout sent la forêt, comme si des aiguilles de pin se décomposaient lentement dans une couche élastique d’humus. Les branches des grands arbres filtrent la lumière, créent une atmosphère d’une étrange douceur et j’ai eu la sensation bizarre de me trouver dans une église obscure.
Mais les effets les plus notables de cette semaine de travail réduite à vingt heures furent d'ordre philosophique et écologique : l'homme, affirmaient les Écotopiens, n'est pas fait pour la production, contrairement à ce qu'on avait cru au XIXe siècle et au début du XXe. L'homme est fait pour s'insérer modestement dans un réseau continu et stable d'organismes vivants, en modifiant le moins possible les équilibres de ce biotope. Cette approche impliquait de mettre un terme à la société de consommation tout en assurant la survie de l'humanité, ce qui devint un objectif presque religieux, peut-être assez proche des premières doctrines du "salut" chrétien. Le bonheur des gens ne dépendait pas de la domination qu'il exerçaient sur toutes les créatures terrestres, mais d'une coexistence pacifique et équilibrée avec elles.
Sur tout le paysage plane ce silence lugubre, ponctué par le léger vrombissement des bicyclettes et les cris des enfants. Parfois, aussi incroyable que cela puisse paraître dans l'artère principale d'une capitale, on entend même un oiseau chanter.
Sur tout le paysage plane ce silence lugubre, ponctué par le léger vrombissement des bicyclettes et les cris des enfants. Parfois, aussi incroyable que cela puisse paraître dans l'artère principale d'une capitale, on entend même un oiseau chanter.
D’après ce que j’ai pu constater à l’occasion de mes quelques emplettes, les vêtements qu’on trouve ici en magasin n’incluent aucun nylon, orlon, dacron ou autre fibre synthétique. (« Je voudrais deux ou trois chemises qu’on n’a pas besoin de repasser. » Le vendeur incrédule : « Vous voulez dire des chemises en fibre synthétique ? Nous n’en vendons plus depuis vingt ans. » Cet échange est suivi par une sorte de conférence pontifiante sur les quantités excessives d’eau et d’électricité nécessaires à la production des produits synthétiques qui, par-dessus le marché, ne sont pas recyclables.)
De plus, l’Écotopia constitue un défi douloureux lancé à la philosophie implicite de la nation américaine : toujours plus de progrès, l’industrialisation au bénéfice de tous, un produit national brut en augmentation constante. (p. 25)
Elle ne me signifie jamais par des mots si telle caresse lui plaît ou pas. J’ai l’impression d’être soudain débarrassé de tout le sempiternel psychodrame américain des soupçons réciproques entre les sexes, des demandes et des contre-demandes sexuelles, de nos efforts désespérés afin de résoudre ce que nous prenons pour le problème inextricable de la sexualité. Avec Marissa, tout vient de nos émotions. Un simple regard suffit à nous transporter de désir. Nous partageons des orgasmes d’une intensité presque terrifiante, sans pour autant que l’une de ces extases soit nécessairement plus importante que la précédente.
Les scientifiques écotopiens n'ont pas le droit d'accepter l'argent ou les cadeaux de l'Etat ou d'entreprises privées désireuses de les corrompre pour influer sur leurs avis.
Soleil, ici nous t'avons vu sombrer
Comme si c'était la dernière fois.
Merci pour l'aube.
Pas d’adieux, c’est la meilleure manière de dire adieux.
Décidément, ce pays m'a appris à pleurer. Les larmes me font curieusement du bien, comme si ce n'étaient pas seulement mes canaux lacrymaux qui s'étaient libérés..
Les écoles constituent sans doute l'aspect le plus vieillot de la société écotopienne. Notre éducation à domicile et pilotée par ordinateur est ici totalement inconnue. Aujourd'hui encore, les élèves sont rassemblés toute la journée dans une salle de classe afin d'y suivre leurs cours. (L'informatique joue un rôle très minime, car on croit dur comme fer aux vertus pédagogiques de la présence physique des professeurs et des camarades de classe).
« Suis-je pour elle une sorte de mystérieux étranger, un être exotique malgré moi ? » (p. 147)
La société écotopienne privilégie l’expérience et l’activité pratique plutôt que les diplômes, les références ou les profils. La possession d’une licence n’a rien de prestigieux et les citoyens de ce pays ne partagent pas notre engouement pour les doctorats. (Autant que je puisse le dire, aucun diplôme n’est absolument indispensable pour décrocher un boulot précis en Écotopia.) On accorde du respect aux gens selon ce qu’ils ont accompli ; la créativité et l’inventivité sont très appréciées, car elles révèlent des qualités personnelles peu communes et bénéficient énormément à la société.
"L'écologie dans un seul pays" est -elle viable ? La survie même de l'Ecotopia allait -elle dépendre de l'exportation de son modèle politique et économique vers le reste du monde ? Les radicaux, farouches défenseurs de cette seconde option, se sont jusqu'ici trouvés minoritaires, mais les catastrophes écologiques qui accablent de plus en plus souvent d'autres nations renforcent leur position.
Quelqu'un fait remarquer que la journée est particulièrement chaude et Tom cité alors le fameux dicton des Indiens des Plaines : c'est un bon jour pour mourir.
« Les Écotopiens semblent se servir de la télé plutôt que de la laisser se servir d’eux. » (p. 87)
Il n'y a aucune règle d'objectivité, contrairement à la déontologie de nos présentateurs télé ; la majorité des Écotopiens méprisent cette idée comme relevant du "fétichisme bourgeois" et croient qu'on sert mieux la vérité en indiquant d'abord de quel point de vue l'on s'exprime.
En Ecotopia, me répond-il, vous allez découvrir qu’il se passe beaucoup de choses sans l’autorisation du gouvernement. Ces groupes de travail opèrent en s’appuyant sur les avis scientifiques les plus pointus et indépendants que vous puissiez imaginer. Les scientifiques écotopiens n’ont pas le droit d’accepter l’argent ou les cadeaux de l’Etat ou d’entreprises privées désireuses de les corrompre pour influer sur leurs avis. Ils s’expriment avec la même sincérité que n’importe quel citoyen. Nous évitons ainsi cette situation regrettable où tous vos experts pétroliers sont à la solde des grandes compagnies pétrolières, où tous vos experts agronomes sont rémunérés par l’agrobusiness, et ainsi de suite…
Ces écotopiens sont sûrement des têtes brûlées, ils pourraient bien m'arriver de sérieux ennuis. Le contrôle du gouvernement sur la population semble très primitif, comparé au nôtre. Les Américains sont détestés comme la peste. En cas de problème, la police écotopienne sera sans doute inefficace- il parait que là-bas les flics ne sont même pas armés.