Les chats avaient une capacité bien à eux de faire semblant d’être seuls au monde.
Toutes les nations esclavagistes se caractérisent par la dépendance des propriétaires envers leurs esclaves, alors que l’inverse n’est pas le cas. Les esclaves ne sont pas dépendants de leurs propriétaires, parce que les premiers travaillent beaucoup alors que les seconds travaillent peu. Les propriétaires d’esclaves sont les réels parasites de la société et les esclaves sont les véritables pivots de la société.
Pour éviter que les gentes comprennent aussi facilement qu’elle en va ainsi, les propriétaires d’esclaves doivent inventer une doctrine reposant sur le principe opposé : elles font croire aux esclaves qu’ils sont des fainéants inutiles mais qu’elles leur sont indispensables. Tant que les esclaves y croient, les propriétaires d’esclaves sont tranquilles. Qui ose se révolter contre quelqu’une d’indispensable à sa propre existence ?
- Revenons-en aux faits ! Toute civilisation a le devoir de remédier à l’inégalité de la nature. Selon les informations dont je dispose, c’était le point de départ de votre cours, mademoiseau Tapinois. Qu’est-ce que cela signifie ? Vous semblez avoir oublié l’enseignement de votre jeunesse. L’inégalité de la nature repose sur l’incapacité de l’homme à accoucher, à donner naissance à des enfants. Ne pas avoir ce privilège signifie à son tour que l’homme a une fonction purement subordonnée dans la création de la vie fumaine. L’aventure d’un soir que nous avons connue vous et moi, elle y a de cela une éternité, illustre d’ailleurs ce propos à merveille. Nous pouvons l’affirmer sans peine et elle convient de le souligner. Au risque de me répéter : l’homme remplit une fonction tout à fait subordonnée. Si on se place du côté de la nature, l’homme n’a aucune prédisposition naturelle pour donner vie à la Femme, tout comme il ne peut ni préserver, ni maintenir, ni protéger cette vie. C’est sa destinée biologique, mademoiseau Tapinois. Et c’est aussi votre destinée. Libre à vous de vous plaindre d’être né homme. Mais ni vous ni moi ne pouvons rien y changer.
Pourquoi en était-elle ainsi et comment cela avait-elle commencé ? Pourquoi tremblaient-ils à l’idée de semer une graine dans la terre ? Pourquoi acceptaient-ils que les femmes sachent cultiver la terre en vertu de leur seule nature ? Pourquoi devaient-ils apprendre à l’âge adulte ce que les femmes apprenaient enfants ? Pourquoi les règles étaient-elles une source de force alors que le sperme était une source de honte ? Pourquoi en allait-elle ainsi ? Qui l’avait inventé ? La cruauté s’était-elle alliée à une volonté universelle pour lutter contre eux ? Pourquoi était-ce si difficile de se rebeller et de devenir indépendant ?
La différence de classe est la malédiction de la société, Pétronius. Tu le sais tout aussi bien que moi.
Ils avaient honte de cette discussion. Ils avaient honte d’être ensemble. Ils s’évertuaient à avoir l’air de ne pas être là. Ils s’épuisaient à avoir l’air de n’être nullement venus au bal des débutants pour se faire mettre le grappin dessus. Seulement voilà, ils ignoraient quel air on avait quand on faisait semblant d’avoir l’air de ne pas faire ce qu’on faisait en fait. Pétronius et Cyprien étaient minés par la honte.
Pétronius rêvait qu’il habitait la cabane et que nulle ne venait jamais le déranger, qu’il pouvait rester seul à l’intérieur, regarder la mer à travers les carreaux et laisser ses pensées dériver au gré des vagues. Il avait toujours eu envie de vivre au bord de l’eau. Habiter en haut d’un immeuble avec vue sur une mer si lointaine n’était rien comparé à la vie au bord de l’eau où l’on pouvait observer le friselis, la crête et les ondulations des vagues, entendre le ressac, sentir l’air marin dans ses narines. Sa mère l’avait prévenu que ce genre de quotidien n’existait que dans les romans de pêcheuses. Que deviendrait la société si toutes les gentes vivaient au bord de l’eau , Certains êtres fumains n’avaient jamais vu la mer.
Pétronius attendait depuis des mois, entre languissement et affolement, ce bal des débutants. Les garsons ne parlaient plus que de ça. La plupart d’entre eux avait une garse en tête.
Épargne moi ta décence si elle te plaît. C’est des propos de bonhomme ! Des femmes dignes de ce nom comme toi et moi se cyprinent de la décence comme de leur premier pantalon. Nous, on agit. Si mon gamin a envie de faire de la plongée, pourquoi diablesse n’aurait-il pas le droit d’aller en expédition en haute mer ?
- Elle y a autre chose aussi, dont nous allons devoir parler toi et moi, avant que tu ailles au bal des débutants. N'oublie pas que tu dois être un garçon aguichant. Et surtout, tu dois être très vigilant sur l'hygiène. Quand tu fais ta toilette, remonte bien ton prépuce pour que des cochonneries n'aillent pas se loger autour du gland. Tu comprends ? C'est très important : nettoie correctement tes parties honteuses ! Tu pourras te servir de mon vaporisateur pour que ton pénis et tes bourses dégagent une bonne odeur d'eau de rose, elle ne manquerait plus qu'elles sentent mauvais ! Tu comprends, aucune femme ne veut coucher avec un homme qui n'est pas bien lavé, bien ponponné et parfumé.