FRANCINE KREISS: AVENTURIÈRE DES PROFONDEURS
Encore un qui va me raconter qu'il a pêché au fil dentaire un calamar géant entre Marseille et Cassis.
La mer ne punit pas la mort. Elle la génère ou l'étouffe. Depuis des siècles, il est écrit que les sirènes vivent au fond des mers. Foutaises ! Il n'existe qu'une seule sirène. C'est elle. La mer. Elle choisit ses élus, tapie dans sa propre écume. Elle ne les choisit pas au hasard. Elle les veut beaux, impétueux, sans limites. Elle les veut vrais. Elle les cueille de son regard mousseux. Elle leur explique que la terre n'est qu'un théâtre d'illusions. Un décor en carton-pâte. Rien n'est grave à terre. Tout glisse. L'essentiel est au large.
Il y a des jours où l'on se demande pourquoi on a des idées aussi débiles. ça doit être le syndrome de la femme mariée qui s'ennuie sous son tas de linge. D'habitude, elles prennent un amant pour baiser au motel d'à côté. Moi, je préfère l'exotisme.
La peur. Je réalise tout à coup que je la refuse. Elle n’est pas à moi. Ce sont les autres qui me l’ont tricotée. Les gens aiment vous contaminer de leurs angoisses sans vous demander si vous avez envie de vous les trimballer.
Ai-je le droit d’être spectatrice de moi-même sans tout comprendre ? Écrire ma honte au lieu de la taire ? La honte, c’est comme les peurs, ce sont les autres qui vous en habillent.
Il a raison. Dans les années 1930, à plus de 100 mètres en scaphandre, avec une remontée sans palier, on finissait au pire en caisson de décompression, au mieux à la morgue. Je le laisse poursuivre :
- Ce mec, c’était un Recco, un tueur fou complet, il purge perpète dans une prison de Haute-Corse, à Borgo, il fait partie d’une famille de criminels de Propriano, tous des tueurs. Mais on s’en fout, ce qu’il faudrait découvrir c’est comment ce mec arrivait à descendre à 100 mètres sans faire de palier et sans aucune séquelle ! Y a un dossier pour vous là, non ? Si ça peut vous aider, il a fait aussi partie de la Calypso avec Cousteau.
Sur la même page, je peux avoir une recette d'aubergines à la bonifacienne, le courrier des lectrices de "Femme Actuelle" et, en pleine réunion Tupperware, surgissent Paul Verlaine et ses vers puissants. C'est déstabilisant.
Esclave et maître de sa solitude. Dans son coeur, il y a une porte vers l’au-delà. Il y puise son énergie spirituelle pour apaiser l’agitation du monde. Le monde qui s’écroule sous le bruit meurtrier de l’inutile. Ce monde qui boit la tasse dans sa propre salive.
Le bonheur n'est jamais toute une vie. Il est un instant qui a l'impolitesse de s'éteindre.
Ce n'est pas rien, un fils, dans une vie. C'est un arbre humain planté. Qui poussera de ses propres branches grâce au soleil que l'on voudra bien lui donner.