Dans l'ombre des Jasmins - Franzo Pizarro [Résumé et processus de publication]
Avec lui à ses côtés, les ombres dans son esprit s’effaçaient jour après jour. Tyler était la guérison de son âme. Il était son tout.
Ils se regardèrent plus sérieusement et cessèrent de bouger, pris au piège de cette réalité dramatique qui les ramenait directement sur terre après cette aparté euphorique. Il n’y aurait pas d’accolades. Jamais. Tyler était mort. Tyler était un fantôme.
Il adorait ce lien spécial qui s’était très vite tissé entre eux. Un lien puissant sur lequel les mots n’avaient pas d’emprise, si unique que rien ne réussirait jamais à le détruire.
Pourtant, les gamins livrés à eux-mêmes qui rêvaient d’intégrer une famille, hétérosexuelle ou constituée de parents du même sexe, étaient légion. Mais leur bien-être réel passait après le bien-être pensé et appliqué à leur place par la législation en vigueur.
Les yeux hagards, pendant de longs moments, ils restaient ici, assis sur un banc ou en fauteuil roulant, dans un silence absolu, telles des statues de marbre. Parfois, une soignante ou un autre membre du personnel passait devant eux et un sourire s'arrachait de leurs visages perdus dans les méandres du néant. Cependant, les sourires n'étaient que rarement rendus, tant les pas des personnes étaient précipités et désintéressés. Les petits vieux retournaient alors à leur vide personnel, à attendre, toujours attendre...
Quand ce n’étaient pas les mines attristées et accusatrices quant au fait qu’il était élevé par deux mamans, sans aucun père dans sa vie, c’étaient à celles dérangées et apeurées par sa cicatrice qu’il devait faire face.
Le premier véritable ami qu’il se faisait dans la vie était un revenant. C’était sans doute mieux que rien, peut-être même que c’était un bon début, quand on part d’absolument nulle part...
Je me sentais bête. La situation et mon comportement étaient bêtes. Finalement, tout venait de se jouer en quelques minutes. En m'intéressant à elle et en prenant le temps de lui parler, nous avions brisé la glace, si bien que, dès le lendemain, elle faisait comprendre à tout le monde que personne ne devait nous déranger lors de mon passage de distribution d'eau dans sa chambre.
Concrètement, les résidents ne faisaient pratiquement rien de leur journée et ça me peinait beaucoup pour eux. Surtout pour les gens qui avaient toute leur tête en arrivant ici et qu'on laissait tomber par manque de temps et de moyens, ou, pire encore, d'envie. La vitesse avec laquelle leur état pouvait se détériorer à la suite de notre inattention était fulgurante.
Ma vision s'arrêta quelques instants sur les résidents. La plupart des visages respiraient le découragement et l'ennui ferme et mon ouïe fut instantanément perturbée par le silence qui pesait dans la pièce. Ce fut comme si le temps s'était figé sur place. Le contraste avec l'extérieur me prit aux tripes.