Citations de Gérard Bayo (81)
CONDAMNATION
Je vois un arbre,
un enfant,
la cigogne qui descend
sans bruit d'un arbre,
d'En chemin les paroles
ont disparu.
Le soleil joue à cache-cache
dans les spirales
de la galaxie.
Déjà ne subsistent plus
que le nom savant de la fleur du fossé
et celui oublié
de l'oiseau qu'on entend.
(Poniatowo, Pologne)
p.77
CLARTÉ DU SOLEIL
Ton sommeil
paisible et régulier, proche
du rêve ou de la mort : la rivière
sous les arbres
quand au printemps
l'air
se réchauffe enfin, profondément respire,
invoque
la vie.
La leur
ou la tienne.
p.75
LE CHARDON BLEU des dunes
sous l'étoile s'incline.
Avec ceux qui ne sont plus là,
comment vivre ?
Avec les survivants comment
faire silence ? Depuis longtemps
ou pas – nous sommes
ensemble.
D'un seul
vivant.
Jusqu'à nous jamais
ne s'en vient l'horizon.
p.18
UNE HEURE
du matin, la mer est vide. Emportés les champs
d'asphodèles
et d'agapanthes aussi.
Enclouées les étoiles
sur l'envers de ce monde.
Ami, la vie
qui de toi se retire, son silence
désormais vaut bien
celui du monde depuis toujours.
p.10
JOUR DE VENT PRÈS D'ORIANNENBOURG
1.
À portée de mai l'échelle
(en rêve)
au départ
du sous-sol des cuisines
aux carreaux blancs,
deux arbres hauts cette année
sans feuille.
Délimité de forme
indéterminée,
le sol
spongieux.
Deux arbres hauts
d'époque
au beau milieu
sans feuilles.
p.23-24
ENCLOS
Ne se départirent
dans leurs chants du sens de la mesure.
À l'avilissement du monde ne surent
qu'opposer.
Et du verger se souvenaient, l'appelaient
Enclos – où parterre
et potager et châtaigniers. Honneur et joie sont loin.
Le vent du printemps creuse à son tour
dans la pierre noire des murs, efface
même ici
les noms.
(Mareuil-sur-Belle, Dordogne)
p.16
Neige
ENCLOS
Ne se départirent
dans leurs chants du sens de la mesure.
À l'avilissement du monde ne surent
qu'opposer.
Et du verger se souvenaient, l'appelaient
Enclos – où parterre
et potager et châtaigniers. Honneur et joie sont loin.
Le vent du printemps creuse à son tour
dans la pierre noire des murs, efface
même ici
les noms.
(Mareuil-sur-Belle, Dordogne)
p.16
Neige
À PEINE S'IL SE REFLÈTENT EN NOUS
L'eau du lavoir,
les arbres du mail et la lune
sans sommeil dans ce rectangle d'eau :
de l'espace
et du temps – qui jamais ne se séparent, ni
ne disparaît la mémoire.
Suffisent
les mots, n'importe lesquels. À
eux seuls recommencent
pourvu qu'ils parlent, recommencent
tout
et tout en tout. Par conséquent,
sans nous.
(Roussainville, Eure-et-Loir)
p.12
Neige
VIVANTE ÉTOILE
J'ai vu scintiller au fond
de la pénombre,
dans la soupente, entre deux planches la lumière,
et sous les ailes presqu'en silence, la vivante
étoile.
Les murs tremblent encore : la terre est vide.
Et la vue porte loin,
jusqu'au fond de ce monde
silencieux et tranquille.
p.13
Neige
TE REGARDER M'APPREND
la liberté.
Vivre et le poème
ont besoin d'elle.
Te regarder m'apprend.
Te regarder mourir
en silence.
à Rüdiger Fischer
p.9
Neige
PRINTEMPS
J'ignore désormais laquelle
est la rive opposée. Sur les façades classiques,
ensoleillées du Rynek, les ombres
des ramiers à grands
coups d'ailes entrant
dans la rue
à hauteur du deuxième.
La mort te sourit. La momifiée transpire.
Tes fleurs
(empêchées), les recouvre la neige.
Pourquoi pas
une pensée sans mémoire,
un printemps
pour eux seuls ?
p.71
Neige
LE MONDE EXISTE
Entre les troncs argentés,
Immenses, le chemin à mi-pente
déjà dans l'ombre où creuse
la clarté du ciel.
Lointain
entre les cimes. Seul
lointain.
Aucune heure sur terre ne tinte.
A presque perdu
sa raison d'être le silence.
p.70
Neige
ET CEPENDANT N'OUBLIE LA DISTANCE
qui nous rend contraires,
nous
sépare
pour nous donner
à voir, offrir
à voir.
Fluctuations
infimes ici de la lumière, du souffle
d'air, chambre 212,
bruits ténus. Sur le hameau solitaire
un arc-en-ciel
n'atteint pas même le ciel.
Puis avant l'aube les arbres
s'inclinent
sur la rivière, se regardent vivre en elle.
(…)
Nous sépare
pour la rencontre
p.61
Neige
LE MONDE EN AVANÇANT
La flamme oscille,
se prend à douter
et la lumière se répand.
Le chemin qui mène à lui
est de ténèbres.
Le mur qui nous sépare est de lumière.
Le ruisseau rabâche
à n'en plus finir
les mots de la langue oubliée,
à peine s'il se souvient de son nom.
Tu attends l'aube
pour croire, Macha. Les étoiles attendent
la nuit pour paraître.
p.68
Neige
D'OÙ VIENT
que rien ne s'est perdu
de la beauté que tu voulais ?
Lui pardonne
sans relâche ; les derniers sont premiers.
Te remet
en place.
Bd Edgar-Quiner dans les étages,
au 9. La vitre
éteinte encore.
1943 : les jours s'entassent
soudain trop vite.
Les derniers sont premiers. Comme si toi-
même donnais.
p.67
Neige
LES POMMIERS DE RIMBACH
Entre le ciel obstrué
et stères sous la neige,
du pommier sauvage les fruits
sans doute écarlates.
Des tiens, le nom, en amont, en aval, est-il
encore écrit ?
L'aube et toi dormez encore
côte à côte.
Cham couvre la nudité
de son père.
Sous les flagelles de neige,
les pommes
et ton sommeil.
(Bavière)
p.66
Neige
ENTRE CHIEN ET LOUP
La neige du silence
s'entasse jusqu'où porte la vue,
et danse,
s'accumule légère
jusqu'aux confins du monde et du ciel.
Entre chien et loup, dans la futaie
les arbres, les taillis, de nous s'approchent,
ferment l'issue et prudemment
nous accompagnent.
La neige du silence sur le vôtre s'entasse.
Le vôtre est la parole
donnée une fois pour toutes, la
non oubliée.
p.63
Neige
LA BARQUE À L'AUBE, sans sillage –
et la voile immobile
à midi.
Sans mémoire les eaux
de la presqu'île.
Figé l'indigo
du bleu : bientôt peut-être de ta vie
au moins l'image
de la part accomplie.
Soleil et brume.
Les prairie du sillage
se referment sur nous.
p.58
UN PRINTEMPS DIFFICILE
LE PLUS PROCHE IMPORTE SEUL
Soleil et brume
non loin des voies.
De loin en loin
des noms. Et
en arrivant la mer est bleue, le ciel clair
étonnamment (peu importe, demain
nous embarquons).
Peu importe, le ciel bleu.
Des noms au bord des voies, bien peu
entreront dans l'oubli.
Nous connaissons les noms. La lumière
nous connaît.
p.15
UN PRINTEMPS DIFFICILE
LE CŒUR POURPRE
Sous les troncs durs des frênes
nous étions attablés traquant
en silence,
impitoyables chasseurs ( le cœur venait
de s'arrêter) traquant par la pensées, en aveugles
et sans main, tout ce qui n'est pas
le véritable objet de notre amour.
Tout le jour les enfants
ont au jardin rêvé,
éparses les traces du bonheur.
Dans l'arbre quand le vent fut tombé, la seule
des feuilles qui remuait encore
était aussi le seule
qui paraissait attendre.
p.11