Janvier 1960, le sous-lieutenant André Leguidel, pétri d’illusions et d’ambition, va enfin connaître l’action. Finie la paperasserie dont il s’occupait dans les bureaux du renseignement militaire à Fribourg, il est affecté en Algérie. Leguidel est un appelé, insouciant il n’attendait que cela, voir du pays et combattre, crapahuter dans le djebel à la poursuite de rebelles en fuite, défendre les valeurs de la France face aux rouges. Il était temps, la guerre touche à sa fin.
André Leguidel a une expérience dans le renseignement, il est donc choisi pour une mission très particulière : un officier français a été tué, pour l’état-major pas de doute l’assassin est le Sergent-chef Mohamed Guellab. Leguidel, reclassé simple radio pour l’occasion, est affecté dans la section commandée par Guellab pour recueillir des preuves ou seulement un témoignage accusant le sous-officier. Il n’y aura pas de procès, Guellab sera exécuté car il s’apprête certainement à passer au FLN.
Le Sergent-chef Guellab commande une section du 12ème Régiment d’artillerie constituée de harkis, de pieds-noirs et d’appelés venus de France métropolitaine. Cette section est en fait un commando de chasse chargé de recueillir des renseignements et amené à combattre en première ligne. François Muratet fait le récit très visuel d’une guerre, avec la discipline, les embuscades, les armes, les morts, l’appui aérien, les hélicos pour évacuer les blessés, l’artillerie, les paras, les marsouins, le tout dans des paysages minéraux, presque lunaires. François Muratet fait le récit d’une sale guerre avec la torture pour recueillir des renseignements, des gens ordinaires qui violent et exécutent, des harkis maltraités dans leur propre camp et qui craignent encore plus les fells, une jeunesse française privée de ses belles années et qui ne comprend rien aux discours du Général-Président parce qu’ils ne veulent rien dire. François Muratet parle d’êtres humains ordinaires obligés de s’entretuer alors qu’ils ont parfois travaillé ensemble en France, dans les mêmes usines. Ils se connaissaient, s’appréciaient avant de devenir ennemis dans une guerre folle.
Mohamed Guellab est un bon combattant, un chef respecté, exigeant avec ses hommes. « Tu dormiras quand tu seras mort » dit-il à Leguidel alors qu’il s’était endormi, harassé par une longue marche en portant le lourd matériel radio de la section. L’Honneur est un sentiment qui compte beaucoup pour ce Sergent-chef. La Fidélité est source de tiraillements. François Muratet reste objectif, dans ce conflit, il y a eu le bien et le mal. L’histoire familiale du jeune Leguidel durant la seconde Guerre mondiale fait écho à cet antagonisme qui fait la grandeur et la bassesse des hommes.
François MURATET – Tu dormiras quand tu seras mort. Parution en mars 2018, Éditions Joëlle Losfeld. ISBN 9782072764271 .
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