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Citations de Georges Haldas (73)


Qu’est-ce que l’Etat de Poésie, sinon cet état d’éveil et de réceptivité, de vide, à la fois, et d’humble attention aux moindres choses ; dans la mesure où celles-ci nous ouvrent toujours les portes de ce royaume qui n’est pas de nous. Parce que, n’étant pas « importantes », on n’attend rien d’elles. Alors que c’est par elles précisément que passe l’inespéré, l’inattendu, l’imprévisible. Bref, l’autre par excellence. Dont on croit toujours que sa voie est l’extraordinaire. Alors que justement pas. Il s’avance masqué par l’ordinaire.
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Il faut que détruits soient les espoirs, pour que naisse l’espérance.
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Café du quotidien, par rapport à ceux de la vie dorée, dont mon père parlait chaque fois avec une sorte de considération non exempte, cependant, de dédain ; et pour lesquels mon souvenir reste froid. Sauf en ce qui concerne - et nous y voilà - leurs orchestres respectifs à la terrasse. Qui durant les belles soirées d'été détendues, rivalisaient comme ceux de la place Saint-Marc à Venise ; le faste, la nonchalance, et le mystère de la Sérénissime en moins ! Non que je sois allé jamais m'asseoir à leurs tables, mais parce que, mêlé à la foule qui stationnait devant chacun d'eux, en bénéficiant de la musique sans bourse délier, je sentais de loin, enfant, l'air de condescendance, mal dissimulé, et de supériorité négligente des consommateurs, qui, installés dans de confortables fauteuils, jouissaient - comme on dit ici – de la musique; et, de temps à autre, tournaient vers nous la tête avec un air de feinte indifférence pour cette tourbe massée au bord du trottoir, le long de l'eau. Tourbe charmée au demeurant - pas de TV alors - tourbe enchantée par les valses, tangos, paso-dobles, fox-trot et charleston, entrecoupés soudain d'un « morceau » de Liszt, de Chopin ou de Brahms, qu'on laissait jouer, une fois au cours de la soirée, à un pianiste chevronné, pâle, élégant dans son smoking, et aux cheveux romantiquement gomenolés à l'instar du célèbre Rudolf Valentino dont le souvenir faisait chavirer encore le cœur des dames. Et cela pour bien montrer au public que l'interprète engagé par l'établissement n'était pas un vulgaire amuseur, mais un "artiste". Un vrai. Virtuose d'un grand prix de Conservatoire, comme ne manquait pas de le souligner, au micro, d'une voix mi-lasse mi-agacée, le saxophoniste de service. Virtuose que les aléas de la vie hélas - mais cela, au micro, n'était pas dit - contraignaient de jouer le soir, désormais, sur les terrasses, de ville en ville. Quelle humiliation, pour le pianiste, et ses lointaines espérances de jeunesse, que cette mise en vedette. Et quelle tristesse dans cette performance qui ne faisait que mieux ressortir le sort peu enviable de ces solistes d'un quart d'heure. Dont on offrait « l'exceptionnelle qualité musicale » (ce qui n'était plus depuis longtemps le cas) en pâture, pour ainsi dire, aux oisifs venus chercher sur ladite terrasse tout autre chose. Je revois encore le regard de tel d'entre eux, pianiste ou violoniste, au moment de commencer son exhibition. Et l'air de mélancolie et de gêne avec lequel, plaqué le dernier accord, il accueillait des applaudissements qui eussent pu tout aussi bien saluer un numéro de ventriloque ou d'avaleur de sabres. Mélancolie dont certains, bien entendu, profitaient - c'était leur revanche, pauvre revanche - pour se faire valoir auprès des dames mûres, venues tout exprès pour eux ; et chez lesquelles une pointe de pitié pervertie rehaussait, comme un épice, la fascination. Mais l'orchestre, tout aussitôt, se lançait, comme pour faire oublier ce moment difficile, dans un air à la mode, auquel le virtuose se trouvait, toute gloire défunte, associé à l'égal de ses partenaires. Comme un simple prolétaire de la musique.
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J’en reviens au Buffet de la Gare, dont les portes s’ouvraient comme un sésame par les soins d’un colosse chauve aux yeux porcins, aux bras de singe. Laissant passer les rescapés de la nuit que nous étions. Les uns, mornes ; les autres, vociférant, le visage couperosé par la veille et les lampées. Cols dégrafés, sales ; vestes fripées ; front bas ; regards hargneux. Mais d’une hargne particulière, à fond d’abrutissement, de désespoir ; de honte aussi de s’être laissé, une fois de plus, piéger par ces puissances, en nous, de destruction contre lesquelles, passé un certain stade, ni la volonté, ni la raison ne prévalent. Et quand on se tue ainsi soi-même, le sursaut ultime, et logique, c’est de tuer les autres. Ici, je le sentais avec force, ces matins-là, on trempait tous, à des degrés divers, dans l’état de meurtre.
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Je lègue à mes enfants cette aube sans couleur le pain triste les rues où je fus dédoublé
Je lègue les fontaines qui m'ont parlé la nuit les wagons solitaires et les ormes coupés
Tous les recoins obscurs et les hangars déserts
Et mal interprétés les rêves d'un bonheur toujours décomposé
Je lègue avec les rails la rouille des années les trains sans voyageurs la gare abandonnée
Je lègue après la joie cette ville changée
Comme est changé celui qui croyait tout aimer
A mes enfants je lègue mon infidélité

Je mourrai divisé mécontent
Sans espoir
Je lègue à mes enfants un immense devoir :
Reprendre pied
Revivre
Achever chaque soir la tâche du matin
Donner enfin aux autres une eau plus douce à boire
Je lègue à mes enfants un sinistre miroir qu'en souvenir de moi ils voudront bien briser
Afin que les morceaux reforment cette étoile qu'en naissant j'ai trahie
Et que ma mort doit rendre à son éclat premier
Je lègue à mes enfants un impérieux devoir :
Ne pas désespérer
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Georges Haldas
Gonflés de souvenirs, de sang, les fruits luisaient
à travers les vitraux de notre cœur poli
par la houle des années, où le clair ennui
de la vie fuit comme une rive dépassée.
("Passé")
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Je suis la douce lampe
et je suis l'unité
La nuit dans les feuillages
et les difficultés
Qui me prend se déprend
Et qui m'use ressort
guéri à chaque instant
Ne laissez pas se perdre
ce feu toujours latent
Donnez-lui votre vie
à manger Que ce feu
soit pour tous un enfant
Qu'en retour il éclaire
la neige des parents
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Ces yeux que je revois
à l'ombre de l'été
ces amis d'autrefois
Tout se mêle en un seul
lointain visage et pâle
En une même voix
qui le soir se récuse
et se tient loin de moi
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Sans feu ni lieu j'arrive
au bout de ce voyage
Ne me demandez rien
Je n'ai pas de bagages
Simplement je regarde
tout seul obstinément
du côté de la mer
où s'est close l'étoile
Ni barque ni rivage
Les feux sont presque éteints
Quelques lueurs encore
d'enfance ici et là
Mais plus de fiançailles
Le point se fait petit
La porte se referme
L'oiseau du dernier vol
dans l'espace d'automne
S'éloigne sans un cri
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Il y a
dans chaque aube
une attente
Dans chaque attente
un deuil
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Dans une barque éteinte
Je dors à petit feu
La vie me porte
et je la porte
Une voix tremble
La maison se recueille
Le jour n'a pas de nom
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Levain de la douleur
     
Que le repos m’appelle
Que les voix disparaissent
Nous ne dirons plus rien
Nous serons le vent simple
sur le dos du matin
Et nos regards vivront
dispersés et lointains
Nul ne nous entendra
les plaintes les refrains
Nul n’aura de mémoire
La forêt sera longue
Un caillou marquera
l’endroit où fut scellé
cet étrange destin
Seul un vol de silence
Une marche sans fin
Un jour perpétuel
sans cri ni lendemain
Et le cheval viendra
brouter dans notre main
le sel de la douleur
qui fut notre levain
     
SANS FEU NI LIEU – III. Lecture du temps - p. 61.
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Georges Haldas
Voici la haute flamme
de mes nuits sans sommeil
Et puis dans le silence
l'éternel goutte à goutte
du sang comme l'enfance
Cette blessure en nous
pareille à l'espérance

( anthologie" Tout l'espoir n'est pas de trop")
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FEMME

La nuit te logeait pure
entre ses hautes portes
On te cherchait toujours
et toujours tu riais
Tu te dissimulais
dans un corps de légende
Nous étions à la porte
interdits et muets
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(...) le Christ est, avant tout, une personne. Non une théorie ou un système. On ne peut donc lui accoler un "-isme" quelconque sans l'envelopper dans une interprétation théologique, philosophique, culturelle dont il n'a que faire. Essentiellement personne, le Christ s'adresse à chacun de nous en tant que personne. Non, ni théorie, ni système chez lui, non plus que des préceptes, des pensées, mais des faits de vie, uniquement. L'amour a sa fin en lui-même. Quand le Christ ressuscite, pas une seconde il ne dit aux siens: voilà comment cela se passe dans la mort. Il n'explique rien. Il demande seulement aux siens d'aller annoncer - non imposer! - la "bonne nouvelle": que la mort est vaincue et que l'amour prime tout. Venant de la Source. Rien d'autre. Vous voulez croire? Alors adhérez, et vivez cela. Vous ne voulez pas croire? Libre à vous. Il n'impose rien. Car il est la liberté même. Hélas, l'Église, à un moment donné, a opté pour une non-liberté. La grande misère de toute Institution, c'est qu'elle veut imposer au lieu d'annoncer. Pour moi donc je dirais: oui au Christ. À la personne du Christ. Christianisme? Connais pas. Mais oui au Souffle, contre la pétrification.
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Ainsi chaque engagement que je prends - et qui engage toute ma vie - est en même temps un risque. On mesure le caractère de quelqu'un à sa capacité de risquer. Ceux qui ne risquent jamais rien sont des avortons! Ils ont toujours besoin d'être rassurés, sécurisés. Nous sommes aujourd'hui dans un monde où on tend à se sécuriser, à tout prévoir, en pensant que l'homme est maître de son destin. Erreur, sinistre erreur. C'est un anti-amour. Tout élan d'amour - qu'il soit humain, religieux, artistique ou poétique - implique un don total de soi à ce que vous aimez et par là-même un risque total. Si j'ai la passion d'écrire, je consacre ma vie à l'écriture, en prenant tous les risques dans l'existence, y compris et d'abord le risque économique.
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L'essence de la poésie, c'est de dire les choses d'une manière si juste, si pénétrante, si profonde qu'on perçoit mieux la force, la densité, la beauté aussi et l'importance de l'ineffable, de cela que l'on ne peut pas dire. Il faut un grand art de dire pour faire sentir ce que l'on ne peut pas dire.
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Georges Haldas
Donnez -moi sur la branche
Un oiseau à aimer
Et l'arbre grandira

(" Un grain de blé dans l'eau profonde")
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Donnez-moi sur la branche
un oiseau à aimer …
Et l'arbre grandira
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Je me postais d'ordinaire sur un petit escalier situé face à l'immeuble. Et d'abord, et comme toujours en ce qui concernait la personne de mon père, il y avait dans cette attente, en dépit de l'habitude, un grain d'anxiété : serait-il content de me voir ou, pour des raisons inconnues, aurait-il son air préoccupé des mauvais jours ? Mais déjà sa silhouette était sur le pas de la porte. A un geste imperceptible de la main - aussitôt réprimé - je pouvais mesurer le contentement qu'il venait d'éprouver en m'apercevant. Mais, d'emblée, les choses, pour nous, se compliquaient : sans doute étais-je content, tout au fond, que mon père fût heureux de me voir et aussi qu'il le manifestât par ce geste imperceptible de la main, aussitôt, d'ailleurs, réprimé. Ce qui était, chez lui, déjà, une démonstration. Mais en même temps, la vue de ce contentement me causait une gêne. Par une sorte de réflexe, hérité de lui sans doute et qui finissait naturellement par se retourner contre lui, il m'était difficile, pour ne pas dire intolérable - et cela n'a guère changé - que quelqu'un pût éprouver une satisfaction quelconque à me voir. Cela me paraissait à la fois incongru, en même temps que j'y voyais, je me rappelle, comme une obscure offense faite à la vie. A la moindre manifestation de ce contentement, redouté à la fois et non désagréable, j'aurais voulu rentrer dix pieds sous terre. J'allais jusqu'à y percevoir quelque chose d'impudique ; et je suis persuadé que mon père devait réagir de même. D'où la ténuité de son geste. Mais en vertu de ce que je viens de dire et du subtil jeu de miroir de nos rapports, cette réserve, cette économie de moyens dans la démonstration paternelle, la rendant plus éloquente, loin de diminuer ma gêne, ne faisait que l'accroître. Cette mutuelle discrétion finissait par nous paralyser.
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