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Citations de Georges Banu (143)


La phrase, récurrente dans 'Hamlet' : "I humbly thank you", le plus souvent traduite selon les habitudes grammaticales du français par "Je vous remercie humblement", est à la fois moins exacte et moins théâtrale que "Humblement je vous remercie", tout aussi naturelle, mais porteuse de jeu, appelant l'inclination du buste. Shakespeare écrit pour la scène, et le spectateur, emporté par le mouvement précipité de la parole et de l'action, est plus sensible aux formes qu'au contenu. La perception des rythmes et des sons prime la saisie intellectuelle ; ou plutôt, la seconde ne s'effectue qu'à travers la première.
(Jean-Michel Déprats)
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L'objet d'une traduction, s'agissant de poésie dramatique, n'est pas seulement de communiquer un sens ; c'est aussi de reproduire un objet, un rythme, une forme, un volume. Surgit dans cette optique une nouvelle catégorie d'intraduisibles potentiels : ceux qui sont liés à la physique de la langue anglaise.
(Jean-Michel Déprats)
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Aucun vers régulier français ne peut traduire le fracas monosyllabique de l'orage qui s'abat sur le roi Lear : "Blow, winds, and crack your cheeks! Rage! Blow!"
(Jean-Michel Déprats)
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L'intraduisibilité est l'un des modes d'autoaffirmation d'un texte. Si celui-ci lie en lui indissolublement la lettre et le sens, la traduction ne peut être qu'une trahison, même si cette trahison est nécessaire.
(Jean-Michel Déprats)
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"Traduttore, traditore – traduire, c'est trahir", ou plus littéralement, "traducteur, traître" : l'adage italien bien connu exprime par antiphrase cette visée utopique de la traduction comme double parfait d'un original. Selon cette définition maximaliste et absolue, les grandes œuvres littéraires appellent la traduction et, tout à la fois, s'y refusent. Comme aucune traduction ne parvient à épuiser la richesse ou à circonscrire l'énigme des grandes œuvres, celles-ci suscitent sans fin un désir de retraduction. Mais, comme la créativité en elles est essentiellement liée aux potentialités poétiques d'une langue – la langue maternelle du poète –, elles défient et bafouent toute traduction.
(Jean-Michel Déprats)
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'Fargin', en yiddish, désigne la joie ressentie pour quelqu'un à qui il arrive ou peut arriver quelque chose de bien. 'Mamihlapinatapai', en yagan, langue amérindienne parlée en Terre de Feu, est réputé l'un des mots les plus difficiles à traduire. Il signifie un regard échangé entre deux personnes dont chacune espère que l'autre va prendre l'initiative de quelque chose que toutes deux désirent, sans qu'aucune des deux y parvienne.
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La tâche du traducteur est de transmettre fidèlement ce matériau de jeu et de pensée analytique et précis, qui est celui du texte d'origine.
(Jean-Michel Déprats)
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De grands praticiens et directeurs d'acteurs comme Louis Jouvet ou Antoine Vitez n'ont cessé de l'affirmer : c'est à travers la matérialité du texte que l'acteur accède à l'expression et au sentiment, et s'agissant d'une oeuvre étrangère, il n'y parviendra que si le traducteur a eu le souci de la "pneumatique" du texte, s'il a été sensible aux rythmes, à l'ordre des mots, à la courbe mélodique, à l'inscription du geste dans la phrase.
(Jean-Louis Besson)
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La traduction française a longtemps souffert du vice du "beau style", dont parle Milan Kundera dans 'Les Testaments trahis', et elle n'en est pas encore complètement guérie.
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Antoine m'a toujours encouragé à ne pas me laisser intimider par Brecht. Le traducteur n'a pas à se replier sur une position modeste : certes il n'est qu'un passeur mais sa responsabilité est de faire traverser le temps au poète qu'il traduit. D'où la nécessité de se mesurer à lui comme écrivain. L'alternative n'est pas entre les belles infidèles des poètes [...] et les besogneuses littérales sous l'empire du 'Dramaturg'. Traduire c'est toujours la passion d'écrire et de rendre justice au poète par la justesse de la langue. Cette notion de justesse plus que d'exactitude, je la dois à Antoine. La justesse de ce qui s'ajuste, de ce qui est propice au jeu, de ce qui donne du jeu. Car toujours le texte est d'abord destiné à la scène.
(Éloi Recoing)
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Car traduire, c'est toujours un peu se traduire, réaliser cette intégrale imaginaire de notre rapport au texte et à l'histoire de ses représentations.
(Éloi Recoing)
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L'art de traduire est un art de l'équivoque et de l'ambivalence. Un art de la variation infinie, un art de vivre avec sa mémoire, rejoignant par là l'art de la mise en scène. Il faut conserver l'irréductible équivoque du texte avec le souci de la clarté.
(Éloi Recoing)
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Le théâtre comme conservatoire de la langue et des gestes, disait-il. En ce sens, je dirais qu'Antoine [Vitez], dans ce domaine, était profondément conservateur.
(Éloi Recoing)
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Le jeu de l'acteur, une simple intonation, un mouvement sur le plateau peuvent illuminer d'un coup ce que le texte manifeste d'obscur. Il y a toujours une part manquante au texte théâtral mais cette incomplétude est organique et vitale. Traduire, pourrait-on dire en paraphrasant Deleuze, est une affaire de devenir, toujours inachevée, toujours en train de se faire, c'est un processus inséparable de son devenir : la scène où les acteurs profèrent le texte écrit pour être joué.
(Éloi Recoing)
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Le contexte historique, le lieu de la représentation [...] participent de la traduction, si bien que tôt ou tard la traduction ayant fait date est datée. C'est l'un des paradoxes du traducteur : mais loin de la fragiliser, cette conscience du caractère transitoire de son travail l'allège du décor d'éternité et le rend attentif au processus plus qu'au résultat. Le traducteur est, à cette condition, un puissant pourvoyeur de théâtre, un effecteur de mémoire.
(Éloi Recoing)
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La distinction que je veux marquer entre la tragédie française et la tragédie grecque repose évidemment sur l'existence du choeur.
(Antoine Vitez)
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C'est un aspect du problème des traductions que je n'avais pas aperçu jusqu'à présent. Traduire à l'intérieur d'une même société ou traduire d'une autre société. Ainsi, la traduction des anciens Grecs doit être comparable à la traduction des Arabes, des Chinois, des Africains. Il va de soi que je rejette l'idée que notre civilisation est gréco-latine par essence et que nous sommes les enfants de la Grèce, etc. "Cette Grèce où nous sommes nés", dit Thierry Maulnier. Bien entendu, il nous vient beaucoup de choses de la Grèce ancienne, mais nous n'y sommes pas 'nés' du tout. Nous ne sommes pas nés non plus à l'âge de la pierre polie, bien que nous en venions sans aucun doute.
(Antoine Vitez, Notes sur l'"Electre" de Sophocle)
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« La mise en scène est l’art de l’interprétation, comme on le dit pour le devin, le médium, l’augure ou l’aruspice. Le metteur en scène interprète les signes laissés sur le papier par les gens des siècles passés (cela s’appelle le texte); et aussi, ou surtout, il interprète les mouvements ou les accents des acteurs qui sont devant lui sur la scène; il découvre ce qu’ils cachent en eux, ce qu’ils ont envie de dire. Il leur renvoie leur image, et non point pour ce qu’ils ont cru faire, mais pour ce qu’ils ont fait en vérité… C’est ainsi qu’il les surprend, les déconcerte, les irrite ou les dirige. Comme si un acteur, parmi eux, un membre du choeur, s’éloignait, sautait dans la salle, observait ses camarades et remontait sur scène ce qu’il a vu et compris… Cette comparaison n’est pas de fausse modestie : le metteur en scène joue la pièce, présent ou absent, mais il ne doit jamais oublier qu’il travaille à sa propre dépossession. Plus même : tout son travail est de se déposséder… le metteur en scène meurt dans l’acteur, enseigne Stanislavski. »
(Antoine Vitez)
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L K : La fin va, mais pas le début.

Constantin Stanislavsky : C'est juste. Cela concerne tous les acteurs. Si je vous avais vue un jour sur la scène telle que vous êtes en ce moment, une actrice nouvelle serait née !
Si un acteur pouvait se conduire sur la scène comme dans la vie, ce serait un acteur nouveau, doté d’inépuisables moyens d’expression. Mais quand l’acteur se grime, se costume et entre en scène pour représenter quelque chose, pour montrer ses clichés, il n’apprend rien, tout ce qu’il fait, je le connais par cœur. Mais ce que je vois en lui chaque jour, à chaque seconde, cela, il ne le transpose pas en scène. Or c’est ce qui est le plus juste, parce que cela vient du subconscient. Autant les approches (prisposoblenija) dans la vie sont infinies, autant les clichés d’acteurs sont peu nombreux et diminuent d’année en année. L’acteur se vole lui-même.
La psychotechnique que je vous enseigne permet d’éviter cela. Laissons la nature agir, la nature inépuisable, immense.
(A Koreneva) (…) Toute ma technique se résume à cela : atteindre un état tel que vous puissiez être en scène sans éprouver le besoin de faire quelque chose. Lorsque vous y serez parvenue, alors vous connaîtrez le plaisir d’être acteur : de paraître en public, de vous tenir devant lui et d’avoir le droit extérieurement de ne rien faire du tout, d’être confortablement installée en présence d’une foule de mille personnes. Car la solitude en public est incomparablement plus agréable que la solitude en solitaire. Si vous savez le faire, c’est un bonheur. Vous promenez votre regard et… vous touchez mille spectateurs.
Voilà l’objectif du Système, voilà pourquoi il existe. Je n’ai vu de vrai Système que chez quelques acteurs, et encore, par moments. Le Système, c’est la nature.
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Sur le pas de la porte

Comment rester insensible à la -Porte de l'hôpital - peinte par Van Gogh ? Je la regarde et me souviens d'un grand artiste que j'ai conduit à l'hôpital psychiatrique et qui, près de la porte, me murmura: "ne me laisse pas enfermé ici." il y resta quarante ans.
Porte close que Van Gogh- pris d'un élan libertaire-ouvre ! (p. 32)
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