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Critiques de Geneviève Haroche-Bouzinac (14)
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Louise Elisabeth Vigée Le Brun : Histoire d'u..

J'ai mis longtemps à lire ce beau livre, ce qui ne m'est pas habituel.

Geneviève Haroche-Bouzinac réussit à captiver sa lectrice avec un texte très détaillé, très précis historiquement, et où défilent des dizaines de personnages et des dizaines de villes. Car la vie de Louise Elisabeth Vigée le Brun est un voyage extraordinaire à travers son siècle et à travers l'Europe.

Louise Elisabeth est une peintre de génie, et elle est parvenue à exprimer son talent, fait rare pour une femme. Elle doit cette chance à un père Louis Vigée, lui-même peintre, homme charmant, très talentueux et suffisamment ouvert d'esprit pour accepter et encourager les dons de sa fille. Il l'a engendrée deux fois, donc. En tant qu'enfant et en tant que peintre. Ensuite, son mari, Jean Baptiste Pierre le Brun, marchand d'art, bel homme brillant mais volage, posséda au moins l'immense qualité de la laisser libre d'exercer son art, sa profession ...Considérant aussi l'argent que pouvaient lui rapporter les chefs d'oeuvre de son épouse...

Louise Elisabeth, on le sait, fut la portraitiste de Marie-Antoinette, la seule, d'après ses contemporains, à réussir à la "saisir" par le pinceau. Quand la révolution éclate, dès 1789, l'artiste, hypersensible, se rend compte des dangers qui la menacent, et s'exile. Nous la suivons, avec sa fille Julie, en Italie, à Vienne, à Berlin, Saint-Petersbourg, Moscou. Puis retour à Paris, et Londres, la Suisse, la France. Elle sème dans toutes les cours d'Europe de magnifiques portraits.

Tout m'a intéressée dans cette histoire : la personnalité de Louise Elisabeth, que l'auteure n'interprète pas, mais nous laisse imaginer à partir de faits, de lettres, de ses mémoires parfois idéalisantes, de témoignages. Apparaît une femme gaie, très belle, spirituelle, très XVIIIème, aimant la conversation, les salons, l'esprit, l'art (elle se morfond en Angleterre où les hommes et les femmes sont séparés lors des réceptions, et où ils ne discutent pas entre eux de sujets d'actualité...), mais aussi une artiste tourmentée sur sa valeur, pour qui chaque tableau est une remise à zéro des compteurs, jamais satisfaite, ayant ses "noirs" (nous dirions ses ombres, ses ténèbres), ses "tristes", ses doutes. Aimant obsessionnellement la peinture, visitant tous les musées, toutes les églises, tous les châteaux qu'elle rencontre sur son long chemin pour contempler des toiles, des toiles, des toiles...Ne pensant qu'à ça, en fait, comme tout bon génie. Et peut-être le payant en ne sachant voir, dans sa fille comme en tout, qu'un sujet de tableau...Julie souffrit certainement, et le rendit à sa mère. Son destin est cruel.

Ses rencontres sont aussi extraordinaires : de Marie-Antoinette et ses enfants, Louis XVI et ses deux frères, qu'elle fréquentera en exil, toute la noblesse européenne en Italie, les Habsbourg à Vienne, les princes allemands, un feu d'artifice en Russie : Catherine de Russie, le tsarévich fou Paul, son petit fils Alexandre, la grande duchesse sa femme, les comtes Tolstoi, Rostopchine etc...Et elle ne fait pas que les voir, elle les rencontre, les peint, les fréquente. de retour à Paris, elle rencontre madame Récamier, Joséphine Bonaparte vient visiter son atelier (elle la connaissait déjà) etc...En Angleterre, le prince de Galle. Puis madame De Staël et Benjamin Constant peinant sur son Adolphe...Et dans son salon vers 1825, une soirée réunit Chateaubriant, Louise Colet, Marceline Desbordes-Valmore et ...Balzac. du bien beau monde !

Une vie passionnante, donc, avec des chagrins, causés notamment par sa fille, son mari, son frère.

Vraiment, un livre passionnant qui vaut le détour, si vous avez le goût des biographies et de cette époque terrible et riche.
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Louise de Vilmorin

Grand prix de la biographie 2020 De l'Académie Française, ce livre retrace la vie Louise de Vilmorin, femme de lettre, romancière née en 1902.

Petite fille peu aimée par sa mère, elle prit une revanche sur son enfance en côtoyant tout le gratin du XXème siècle.

Saint-Exupéry sera amoureux d'elle.

André Malraux, aventure de jeunesse, qu'elle retrouvera au crépuscule de sa vie.

Jean Cocteau, son grand ami, son presque frère lui écrira "mais je ne savais pas que vous aviez du génie ; je vous adore".

Elle blessa Gaston Gallimard.

Elle fut l'amie, puis l'ennemie puis de nouveau l'amie de Coco Chanel.

Elle hébergea Orson Welles.

Elle pris sous son aile Azzedine Alaïa.

Son amant puis son ami le plus fidèle fut Jean Hugo le petit-fils de l'écrivain.

Elle fut très liée à ses frères.

Elle n'éleva pas ses trois filles.

Grande amoureuse, volage, inconstante, on ne peut plus faire le compte de ses amants.

Cette biographie, parfaitement documentée, rend compte de cette femme faite de paradoxes, de failles et qui, manquant de confiance en elle, avait besoin de briller.

L'écriture est soignée et le récit illustré de nombreuses citations.

Une lecture passionnante et enrichissante sur un monde révolu et sur une femme qui aura eu des difficultés avec le bonheur.
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Louise de Vilmorin



Geneviève Haroche-Bouzinac ressuscite Louise de Vilmorin, à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition, en marge de l’exposition à la Maison de Chateaubriand.

Elle retrace son riche parcours (1902- 1969), étayé par une documentation imposante, enrichie de photos (insérées au milieu) qu’il est souhaitable de consulter avant la lecture.(1) La biographe a pu accéder à maintes sources inédites ( lettres, carnets, témoignages de ceux qui l’ont connue, entretiens...)

Saluons l’initiative d’insérer en fin d’ouvrage l’arbre généalogique si vaste ainsi qu’une chronologie très détaillée depuis ses ancêtres en 1774 jusqu’à 1972.



Ceux qui jardinent connaissent sûrement l’entreprise familiale, la maison grainière et son catalogue Vilmorin-Andrieux.



Mais que connaît-on de Louise, la femme de lettres, romancière et poétesse, « icône de la mode » ? Cette « étrange ondine » dont les yeux changent de couleur selon son interlocuteur !



L’auteur retrace l’enfance de Loulou.

Grande fratrie, un père qu’elle adore mais peu présent et une mère qui ne semble pas la comprendre, ou la connaître, ce qui fait dire à la biographe : « Pertes, disparitions se gravent dans la mémoire de l’enfant. Sa relation avec Mélanie (sa mère) ne s’établit que sur le mode de la frustration et de l’injustice. » A cela s’ajoute le sentiment d’être rejetée par une de ses grand-mères.

Son enfance a été marquée par la crue de la Seine de 1910 qui oblige la famille à quitter le quai d’Orsay. Parents et enfants vont se trouver un temps séparés.

Faute d’amie, elle choisit comme compagne une poupée, Lili, avec qui elle peut parler. Ce sera le drame quand sa mère l’offre à une autre fillette, méconnaissant la vie affective de sa fille. Grande solitude et manque d’affection évidentes. Vient s’ajouter sa maladie qui la cloue des mois au lit et dont elle gardera une boiterie.



Son éducation est assurée comme celle de ses frères et soeur par les nounous, les gouvernantes, un précepteur, l’abbé Tisnès. Les enfants Vilmorin bénéficient de nombreuses lectures dont les contes qui les fascinent. En exergue, l’interjection de l’abbé : «  Pimporte » que Louise se plaisait à employer. Avec son successeur, elle connaît les brimades.



Très tôt, elle maîtrise l’anglais, l’allemand. En 1915, elle passera quelques mois à Londres pour retrouver son père ambassadeur, qui hélas décède en 1917.



Après une enfance chaotique, un désert affectif maternel, sa vie amoureuse connaît des remous. Ses fiançailles avec St Exupéry sont éphémères. Mariée à l’Américain Henry Leigh-Hunt, souvent absent, elle souffre du mal du pays, et dépérit. « Vie grise sous un ciel toujours bleu », confie-t-elle. L’abbé Mugnier lui conseille d’écrire, de s’évader par la plume pour tromper son ennui.



Son retour en France lui permet de rencontrer des personnes influentes. Elle multiplie les aventures. Le couple bat de l’aile, trois enfants sont nés de cette union, mais la séparation se profile, le divorce prononcé, elle perd la garde de ses filles.



Louise doit alors encore faire face à des disparitions tragiques, accidentelle pour celle d’Antoine de Saint Exupéry, « le magicien de son adolescence, un ange noble, un héros ».



Elle côtoie toute l’intelligentsia de l’époque (familles princières, une pléiade d’écrivains : Cocteau, Roy...), reçoit tout un aréopage de sommités, fréquente les soirées de la « Café Society ».

Certains offrent l’hospitalité à celle qui est alors sans le sou (Jean Hugo, la comtesse Elisabeth de Breteuil, Paul-Louis Weiller, Duff Cooper  …)

Pendant la guerre, c’est à l’ambassade de France à Budapest qu’elle trouve refuge, à l’automne 43.



A la sortie de son premier ouvrage, ses talents de plume seront encouragés par Malraux, et aussi par Antoine de Saint- Exupéry, qui lui prédit même le Femina. On ne tarit pas d’éloges sur «  cette comète apparue dans le ciel des lettres ». Poulenc lui commande des poèmes musicables. Ses publications préfacées par Déon, Nimier, rencontrent un succès éditorial.



Au cours de ses fréquentes invitations, réceptions elle croise le comte Pàlffy, tombe sous le charme de ce magyar, l’épouse. Si elle vit dans une certaine aisance au château de Pudmerice, les siens lui manquent. Elle ne cesse de voyager entre les deux pays, ce qui se complique lors de l’invasion allemande. Son domaine de Verrières est en partie occupé.

Dans son recueil de poèmes Sable du sablier, elle évoque ce perpétuel entre-deux.

Un autre comte lui tourne la tête, Tommy, comte Esterhàzy, une liaison adultérine qui conduit à une nouvelle séparation pour Louise. Son inconstance est hélas, « source de tous ses malheurs ».

Elle s’entiche ensuite de Duff Cooper, ambassadeur du Royaume-Uni.



Après toutes ces turpitudes, on comprend mieux pourquoi elle avait adopté la devise «  Au secours », et se définissait comme « inconstante, je suis fidèle ».

Très attachée à sa fratrie, elle avait pris pour emblème le trèfle symbolisant ses frères.

Poulenc constate qu’elle aime d’amour ses frères et fraternellement ses amants. »

Ainsi on note son immense dévouement de garde-malade ( en 45-46) au chevet de son frère André, hospitalisé dans un sanatorium. C’est là qu’elle écrit « Le retour d’Érica ».

La mode va faire appel à Louise pour des articles, elle devient « une référence en matière de chic », s’habille en Chanel, travaille avec des artistes créateurs. Robert Laffont l’engage comme directrice de collection. Elle se fait scénariste pour Louis Malle qui adapte Les Amants en 1958. Elle traduit un roman de Duff Cooper dont la disparition lui laisse un vide incommensurable.



D’autres personnes et d’autres lieux ont compté pour elle.

A Alpbach , en Autriche, elle s’astreint à une discipline de fer. Sa poésie transpire ses états d’âme, elle excelle dans le jeu avec les lettres de l’alphabet et compose des vers à lire à voix haute pour en déchiffrer le sens : « G AC CD ME OBI », LEJFMT ». Suivra l’admirable florilège intitulé L’alphabet des aveux composé de calligrammes, de palindromes, des « fantaisies » illustrées par Jean Hugo. Poèmes qui nécessitent un décodage que Geneviève Haroche-Bouzinac nous livre.



A Séléstat, elle trouve refuge à « La Lieutenance » où elle écrit, corrige et publie, en 1950 – 1951,des œuvres majeures dont Julietta, Madame de et un long poème symphonique.

Elle noue une tendre complicité avec Roger Nimier qui lui prodigue des conseils.

Avec Orson Wells, la « divine girl » travaille sur un scénario, une adaptation de Karen Blixen.



L’éditeur Seghers admire «  la princesse des mots », l’aime et aura à coeur de sublimer son talent.

Il la place sur un piédestal, lui déclare son amour en chanson. Elle est pour lui « une merveille, un enchantement, une magie ». Ils s’écrivent en vers. Il est un des rares à l’avoir comprise.



Quant à son éditeur Gaston Gallimard, envers qui elle se sent redevable, il lui aura hélas appris « les désespoirs amoureux ». Il reste ce jeu de mots célèbre de Louise : « Je méditerai, tu m’éditeras ».



C’est en 1955 qu’elle obtient un prix d’envergure : le Prix Pierre de Monaco.

Une consécration littéraire doublée du grade de Chevalier de la Légion d’Honneur.





Jean Chalon, tout jeune journaliste au Figaro, un de ses favoris, a eu le privilège de fréquenter cette égérie lors des rencontres qu’elle donnait dans le salon bleu.

Le diariste consignait ses anecdotes dans son journal. Guy Béart y chantait.

Jean Chalon, « son page, » ( en photo au centre du livre) qui a tissé avec cette grande dame charitable une forte amitié, la définit comme « une épistolière incomparable et une Sévigné du téléphone ». Et il contribue à forger sa légende en évoquant son nouveau rôle de « Marilyn Malraux ».(2) Comme lui, on s’interroge : A-t-elle vraiment été heureuse?





En toile de fond défile une fresque historique, dense, des grands évènements qui ont secoué la France et l’Europe ( Le Vél’d’Hiv, le deuxième conflit mondial, la libération de Paris,…). Sont évoqués les dirigeants (De Gaulle, Pompidou, Churchill...). « Une époque assoiffée de tragique » pour Poulenc.



Si on devait objecter un bémol, ce serait l’avalanche de notes qui casse le rythme de la lecture.



Geneviève Haroche -Bouzinac livre un portrait foisonnant de Louise de Vilmorin, qui la révèle sous des facettes très variées :Louise mondaine/Louise intime, femme libre, excessive, «  very sweet, enchanting », jalouse, autodidacte, croqueuse d’hommes, au pouvoir de séduction incontestable. Une foultitude d’amants. L’échec de ses deux mariages la rend malheureuse et lui fait dire qu’elle a tout raté. C’est avec Malraux et ses chats que « la reine de Saba » finit sa vie.

Avec émotion, avant de refermer cette biographie, on se recueille sur le banc du jardin de Verrières aux côtés de celle qui « voulait être un souvenir ».



Le récit est émaillé de nombreux extraits de l’oeuvre de l’écrivaine qui incitent à la lire, en particulier sa poésie, sa nouvelle Madame de ainsi que son journal.

Ce livre d’une richesse éblouissante, d’une ampleur époustouflante, dévoile avec brio le destin incroyable de Louise de Vilmorin. Une vie intense bien difficile à résumer en quelques pages. La biographe y décrypte avec minutie toutes ses publications.

« Absolument indispensable » pour Gérard Collard de La Griffe noire.



(1) Les photos en pages centrales méritent qu’on s’y attarde à nouveau une fois que l’on a pris connaissance de « la vie de bohème » de « cette reine des nomades ».



(2) In « L’avenir est à ceux qui s’aiment ou L’alphabet des sentiments » de Jean Chalon, à l’entrée « Louise ( de Vilmorin) ».
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Elisabeth Louise Vigée Le Brun

À travers plus de 150 oeuvres, le Grand Palais à Paris a rendu hommage en 2015 - 2016 à cette portraitiste virtuose en lui consacrant sa première rétrospective en France.



Elizabeth Louise Vigée le Brun, femme-peintre exceptionnelle est considérée comme un des plus grands portraitistes du 18ème siècle. Peu de femmes ont marqué la création artistique de leur temps comme Elisabeth Louise Vigée le Brun.

Née en 1855, fille du peintre pastelliste Louis Vigée, elle commencera tôt à peindre. Son père se rendant compte de sa sensibilité artistique lui dira : « Tu seras peintre mon enfant, ou jamais il n'en sera ».

À 23 ans, son talent de portraitiste lui permettra de devenir le peintre officiel de la reine de France Marie-Antoinette dont elle fera de nombreux portraits. Grâce à l'intervention de celle-ci, en 1783, l'Académie royale de peinture la recevra ce qui confirmera son appartenance officielle à l'élite artistique française.

Les vents mauvais de la révolution l'obligeront à s'exiler en 1789. Voyageant à travers toute l'Europe, de cour en cour, célèbre, elle ne cessera de peindre les grands de cette époque. Une star internationale...

En 1802, revenue en France, elle continuera à peindre jusqu'à son décès en 1842, âgée de 87 ans. Ses « Souvenirs », écrits durant les douze dernières années de sa vie, seront ses ultimes mémoires ou autobiographie qui pourrait être son dernier portrait.

Ce magnifique catalogue est très cher (je m'aperçois que le prix a même doublé sur Amazon...) mais il les vaut de par la qualité des commentaires et, surtout, des reproductions qui sont exceptionnelles.

Pour les admirateurs de cette jolie portraitiste de très grand talent.


Lien : http://www.httpsilartetaitco..
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Élisabeth Vigée Le Brun

Pour ceux et celles qui veulent avoir un condensé de la vie de l’artiste dans un livre au format plus facile à transporter, Les éditions Gallimard en partenariat avec RMN Grand Palais ont édité également un petit livre de 48 pages sous le contrôle de Geneviève Haroche Bouzignac, professeur à l’université d’Orléans et spécialiste du XVVIII siècle qui offre un premier aperçu dense et interessant de l’œuvre de cette immense artiste qui mérite inconstablement tous ces honneurs.



Bref, largement de quoi devenir incollable désormais sur cette grande peintre de nos têtes courronnées!!
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Louise Elisabeth Vigée Le Brun : Histoire d'u..

Un très beau livre, sur une femme d'entre deux siècles, le XVIIIème et le XIXème (1755-1842) et qui vécut aussi libre qu'il était possible de l'être à l'époque pour une femme, certainement pas une mince performance. Louise Elisabeth Vigée Le Brun avait conservé son nom de jeune fille (Vigée, celui de son père, artiste tendrement aimé et mort trop tôt) auquel elle se résolut difficilement d'accoler celui de son mari, Le Brun. Les femmes mariées de l'époque disparaissaient complètement derrière le nom de leur mari et l'on en trouve d'ailleurs encore trace aujourd'hui par l'usage en France où j'ai toujours été extrêmement étonnée d'entendre des femmes se disant "féministes" se déclarer par ailleurs "fières" de porter le nom de leur mari...

Vigée Le Brun est, pour le raccourci, la peintre associée au nom de la reine Marie-Antoinette, de funeste mémoire. Née d'une famille de paysans du côté de sa mère et de modestes bourgeois du côté de son père, Louise Elisabeth, chérie par son père et largement délaissée par sa mère, qui n'avait d'yeux que pour son petit frère Etienne, apprit les premiers rudiments de son art auprès de son père et se forma ensuite essentiellement grâce aux conseils de divers maîtres et par son observation des toiles de ses artistes préférés. En tant que femme en effet elle n'eut pas accès à la même éducation artistique que ses confrères masculins (ainsi elle ne put jamais accéder au classes de peinture de modèles dénudés, ce qui lui créa quelques lacunes dans les représentations un peu plus précisément anatomiques du corps humain). Mais très tôt, elle n'était encore qu'une jeune adolescente, ses dons exceptionnels furent remarqués et assez vite sa gloire et sa clientèle se construisirent grâce à des commandes royales ou princières, dont bien entendu celles des divers portraits de Marie-Antoinette, seule ou avec ses enfants.

La révolution française contraignit Vigée Le Brun à fuir la France par crainte de la guillotine. Non pas que celle-ci eut jamais exprimé haut et fort des opinions politiques contre-révolutionnaires mais bien parce que son nom était indissolublement associé à celui de Marie-Antoinette. De fait Vigée Le Brun fut royaliste et nostalgique de l'Ancien Régime jusqu'à la fin de sa vie, même si, à maintes reprises, elle avait relevé la morgue de l'aristocratie à son égard. On a l'impression que Mme Vigée Le Brun a voulu rester loyale à ceux qui furent à l'origine de sa gloire et que, assurément, l'art de "retourner sa veste", qui caractérisa son frère, un poète et écrivain raté, lui était totalement étranger...

L'exil de Vigée Le Brun dura une douzaine d'années, et l'emmena en Italie, à Vienne, en Russie, en Allemage, en Pologne, accompagnée de son unique fille, Julie, qui était encore une enfant à l'époque où elles quittèrent la France.

Vigée Le Brun est un bel exemple de "résilience", selon le terme actuellement à la mode: le manque d'attention de sa mère l'incita probablement à développer ses talents, pour plaire à son père. Et ses voyages forcés constituèrent finalement l'époque la plus passionnante de sa vie. Cette vie d'errance lui forgea un caractère, développa sa culture (elle n'eut pas droit à une éducation aussi soignée que celle prodiguée à son frère) et surtout l'établit définitivement comme une femme forcément indépendante, dépendant de sa peinture pour vivre, n'hésitant pas à capitaliser sur sa renommée, osant - c'est admirable pour une femme, encore aujourd'hui - demander des prix élevés pour les centaines de portraits qu'elle peignit dans sa vie.

Des hommes de sa vie on ne sait finalement pas grand-chose et d'ailleurs, peut-être, n'y eut-il jamais grand-chose à en dire. Son grand amour fut sans aucun doute son père, disparu accidentellement bien trop tôt. Son mariage avec Jean Baptiste Pierre Le Brun, un marchand de tableaux, fut davantage une union servant les intérêts mutuels des époux (surtout de Jean Baptiste Pierre dont les mauvaises affaires l'amenèrent fréquemment à réclamer de l'argent à sa femme) qu'un mariage d'inclination. Avant même sa fuite de la France qui la sépara de nombreuses années de sa famille restée en France, les époux avaient déjà des vies nettement séparées et des cercles d'amis distincts. Tout au plus lui a-t-on connu des affections particulières pour certains hommes, comme le Comte de Vaudreuil, mais Louise Elisabeth entendait conserver une réputation aussi immaculée que possible afin de maintenir son activité et sa vie indépendante. Aussi sans doute savait-elle confusément - erreur que sa propre fille n'évita pas pour sa part - que son origine sociale lui interdisait de rêver à l'amour véritable et reconnu auprès de l'un ou l'autre de ces aristocrate et ce même après que son mari (dont elle demeura proche en affaires toute sa vie) eut divorcé d'elle pour préserver leurs biens de la confiscation après la révolution (ce divorce fut d'ailleurs aussi une libération pour Vigée Le Brun, dont le sort matériel ne fut plus nécessairement lié à celui de son dispendieux mari).

A son retour en France, Vigée Le Brun vécut entre nostalgie de l'Ancien Régime et nouveaux voyages, d'affaires (Londres) ou d'agrément (Suisse où elle s'essaya à la peinture paysagiste, préfigurant dans l'esprit les impressionnistes). Toute sa vie elle tint salon et un salon dont la réputation était grande. Elle y conviait surtout des artistes, confrères avec lesquels elle se sentait souvent plus en harmonie qu'avec ses aristos de clients même si certains d'entre eux devinrent des amis proches, les plus originaux aimant à s'encanailler à fréquenter des artistes à ses soupers, bals ou dîners...

Au total une vie "d'honnête femme" qui fit carrière à une époque où les femmes n'avaient d'existence, juridique et matérielle, que par leurs maris et où le mariage, précisément, avait pour résultat de confiner désormais leurs talents à la sphère privée. Sans doute Vigée Le Brun eut-elle la chance d'avoir un mari qui, loin de décourager, incita au contraire son épouse à déployer son activité, il y allait de son intérêt de marchand de tableaux, mais la personnalité, joviale mais que l'on devine inflexible jusqu'à la limite de la dureté (son attitude à la fin de la vie de sa fille) de celle-ci fut sans doute pour beaucoup dans une vie totalement atypique pour son époque et, somme toute, relativement heureuse, même si les épreuves de la vie (la mort de sa fille à 39 ans, la détérioration de ses relations avec son frère) la plongèrent régulièrement dans un spleen qu'elle soignait en reprenant la route. Elle mourut à 87 ans, entourée d'amis et riche, la réussite matérielle ayant toujours revêtu beaucoup d'importance à ses yeux (une peur de manquer remontant à l'enfance).

Cette extraordinaire biographie de Geneviève Haroche-Bouzinac, une universitaire déjà spécialisée de longue date dans la vie et l'oeuvre de Vigée Le Brun, nous donne à connaître cette vie riche à travers les lignes des Souvenirs et lettres que Vigée Le Brun a laissés à la postérité. Les trois volumes de ses Souvenirs, comme le souligne l'auteure en avant-propos, demandaient à être éclairés d'autres sources car Vigée Le Brun écrivit et publia ses Souvenirs avant tout pour asseoir sa gloire dans le futur et, par conséquent, celle-ci passa sous silence ou transforma certains épisodes de sa vie selon une présentation toujours à son avantage. Haroche-Bouzinac a d'abord par cette biographie fait oeuvre d'universitaire: 515 pages de texte mais aussi plus de 150 pages de notes, cartes, références à des sources, sans compter deux cahiers centraux présentant certaines oeuvres importantes de l'artiste ou de ceux qui l'ont inspirée. Mais elle ne s'y est pas limitée. En orchestrant toutes ces sources, en les décryptant et les confrontant elle parvient à faire ressortir en creux mais de manière assez claire la véritable personnalité de cette artiste singulière et ce même si sa rigueur universitaire lui a interdit de romancer, ce qu'elle ne fait à aucun moment. Là réside sans doute le malentendu qui a généré quelques critiques négatives de cet ouvrage que j'ai pu lire de-ci de-là: on reproche à Haroche-Bouzinac de ne pas avoir rendu son personnage suffisamment romanesque.

Il est vrai que la lecture de ce livre, une mine hallucinante d'informations sur la manière dont on vivait chez les "heureux du monde" aux XVIIIème et XIXème siècles, demande un état d'esprit particulier. Il faut apprécier ce livre d'abord comme une oeuvre scientifique où la moindre observation est appuyée par des sources: c'est du vrai, du "lourd" comme diraient les plus jeunes. Du coup le romanesque ou la fictionnalisation sont absents de ce livre et la "reconstruction" de Mme Vigée Le Brun en sa réalité et sa sensibilité demandent un petit effort d'imagination voire de rêverie du lecteur. Or notre époque surchargée d'images toutes faites et de livres "faciles à lire" ne se prête pas volontiers à cet effort. A vous de voir. Pour ma part j'ai adoré. A lire de préférence avec une tablette sous la main pour y rechercher les nombreuses peintures de Vigée Le Brun qui n'ont pu trouver leur place dans les deux cahiers centraux de cette excellente biographie de Mme Haroche-Bouzinac.
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Louise de Vilmorin

Une époque ,une femme !

Cette biographie retrace la vie de Louise de Vilmorin ,femme de lettres du début du XX ème siècle ,une femme libre pour cette époque puisqu'elle divorça 2 fois ,eut maints amants majoritairement dans le monde de la culture et dont le dernier compagnon fut André Malraux .Elle fut frivole, mondaine ,voyageuse ,mais attachée profondément à sa famille ,ses 4 frères surtout, puisque divorcée elle n'eut pas l'opportunité de s'occuper de ses filles à la garde de leur père aux Etats-Unis. Attachée à ses nombreux amis ,du monde des lettres pour la plupart tels que Jean Cocteau ,Jean Hugo ou Gaston Gallimard .Elle fut surtout une grande poétesse ,romancière ,dont certaines oeuvres furent portées à l'écran . L'auteur de cette biographie en donne quelques exemples ,
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Madame de Sévigné

Nous avions déjà loué le talent de conteuse de l’historienne Geneviève Haroche-Bouzinac, c’était à l’occasion de la sortie de sa biographie sur Madame Campan. Nous sommes ravis de lire que ce talent reste intact en découvrant la vie de Madame de Sévigné qu’elle vient de publier, toujours chez Flammarion.

Beaucoup de livres ont été publiés sur cette grande épistolière, mais celui-ci l’éloigne, un peu, de ses lettres, pour la replacer dans son siècle et en dresser finement le portrait.



La suite sur : www.actualitte.com
Lien : https://actualitte.com/artic..
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Madame de Sévigné

Beaucoup de livres ont été publiés sur cette grande épistolière, mais celui-ci l’éloigne, un peu, de ses lettres, pour la replacer dans son siècle et en dresser finement le portrait.
Lien : https://actualitte.com/artic..
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Louise de Vilmorin

Geneviève Haroche-Bouzinac fait découvrir, derrière l’élégante, une personnalité émouvante, romancière et poète étonnante.
Lien : https://www.lemonde.fr/livre..
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La vie mouvementée d'Henriette Campan

La vie mouvementée d’Henriette Campan, tel est le titre de la biographie qui vient de sortir chez Flammarion et signée Geneviève Haroche-Bouzinac, professeure de littérature française de l’âge classique et dont les champs de recherches sont, entre autres, l’étude des correspondances et des mémoires.



Vie mouvementée, c’est un euphémisme pour caractériser la vie de celle qui fera son entrée à la cour âgée d’une quinzaine d’années pour devenir la lectrice de Mesdames, filles de Louis XV, principalement de madame Victoire (madame quatrième) et madame Louise (madame dernière) – Louis XV et Marie Leszczynska eurent huit filles dont les petits surnoms chéris étaient tout bêtement leur ordre de naissance, simple, mais efficace – ; qui deviendra la première femme de chambre de la reine Marie-Antoinette ; qui échappera presque par miracle aux folies meurtrières de la Révolution française et de la Terreur ; qui, sans un sou, repartira de zéro pour fonder une institution pour jeunes filles d’où sortira de futures souveraines.



La suite sur : www.actualitte.com
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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Madame de Sévigné

Ainsi, Geneviève Haroche-Bouzinac rend hommage à l’originalité de son œuvre et à la diversité de ses préoccupations. Elle offre également dans cette biographie de précieux repères aux lecteurs de Madame de Sévigné, en leur permettant de mieux comprendre les allusions qui se glissent sous sa plume.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Madame de Sévigné

Il y a quelques années, Geneviève Haroche-Bouzinac publiait une magistrale biographie consacrée à Louise de Vilmorin. Derrière le vernis, de l'élégante et mondaine femmes de lettres, elle nous livrait le superbe portrait d'une femme émouvante et complexe aux multiples talents. L'un des mérites de cet ouvrage était notamment de donner envie au lecteur de plonger dans l'œuvre de l'artiste. "Louise de Vilmorin - Une vie de bohème" avait été couronné par le Grand prix de la biographie de l’Académie Française en 2020.

Cette fois-ci, Geneviève Haroche-Bouzinac, toujours aux @flammarionlivres, nous livre une remarquable et très complète biographie de Madame de Sévigné. D'elle, tout le monde a l'image de la grande épistolière, de la mère aimante, mais l'auteur nous permet une redécouverte passionnante du Grand Siècle et de ses remous au bras de la marquise. L'ouvrage est le fruit d'une étude approfondie et du dépouillement de nombreux documents et sources mais cette rigueur est à la hauteur de l'élégance et de la finesse de la plume de Geneviève Haroche-Bouzinac, professeure émérite à l'Université d'Orléans.

Madame de Sévigné nous apparaît derrière le mythe qui s'est forgé en tant que femme ancrée dans une époque passionnante. Elle est servie par cette remise en perspective.

Une nouvelle fois, l'auteur nous donne envie, l'ouvrage refermé, d'aller relire la correspondance de la Marquise. L'une des plus belle qualité d'une biographie d'auteur ou d'artiste n'est-elle pas celle-ci ?
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Madame de Sévigné

Geneviève Haroche-Bouzinac saisit bien cette figure de Madame de Sévigné, à travers de nombreux et subtils allers-retours entre le compagnonnage des puissants et les tracas de la vie domestique.
Lien : https://www.lefigaro.fr/livr..
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