C’est sûr, quand je débarque dans une soirée avec mes histoires de croque-mort, ça détonne, ça fait un appel d’air, mon récit agrippe toujours deux-trois personnes, le récit enfle à la mesure de l’intérêt qu’elles me prêtent, les questions ne tardent pas, les langues se délient, les zones d’ombre s’éclaircissent, je me sens à nouveau ragaillardi. Parler de mort, c’est un peu comme parler de cul, ça intéresse tout le monde, surtout en fin de soirée.
Les jours où j’avais surmonté une intense trouille, j’étais aussitôt parcouru, le soir même, en rentrant chez moi, par une vague de chaleur dans tout le corps, qui m’obligeait à relever la tête et à brûler les émotions de la journée écoulée. J’avais faim, j’avais soif, je n’avais pas besoin d’allumer la télé, j’étais seul, j’étais vide, j’étais plein – à craquer, tout au bord, à côté. Je me disais alors à moi-même : C’est comme si tu te shootais aux obsèques. Je ne sais pas si c’est une drogue dure, mais, à un moment donné, j’ai senti qu’il fallait que j’arrête, c’était trop fort.