Citations de Gérald Ruault (66)
La colère d’être encore en vie, d’avoir survécu au naufrage alors que lui… elle n’en sait rien, elle n’a toujours aucune nouvelle. De profonds sanglots la soulèvent et ça n’en finit plus de bouger au niveau de son abdomen.
Elle ose enfin affronter son reflet dans le miroir. Soudain elle veut se sentir belle, vraiment sexy et attirante dans le cas où il viendrait la prendre – comme dans ces contes de fée pourris auxquels elle a cru un moment. Et s’il revenait… Ah s’il revenait ! Elle irait se jeter dans ses bras et le serrerait contre sa poitrine. Et elle embrasserait son visage et il lui parlerait tout bas. Il lui dirait ce qu’elle doit faire, et ferait lui-même le nécessaire, il prendrait les bonnes décisions pour cet enfant comme pour le reste.
Marie sort de la cabine de douche en pleurs. S’habille en pleurs. Se maquille en pleurs et passe une belle robe noire en pleurs et du Dior Bronze Harmonie de Blush. Reflets de lumières et de beauté sous une cascade de pleurs acides.
Il faut vite penser à autre chose. Une chose qui existe. Une chose réelle mais pas cette chose surréaliste qui remue dans les tréfonds de son ventre. Cette chose qui a tout foutu en l’air, qui a anéanti son couple et qu’elle aurait mieux fait d’éradiquer quand elle n’était encore qu’une simple tête d’épingle.
Elle sait qu’elle ne pourra l’ignorer indéfiniment, que viendra le moment où il faudra… Où elle sera obligée de... Où elle devra affronter la réalité que Marie préfère appelle la chose car comme le dit si bien sa maman au téléphone, « tu es une adulte, et les adultes affrontent les épreuves de la vie, aussi cruelles puissent-elles être.
Dans la psychologie moderne, on appelle ça un refoulement, quand l’être humain ne veut pas affronter la réalité. Et voilà tout ce que je suis pour toi, une idée noire qu’il faut chasser. Une vérité qui est devenue trop encombrante.
Les vitraux transforment la lumière en Lumière Divine. Et ce sont eux qui font entrer la présence divine à l’intérieur même de l'Eglise, ainsi qu’en chacun de nous-mêmes. Imaginez rien qu’un instant qu’il s’agit de cette même lumière qui traversa un jour la Vierge Marie tandis qu’elle enfantait le Christ notre Saint-Sauveur. Tout
Nous avons tous un rôle à jouer. Un rôle que tu nous as donné. Moi je suis la casse-couille de service, ce sentiment de révolte qui sommeille en toi et qui ne demande qu’à éclater.
Il y a certains sujets qui fâchent, qu’il faut savoir manipuler avec autant de précaution que s’il s’agissait de bâtons de dynamite. Marie fait partie de ces sujets, et je crois qu’Anne-Lise n’a pas conscience du terrain-miné où elle s’aventure.
C’est une punition d’être ici. Une punition et rien de plus. Une sorte d’alternative à la prison pour tout le mal que j’ai commis. Je ne peux pas trouver ça injuste. Si je suis ici, c’est sûrement pour une bonne raison. » Ses yeux clignotent frénétiquement et sa bouche un peu entrouverte lui confère un air imbécile.
Je ne suis pas folle, tu n’es pas fou, il n’est pas fou et nous n’avons jamais fait de mal à une mouche.
Quiconque vit à Place-Sainte, et porte cette splendide chemise blanche a forcément quelque chose à cacher. Personne ne veut admettre qu’il est cinglé, ça c’est la règle numéro un : personne n’est fou, nous habitons dans un asile mais à part ça, tout est normal. Va t’en leur poser la question aux pensionnaires de cet hôpital, tous te répondront la même chose.
Gardons en tête que personne n’est définitivement à l’abri d’un jour venir grossir les rangs de cette folie. Qu’il peut arriver à tout le monde d’un jour franchement péter les plombs suite à un gros problème de fric, un chagrin d’amour ou sous la pression d’un patron un peu despotique.
La folie ne prévient pas toujours et la détresse, elle, s’insinue. Détresse dont André Gide disait qu' "il y a sur Terre de telles immensités de misère, de détresse, de gêne et d’horreur, que l’homme heureux n’y peut songer sans prendre honte de son bonheur ".
A qui la faute d’autant de violence ? A cette détresse accumulée, cette désespérance absolue qui envahit le cœur des gens dans leur quotidien harassant. Et qui finit un jour ou l’autre par se transformer en une barbarie sans nom, oui, une violence sanguinolente ou un coup de folie isolé. De ces chagrins qui ne portent pas forcément de nom. Qu’on appelle stress ou dépression. Qui frappe autant dans les prisons ou les asiles que dans les bureaux, les rues passantes, les écoles ou les lieux publics…
Et c’est en France que ça se passait, pas sur Saturne ou sur Pluton ! Voilà pourquoi je ne serai jamais leur otage. Je vais même te rajouter une chose mais celle-là tu la gardes pour toi. Ces enfoirés n’ont plus qu’une seule idée en tête, ici, à Place-Sainte : te faire la piqûre et ciao.
La folie est leur fonds de commerce et c’est pas dans leurs intérêts de nous laisser partir trop vite.
En fait, ce qui apparaissait encore il y a dix ans comme un scénario de film catastrophe est ni plus ni moins en train de se réaliser sous nos yeux. Pendant toute la durée des intempéries, les pensionnaires de l’hôpital ont été consignés à leur chambre. Moi j’ai tiré le bon numéro, le 21 avec vue imprenable sur le parc et bruits de tam-tam au plafond. Quant à ce qui s’est produit l’autre jour dans le bureau du Docteur Ancel, cela m’aura appris au moins une chose : si je ne sors pas d’ici au plus vite, je vais devenir réellement cinglé – au moins autant que tous ces gens qui vivent ici depuis des années. Car mes visions se multiplient. Et mes cauchemars n’en finissent plus de me réveiller au point que je n’arrive même plus à enchaîner trois heures de sommeil d’affilée. J’ignore toutefois à quelle ligne du Thésaurus je dois correspondre mais j’imagine que schizophrénie est un terme qui conviendrait bien.
Je voulais seulement vous faire comprendre que je défends vos intérêts, et que l’Ethique et les Droits de l’Homme ont toujours fait partie intégrante de mon travail. Qu’il s’agit là de conceptions que je n’ai jamais prises à la légère. Il n’est même plus question de médecine, ni de conscience professionnelle ou de quelconque obligation que j’aurais envers l’un de mes patients. Il s’agit de dignité humaine. De respect pour ce qui touche la Vie de près ou de loin.
C’est une situation particulièrement compliquée. Compliquée pour elle et pour pas mal de monde qui gravite autour d’elle. D’autant que je pense que l’internement n’est pas la solution appropriée… Pour une jeune femme enceinte j’entends. Car le déroulement de sa grossesse va s’en retrouver considérablement perturbé.