Les animaux ne sont pas comme les humains, ils ne se posent pas tant de questions. Parce qu'ils savent que sans se poser de question, on vit beaucoup mieux.
Et tandis qu'il s'abandonnait à la caresse de ces doigts verts, Andy pensait que l'homme est fait pour les belles choses. Il est fait pour les toucher, comme toutes les choses qui doivent être touchées pour qu'on les connaisse. Et si Andy ne pouvait pas le faire avec les mains, alors il le ferait avec les yeux. Toucher avec les yeux. Parce que c'est beau aussi comme ça.
- Comment il s'appelle ?
- Qui ? demanda Dario.
- Lui. Comment il s'appelle ?
- Pourquoi vous ne le lui demandez pas ?
- Il sait parler ?
- Bien sûr. Il est handicapé. Pas débile.
Il aimait la mer. Il l'aimait parce qu'on ne peut jamais la mettre en cage. On ne peut pas lui donner de frontières, car la mer entourait la Terre de son immensité. La mer, tu ne peux pas la mettre en cage.
- Sûr ! dit l'homme en ricanant. Je n'en avais jamais vu un de près. L'un d'entre eux, je veux dire. C'est la première fois.
- Qui eux ? Mais de quoi vous parlez ? demanda Dario.
- Bon dieu, eux, ceux comme lui ! Comment on les appelle...
Les handicapés ? C'est ça le mot que tu cherches ? Les estropiés ? Les gens bizarres ? En même temps, ce n'est pas de ta faute. Il y a cent ans, les "estropiés", on les voyait seulement dans les cirques, avec les bêtes féroces et les animaux rares. On les appelait des créatures de divertissement.
Une personne, comment elle est, on le voit à ses yeux, à la façon dont elle te regarde. Dans les yeux, tu arrives à voir un tas de choses. C'est peut-être pour ça que quand quelqu'un a quelque chose à cacher, il baisse les yeux.
La mer rend tout léger, même l'âme. C'est pour ça que ceux qui vivent au bord de la mer vivent plus longtemps.
- Fais attention, c'est bien. Voilà. Tu es doué, tu sais, avec les animaux.
Dario sourit.
- Meilleur avec les animaux qu'avec les gens.
- Oh, il n'y a pas beaucoup de différence, dit la soeur. Les gens aussi sont des êtres fragiles. Eux aussi se cassent les ailes, de temps en temps.
C'est une sensation étrange que de répéter une action, toujours la même. Au bout d'un moment, l'action disparaît et ce qui reste c'est seulement sa répétition, cyclique, constante, comme un mantra, comme une rengaine, comme une berceuse qui te calme et te fait sentir bien.
Il y a toujours quelque chose qui va de travers, et personne ne sait jamais pourquoi. Il suffit d'un rien, un geste, un mot, il suffit d'un rien, et tout fout le camp. Ce n'est pas toi qui décide, c'est le destin.