Rencontre avec Francis Martin autour de son ouvrage "Sous la forêt : pour survivre il faut des alliés" aux éditions Humensciences.
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C'est une belle journée d'automne dans l'immense forêt domaniale de Bousson sur le piemont vosgien. Je remonte le sentier sinueux vers la source de la Vezouze, émerveillé par la sombre beauté de cette profonde vallée de sapins piquetée de l'or flamboyant des hêtres et des bouleaux.
Se représenter le flux permanent de communications échangées entre les millions de radicelles d’un chêne centenaire et ses centaines d’espèces symbiotes est vertigineux. Créer une symbiose ne va pas de soi. Faire dialoguer un arbre et un champignon, deux organismes appartenant à deux royaumes de la vie, suppose qu’ils trouvent un langage commun. Puis, une fois que la communication est établie, que des signaux sont échangés entre les futurs partenaires, racines et filaments fongiques doivent s’associer pour construire une maison commune et la faire fonctionner. Mieux comprendre le fonctionnement de ces symbioses mycorhiziennes est un réel challenge pour les microbiologistes, mais ces recherches devraient nous permettre, un jour lointain, de développer une sylviculture plus respectueuse de l’environnement.
Chacun de ces arbres est plus qu'un. Ce sont des arbres mondes. Ils hébergent dans leur frondaison une myriade d'animaux. Sur leurs écorces s'incrustent des lichens et des mousses et, sur leurs racines, des champignons et des bactéries se multiplient en abondance. Ils forment une communauté, un "holobionte" (du grec holos, "tout", et bios, "vie"), semblable au microbiote intestinal, le peuple des bactéries de nos intestins.
Bien que discrète, cette activité des champignons décomposeurs, transformant le bois en humus assimilable par les plantes, est un maillon indispensable de l’équilibre des écosystèmes forestiers. Sans ces êtres microscopiques, la planète serait submergée sous les débris végétaux et plusieurs éléments minéraux manqueraient pour soutenir la croissance continue des plantes.
Les décomposeurs, que j’appelle aussi les fossoyeurs, sont des champignons qui se nourrissent des arbres morts, des détritus végétaux tombés au sol (comme les feuilles, les branches et les brindilles), mais aussi des cadavres d’animaux. Leur rôle paraît ingrat, mais il est tout aussi important que celui des champi- gnons mycorhiziens, tels les bolets et les amanites ; ce sont des symbiotes mutualistes qui forment une guilde de prospecteurs, de mineurs et de marchands. Leurs réseaux souterrains, ancrés dans les racines des arbres, explorent le sol et la litière à la recherche d’éléments minéraux qu’ils transportent et transfèrent à leur plante hôte, en échange de sucres. Ils stimulent ainsi la croissance des arbres. À l’inverse, les champignons parasites infectent les plantes et s’en délectent sans vergogne, pouvant parfois tuer leur hôte sur pied tant ils sont voraces.
La symbiose mycorhizienne n'est pas seulement formée de la petite racine de l'arbre prolongée par son immense réseau de filaments mycéliens. Au cours de leur partenariat immémorial, racine et champignon ont développé un organe chimérique très complexe. Des filaments mycéliens s'enchevêtrent à la surface de la racine, puis s'agglomèrent autour de la petite racine avant de l'enrober entièrement d'un manchon dense de feutrage mycélien.
La forêt est en perpétuelle évolution; elle naît, s'épanouit et disparaît. Elle est l'objet d'invisibles, mais inexorables changements.
Les champignons dont le nom débute par Q sont eux aussi d'une exceptionnelle rareté. Après un examen minutieux des multiples guides de champignons qui sommeillent sur les étagères de mon bureau, je suis ravi d'avoir déniché la quélétie...admirable! Aurai-je le bonheur de la découvrir un jour émergeant d'un tas de sciure?
Le pacte secret du monde des arbres et de celui des champignons est le gage de survie de nos forêts.
Pour apprendre à mieux connaître ces êtres ligneux, je vous propose un sentier peu fréquenté, celui qui, serpentant dans le sous-bois, nous permettra d'épier les divinités, les dryades, qui dansent autour des grands arbres.