Trois entrevues en solo et en rafale avec des auteurs autour d'un même sujet: un livre né de la pandémie. le contexte de crise sanitaire dans lequel nous vivons depuis mars 2020 a incité certains auteur·rice·s à plonger dans la création. La pandémie nous a au moins offert ceci de bon: le temps et l'espace pour réfléchir. Francine Ruel (Le promeneur de chèvres), Patrice Godin (Toutes les vies possibles) et Alec Castonguay (Le printemps le plus long) ont écrit des livres en pandémie et discuteront de leur création. Animation: Isabelle Lacasse.
Avec:
Francine Ruel, Auteur·rice
Patrice Godin, Auteur·rice
Alec Castonguay, Auteur·rice
Isabelle Lacasse, Animateurrice
Livres:
Toutes les vies possibles
Le Promeneur de chèvresLe Printemps le plus long - Au coeur des batailles politiques contre la COVID-19
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#slm2021
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De son père aimant, elle avait appris les mots qui informent , qui divertissent. qui font du bien; de sa mère, ceux qu’on lance comme des roches, en visant pour être certain d’atteindre et de blesser cruellement sa cible.
(p.25)
Elle trouva une citation de Douglas MacArthur: « On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années. On devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau. Renoncer à son idéal ride l’âme. »
(p.67)
J’avais toujours peur de ne pas avoir le corps qui plairait. Jamais le bon. Je n’étais pas la seule à m’adonner à ce sport extrême. Je crois fermement que la plupart des filles agissent de la sorte, et à tout âge. Nous ne sommes jamais adéquates. Pas assez grandes, pas assez minces, pas assez ceci ou cela. On en prend l’habitude dès l’âge tendre, alors qu’on ne devrait se soucier que de notre intelligence, de nos aptitudes, et s’efforcer de jouer, de jouir de la vie et de rire tant qu’on peut. Tout est constamment passé à la loupe. La taille, le galbe du mollet, les genoux cagneux, le système pileux. Les yeux pas assez grands, les mains qui le sont trop, elles. Ça va jusqu’aux cils pas assez fournis, aux lèvres pas assez pulpeuses, au nombril trop creux, aux pieds trop longs… et j’en passe.
Bonté divine! Qu’on se fait la vie dure.

Près d'une petite église anglicane à la belle architecture, j'ai constaté avec une certaine tristesse qu'un très gros érable s'était amusé à jouer les effeuilleuses. Le sol était jonché de feuilles. Une mer d'ocre, d'orangé et de rouge feu. L'érable géant avait fait son grand strip-tease durant la nuit - « Show time, show time ! » Je me suis demandé quelle était cette hâte à se retrouver tout nu. Bon! Oui, je sais... Ce n'est pas parce que je ne pratique plus la mise à nu que je ne me rappelle pas comment ça se passe. Mais il y a la manière. Pourquoi ne pas faire durer le plaisir d'un spectacle haut en couleur, une feuille à la fois, au lieu d'une mise à nu en une seule nuit? La manière rapide a tout pour tuer le mystère et le désir. Il faudrait plutôt une séance d'effeuillage de type mille et une nuits. Du grand art à la Lili Saint-Cyr. J'aurais aimé assister à une danse des sept voiles lascive qui n'en finit plus de finir. Tout autour, les arbres s'en donnaient à coeur joie dans un strip-tease langoureux et sensuel en se dénudant d'une bonne partie de leurs feuilles, Le vent doux de cette fin de septembre les y aidait. J'avais envie d'arrêter le spectacle. « On ferme, on ferme! La représentation est terminée. Gardez-vous-en pour demain et pour les jours suivants.» J'avais vraiment la hantise que l'hiver arrive trop tôt, n'ayant pas eu le plaisir de jouir des jours d'été et encore moins de ceux de l'automne.
La douleur est la seule présence de l'absent.
Et le pire, c'est que je n'avais absolument pas envie de faire marche arrière, de me débattre avec les raisons qui m'incitaient à le fuir. Je me sentais comme l'eau de la mer qui arrive contre un rocher et qui fracasse tous les doutes, toutes les peurs. Qui, dans un mouvement très doux, y glisse son corps fatigué: l'eau se retire un peu pour découvrir l'immuabilité du roc solide et n'a qu'un désir, s'y précipiter de nouveau pour s'ébattre dans un tourbillon joyeux, éclaboussé de rire. Et recommencer ce manège rempli de béatitude, encore et encore et encore.
Dans la vie, il n'y a pas que les malheurs qui vous tombent dessus. Parfois aussi - mais assez rarement, il faut dire -, les petits miracles s'empilent les uns par-dessus les autres, pour faire de votre journée un jour d'exception. Une première surprise c'est bien, deux c'est franchement mieux. À la troisième surprise agréable, on n'en croit pas ses yeux, mais quand le quatrième cadeau fait son apparition, et ce, la même journée, on se demande ce qu'on a bien pu faire pour mériter autant de bonnes choses du même coup et l'on tombe à genoux, excité et reconnaissant de tant de bonheur.
Alors, lorsque l’envie de batifoler nous prenait, tous les recoins devenaient propices pour abriter nos élans passionnés. La grange était mon lieu favori. L’odeur enivrante du foin, la chaleur ambiante, le matelas piquant – il faut l’avouer –, mais en même temps fort confortable, tout cela contribuait à rendre cet amour naissant des plus excitants, et le petit côté illicite qu’il revêtait était loin de me déplaire.Ça rajeunit l’âme et le cœur, ce genre d’exercices, surtout lorsqu’ils ont une saveur d’interdit.
Une fois débarrassée des angoisses de la nuit, je me suis séchée vigoureusement pour me donner un peu de courage. [...]Ce matin-là, la rugosité de la serviette allait agir comme un gant de crin. Toutes les filles savent qu'une peau frottée avec ardeur redonne de la vitalité. [...]J'avais tout à fait besoin d'être fortement revigorée, J'y allais donc avec fougue en me passant la serviette rugueuse sur le corps. Je n'y allais pas de main morte, je courais après mon souffle.
Ça doit être ça quand on prête sa maison à des gens; ils s’installent, comme on le leur a suggéré, un peu comme s’ils emménageaient pour une plus longue période que prévu. Je m’entends encore leur dire, avec insistance, en plus: «Faites comme chez vous!» Et c’est ce qu’ils ont fait. Ils ont pris leurs habitudes. Ils ont déplacé tout ce qu’ils considéraient être à la mauvaise place.