Citations de Eva García Saenz de Urturi (61)
L’un comme l’autre, étions sacrément doués pour résoudre des affaires, un peu moins pour suivre les règles. Après quelques avertissements pour indiscipline, nous avions appris à nous couvrir. Quant à suivre les règles, eh bien… on y travaillait.
Héraclite disait qu’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve, car il s’écoule et change constamment. Il en va de même pour le temps. Le passé ne se répète jamais, du moins jamais exactement de la même façon, et si les évènements venaient à se reproduire, ils ne concerneraient pas la même personne, mais une autre, plus âgée, dans des circonstances différentes.
Si on regarde le Moyen-âge, un tiers de la population mourrait des mains d’un tiers… Nous sommes tous les descendants de ceux qui ont survécu à la période de l’enfance et qui ont peu se reproduire avant de mourir. Dans notre ADN, nous portons à la fois les gênes des victimes et ceux des assassins.
Ici s'achève ta traque, ici debute la mienne.
il avait une bibliothèque de 300000 volumes il les avait acquis un rythme de 100 livres par jour. 100 livres par jour. 100 livres pour un propriétaire qui n'aurait jamais le temps de les lire. 100 livres orphelin de leur lecteur. inutiles, sans dessein. dès qu'un collectionneur me dit avoir plus de 5000 exemplaires dans sa bibliothèque il perd mon respect. je sais que c'est une fraude en tant que lecteur, un imposteur, un simple accumulateur , un détenteur. Et pour être un détenteur de livres il faut juste de l'argent pour les acheter et de l'espace pour les accumuler.
- Ne m'appelle pas Kraken, merde ! J'en ai marre de tout cela.
- Ah oui ? Alors arrête de te comporter comme un céphalopode sans cervelle.
L’étrange symétrie des événements me fascinait. Des victimes par paires, dont l’âge finissait par zéro ou par cinq… Un assassin et un flic identiques en tous points… Le fait que les crimes se sont interrompus le jour où Tasio a été arrêté et qu’ils aient repris à la veille de sa sortie…
Je sortis du lit à six heures du matin, incapable de retrouver le sommeil. En partie parce que les gens continuaient de faire la fête sous mon balcon de bois, sur la place de la Virgen Blanca, sans se soucier du lendemain. En partie aussi parce que la journée s’annonçait difficile : j’allais devoir me coltiner la presse et les ordres du commissaire Medina… Ç’allait être un long tunnel de boulot ; j’avais besoin de prendre l’air pour affronter la suite.
Running aux pieds, je descendis l’escalier, trottinant jusqu’à la porte qui me séparait du cœur de Vitoria. Deux ans plus tôt, j’avais trouvé la location idéale en plein centre grâce à une amie qui travaillait chez Perales, l’agence immobilière locale de référence. Elle m’a proposé cette bonne affaire avant même de mettre l’annonce en vitrine. Un deux-pièces rénové. Des voisins âgés, charmants, mais complètement sourds. La plus belle vue possible pour un troisième étage. Autrement dit, la perfection.
Je débouchai au galop sur le trottoir, croisant une marée de gens qui rentraient chez eux en procession. Les conversations s’étiolaient, les pas commençaient à peser, certains zigzaguaient à l’entrée de la rue de la Zapatería, leur clé à la main.
Je quittai la foule pour rejoindre des rues moins passantes. Quand j’arrivai aux Arquillos, elle était là, la mystérieuse coureuse que j’avais croisée chaque matin de la semaine précédente. La seule personne assez dingue, ou assez motivée, pour courir à six heures du matin, comme moi.
Elle ne prenait jamais par les ruelles étroites, fuyait les ombres, courait toujours au milieu du trottoir comme si elle reliait des points entre les réverbères, et portait un sifflet en évidence autour du cou. Une femme prévoyante. Mieux encore, une femme consciente des possibles dangers. Soit elle s’était déjà fait agresser, soit elle anticipait. Et pourtant, elle sortait courir avant l’aube pratiquement tous les jours de la semaine.
J'imagine que nous formions un drôle de trio : mon grand-père et son béret, mon frère et son intelligence affûtée, et moi et mon... je ne sais pas quoi. Je ne sais pas quel est mon trait saillant, celui qui me caractérise. Bon, maintenant, si. Maintenant, je suis le policier qui a arrêté le tueur en série le plus célèbre de l'histoire de Vitoria et qui a fini avec une balle dans la troisième circonvolution frontale de l'hémisphère gauche.
Demain, on me débranchera.
Dix jours ont passé, et je suis toujours dans le coma. Je suis prévoyant, j'ai laissé des instructions. J'ai fait mon testament quand je suis entré dans la police.
J'ai commencé à comprendre que la réalité et la fiction étaient des soeurs jumelles, que l'une se nourrissant de l'autre. Dans toutes les histoires, il y a un postulat, une intigue et un dénouement. Un protagoniste, une force antagonique, les alliés, les ennemis, les indices... et un mentor. De quoi sommes-nous en train de parler? Dites-moi Kraken. De la fiction ou de la réalité?
Ça arrive , parfois. Tu tombes amoureux . Au mauvais moment, de la mauvaise personne. Ça n’a rien à voir avec la volonté, les intentions, l’adéquation de la personne en question. Ce sont peut-être les phéromones, un quelconque élément volatil , intangible et pourtant bien réel .
Mon fils, je suis passé par la même chose que toi avant ta naissance, alors si tu dois garder une image de moi, autant que ce soit pour ce que je vais te dire : quand quelqu'un te frappe, ce n'est jamais de ta faute. Jamais. Tu comprends ? Si on te prétend le contraire, c'est pour t'empêcher de partir et pour continuer à te faire ça, mais ce n'est jamais de ta faute.
J'en ai marre d'attendre que les circonstances soient idéales, elles ne le sont jamais.
Je maudis le pouvoir qu'avait un seul cerveau de changer la vie de tant de gens étrangers à son entreprise. J'étais consterné de constater avec quelle facilité la folie d'un seul était capable de transformer le visage de toute une ville.
Tasio était le type le plus charismatique et le plus charmant qu’avait enfanté Vitoria dans les dernières décennies. Intelligent, hautement séduisant de l’avis unanime de la gent féminine et, qui plus est, dupliqué.
Oui, dupliqué.
Nous en avions deux, au choix. Tasio et son jumeau étaient identiques jusqu’au bout des ongles. Impossibles à distinguer l’un de l’autre. Ils étaient pleins d’optimisme, bien nés, enthousiastes, fêtards, cultivés, courtois… À tout juste vingt-quatre ans, ils avaient Vitoria à leurs pieds et un avenir qui s’annonçait plus que brillant : sidéral, stratosphérique.
Ignacio, son jumeau, choisit le chemin de la loi : il devint policier, le plus intègre que le Corps national de police eût jamais connu.
"Les gens blessés sont dangereux car ils savent qu'ils peuvent survivre."
Les gens m'appelaient, s'inquiétaient de savoir comment nous allions, mon frère et moi, me consolaient. Ca me donnait la chair de poule, parce que je comprenais que la douleur unissait aussi les personnes, peut-être plus que la joie, que les ingrats que nous sommes oublient aussitôt.
Nul n’est invulnérable, répondit Louis. Tuer quelqu’un ne pose aucune difficulté. Pour peu qu’on le veuille, il suffit d’un peu d’imagination, d’une occasion, de quelques sous… Il n’y a aucun mérite à tuer, à faire souffrir. Nous en sommes tous capables. Le mérite consiste au contraire à avoir de bonnes raisons de le faire, mais s’en abstenir. C’est cette force-là que j’admire, mais je crains fort d’être le seul.
Entraînés dès leur plus tendre enfance, ils (les chats aquitains) étaient bien plus que les espions des ducs d’Aquitaine. Passés maîtres en matière de surveillance, de traque, de filature, ces filles et ces garçons gauchers, étaient sélectionnés pour leur discrétion et leurs qualités d’improvisation dans des situations complexes…
Vous verrez, si un jour vous avez des enfants, votre centre de gravité se déplacera vos priorités se retourneront comme un gant, et vous passerez des années à vous efforcer à faire de votre mieux. Puis cet enfant grandira, vous le regarderez dans
les yeux et vous vous apercevrez qu'en réalité, vous étes deux inconnus l'un pour l'autre, incapables d'imaginer le mal qu'ils peuvent se faire mutuellement. Pas besoin
de lancettes, quelques mots suffisent à détruire vingt années de confiance.
- Vous êtes un homme de principes.
Si tu savais.
- Je ne suis pas un saint, Blanca. Je pèche souvent par la pensée et par omission.
- Mais pas dans la pratique, dit-elle. Pas dans la pratique. Je pense que c'est tout ce qui compte.
- Non, moi je pense que, dans cette région, le paraître compte autant que la réalité. Rappelez-vous ce que disait Jules César à propos de son épouse: «ll ne suffit pas que la femme de César soit honnête, elle doit aussi en avoir l'apparence. »