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Critiques de Gildas Guyot (25)
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Le goût de la viande

« Un étrange magma remplissait mon gosier. Rien de ce que j’avais pu avaler jusqu’alors, et de ce que je pourrais ingurgiter par la suite n’égalerait cette chose-là : c’était âcre et froid, métallique, trop salé, avec une pointe d’acidité, liquide mais pas assez, trop épais en fait pour glisser sur ma langue jusqu’au seuil de mon œsophage où l’absence de papilles aurait pu me libérer, si ce n’était de la consistance, au moins de son goût. C’était une chape grumeleuse et dégueulasse qui tapissait le moindre recoin de ma cavité buccale et comblait chacun des interstices de ma denture. Je n’en étais pas encore vraiment conscient mais c’étaient les sangs mêlés de mes frères d’armes. »

C’est plus qu’un retour à la vie, une seconde naissance que connaît Hyacinthe Kergourlé, fils de paysans bretons, lorsqu’il revient à lui sous les cadavres de ceux qui sont venus avec lui se faire trouer la peau à Verdun. Un retour à la vie, à une nouvelle vie, marqué par le goût du sang de ses camarades et par celui de la viande de rats qu’il va devoir manger quelques temps pour survivre avant d’être enfin évacué à l’arrière. Un goût qui ne le quittera plus jamais, jusqu’à sa mort près de soixante ans plus tard et un goût qui, toujours lui fera se demander s’il n’est pas, lors de cette épreuve de survie, devenu un monstre.

Premier roman de Gildas Guyot, Le goût de la viande est d’abord une écriture ; riche, imagée, et pourtant aussi parfois clinique tant le regard de Hyacinthe, narrateur de sa propre histoire, tant à parfois vouloir garder une certaine distance avec ses actes. C’est aussi, bien entendu, une histoire. Elle est cruelle, dérangeante, obsédante et pourtant pas dénuée non plus d’un soupçon d’humour noir, très noir, qui, là encore, permet d’instaurer une certaine distance et, peut-être, de rendre l’ensemble un peu moins pesant en le faisant basculer par moments dans un quasi burlesque.

On se demande en abordant ce roman si l’auteur saura tenir la distance et pourra donc entrainer à sa suite son lecteur. Gildas Guyot y arrive au prix certainement d’un très gros travail d’écriture par lequel il arrive à offrir une histoire riche, pour ne pas dire roborative, mais toutefois pas écœurante. Et, vu la tendance de Hyacinthe a toujours malmener son corps et, partant, ceux qui l’entourent. C’est que derrière ce roman très organique se révèle peu à peu un fond particulièrement intéressant. La vie de Hyacinthe Kergourlé, en fin de compte, c’est celle de quelqu’un qui se sentira toujours coupable d’avoir survécu et qui mettra tout en œuvre pour croquer à pleines dents une vie dont il estime peut-être qu’il ne mérite pas en prenant bien soin de se détester et de se rendre détestable.

Il y a dans tout cela, forme comme fond, de quoi remuer le lecteur. C’est souvent inconfortable, jalonné de belles trouvailles d’écriture et en fin de compte positivement étonnant.


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Le goût de la viande

Hyacinthe Kergoulé, breton, est un rescapé de la Première guerre mondiale.

Laissé pour mort sur le champ de bataille, il revient donc à la vie et va tenter de survivre seul, perdu, dans les tranchées abandonnées en se nourrissant de rats vivants.

Ce goût pour ces petits rongeurs, ne le quittera plus jamais, un goût qui selon lui, le transforme en monstre.



La première partie du roman qui débute avec le réveil ou retour à la vie du personnage puis de sa survie suivie de son envie d'auto-destruction et de destruction des femmes sur le chemin du retour chez lui,

est riche en détails, imagée, particulière. Les mots, le style de l'auteur et son récit vous feront froid dans le dos. Ce récit est cruel, très dur, noir, très noir par moment mais aussi dérangeant.

Pourquoi dérangeant ? Parce qu'en 2019, avec le recul que l'on a sur les traumatismes des soldats en temps de guerre, sur le fonctionnement du cerveau, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à tous ces hommes qui sont rentrés chez eux meurtris à jamais sans aucun soutien à l'époque. Sur la difficulté de réinsertion dans une vie qui n'était plus la leur, auprès d'une famille, sans doute aimante, mais qui n'aurait pas pu comprendre ce qu'ils avaient vécu.



Puis le roman prend une autre tournure, le style perd en détail, on découvre au fil des pages sans trop entrer dans les détails le retour à la vie du personnage, sa reconversion professionnelle, son mariage, la naissance de sa fille, les décès des parents, les héritages... comme s'il avait réussi à faire taire l'autre Hyacinthe, celui qui avait vécu l'enfer, qui se croyait devenu un monstre. Hop envolé !



Puis le roman reprend le style du début, noir, très noir, cruel, Hyacinthe l'homme traumatisé refait surface avec des accès de folies et des goûts alimentaires étranges qui finiront par le tuer.



L'histoire est riche, l'auteur m'a emmené avec lui, je n'ai jamais pu savoir où j'allais en tournant les pages les unes après les autres.



Alors oui, bien entendu, j'ai été écœuré par certains passages, parfois remué ou malmené par certains passages mais j'ai toujours gardé à l'esprit que ce personnage n'était pas isolé dans sa folie, des millions d'humains, soldats ou réfugiés, à travers le monde ont été traumatisés par la folie de la guerre.



Content de l'avoir lu tout de même. Une découverte étrange mais une découverte dont je suis ravi.



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Le goût de la viande

Comment dire que ce roman est d'une part formidable et d'autre part ultra original et troublant voire par moments dérangeant ? C'est cru, violent, ironique, dur, l'humour est -pléonastiquement, comme disait P. Desproges- noir, très noir, désespéré, désabusé. Néanmoins et aussi dérangeant et dans certains -rares- passages difficile à lire soit-il, il n'est pas de ces livres qui dépriment ou mettent le blues pour le reste de la journée. Gildas Guyot réussit le tour de force de parler d'un homme détruit qui tente de passer outre ses démons pour vivre, qui parfois n'y parvient pas, qui donc vit des choses violentes, sans jamais plomber son roman. C'est le ton adopté entre gravité et humour, toujours au détour d'une phrase un peu dure, un mot, une expression qui force le sourire et détend un peu l'ambiance. "Physiquement, et en dehors de mes désordres digestifs, je reprenais du poil de la bête. La mort m'évitait à un point tel que le doute n'était plus possible quant à ses intentions de me nuire." (p.49), ou encore cet extrait que j'aime beaucoup, s'agissant des débuts de la seconde guerre mondiale (mais qu'on peut sans doute élargir) : "Heureusement, il est une tradition dans ce pays qui consiste à remplacer un incompétent par un irresponsable et en juin 40, Reynaud démissionna pour que Pétain le supplante." (p.176)



Dans l'écriture de Gildas Guyot, tous les mots comptent et il est souvent utile de lire entre les lignes ou entre les mots pour saisir encore mieux les double-sens ou les appuis fins, des sortes d'images subliminales. C'est très bien vu et très maîtrisé, surtout pour un premier roman.



Je me suis régalé dans ce roman très inventif, glauque et noir, avec cet homme franchement bizarre, intérieurement torturé, un personnage original et fort comme on en voit peu en littérature, de ceux qui marquent. Ajoutons une écriture particulièrement soignée, travaillée pour que chaque mot ait un sens -voire un double-sens- et alors vous aurez en mains -parce que ce sera inévitable- un véritable coup de coeur.
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Le goût de la viande

Je suis sûr qu’après avoir lu ce livre vous ne verrez plus votre morceau de viande , qui trône au milieu de votre assiette à côté de quelques malheureux haricots verts , de la même manière .

Hyacinthe Kergourlé est un miraculé , sorti indemne de sa tranchée à Verdun , protégé par le monticule de cadavres de ses camarades de la 22ème division d’infanterie . Mais à quel prix ? Quand la mort vous a frôlé de si près , quand autant de corps massacrés et démantibulés vous entourent , quand l'empuantissement de la pourriture envahit vos sens , quand un silence assourdissant remplace le bruit des obus et les cris de douleurs de vos compagnons d’infortune , que de reste-t-il de votre raison ?

La ”grande guerre” , une boucherie à ciel ouvert , où pour tenter de survivre Hyacinthe , va devoir dévorer des rats avant de dévorer ses congénères …

La frontière sans retour de l'ignominie est alors franchie . L’âme du breton est à jamais maudite . Toute rédemption semble alors impossible . Une malédiction que Yiacinthe portera sur ses épaules comme un lourd fardeau jusqu’à son trépas .



C’est dur .C’est cru . C’est dérangeant voire écoeurant . Mais c’est d’un réalisme bluffant .

La plume de Gildas Guyot nous décrit avec finesse et des mots choisis , le parcours de ce personnage touché dans son corps et dans son esprit .Un imposteur pour lui-même mais un héros pour les autres . Un trompe-la-mort qui cherche à la narguer jusqu’au bout . Dont la vie , après cette guerre , est remplie d’excès , d'errances et d’actes méprisables . Il prend mais donne peu . Incapable de partager un quelconque sentiment avec quelqu’un , lui qui n’a aucune considération pour lui-même . Capable d’humour grinçant envers ses semblables , il ne s’apitoie pas sur son sort mais accepte la fatalité de son sort .



Une fresque d’une extrême noirceur , un personnage emplie d’une ironie destructrice que le style lumineux de l’auteur parvient , malgré tout , à contrebalancer , et nous faire comprendre , à défaut d’accepter , la volonté finale d’auto destruction et d’annihilation de toute empathie .

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Le goût de la viande

Âmes sensibles s’abstenir.



Ce livre commence d’abord par vous laisser dans la bouche un goût âcre, la scène d’ouverture (remarquable dans son écriture) est difficile à avaler parce qu’on vit ce que vit le personnage, on imagine très bien ce qu’il entend, ce qu’il sent, on a en bouche cette « chape grumeleuse et dégueulasse », « cet étrange magma ». D’ailleurs les 40 premières pages amènent plus d’une fois la nausée au bord des lèvres. Vraiment.



Il en faut du culot pour écrire un pareil roman (et premier de surcroît !), il ne faut pas avoir peur de faire fuir le lecteur… Parce qu’il faut avoir le cœur bien accroché sur certains passages.



Mais comme il serait dommage d’arrêter la lecture trop tôt. Ce roman est original, certes, mais surtout drôlement bien troussé. Il allie la qualité indéniable de l’écriture à l’humour noir de chez noir, l’art de conter à demi-mots à la causticité.



Hyacinthe Kergoulé est dans les tranchées, il échappe à la mort mais n’échappera plus à ce qu’elle aura fait de lui. Et il va nous dérouler le fil de sa vie tout au long de ces pages. Et on la suit avec avidité. Glauque ? Et bien non, ce n’est pas le bon terme. Dérangeant ? Sûrement. Mais surtout puissant. La culpabilité de l’homme qui revient vivant de la guerre (avec seulement un bras en moins) transpire dans tous les actes de cet homme. C’est ce que l’auteur traduit magnifiquement bien.



Un livre à conseiller à ceux qui ont le cœur solide et les boyaux bien accrochés.
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Le goût de la viande

Au menu: guerre, boucherie, sang, névrose et survie. Les vegans n’ont qu’à bien se tenir…



Hyacinte Kergoulé est un jeune appelé de 20 ans qui survit miraculeusement à la guerre de 14-18. Il revient avec un bras en moins mais un pète au casque. A l’époque les cellules d’écoute et d’aide psychologique n’existent pas et le jeune Hyacinthe retourne immédiatement à la vie civile, érigé en véritable héros. Ce que les autres ne savent pas, c’est que l’attente dans les tranchées et le désespoir l’ont transformé à jamais. Hyacinthe a goûté au sang de ses camarades et des rats et après avoir pris part au grand banquet de la Mort, que lui reste-il à attendre de la vie ou plutôt de la mort ?

De la vie, plus grand-chose. Il se conforme à la norme sociale et renvoie l’image attendue. Auréolé de son statut de survivant héroïque, il jouit des honneurs des femmes, de plaisirs de la bonne chair et de l’admiration de ceux qui n’ont pas pu y aller. Il trace son chemin, se marie, travaille, devient père de famille. S’ils savaient…

Hyacinthe attend en revanche beaucoup. Mais celle-ci se refuse à lui et semble même le narguer préférant rôder et frapper autour de lui. Alors pour compenser cette attente, il mange, il dévore, engloutit cette viande rouge et vivifiante. Bouchée après bouchée, il réapprend à vivre avec cette culpabilité du survivant.



Mon avis :

Ce roman narré à la première personne retrace la vie l’horreur carnivore et cannibale et la vie d’après. De 1916 et durant près de soixante ans, le lecteur suit avec une curiosité presque malsaine Hyacinthe dans ses névroses et ses appétits carnivore et pathologique. Ce premier roman de Gildas Guyot est une réussite car l’auteur parvient à transmettre ce goût métallique de sang dans la bouche et parvient à susciter le dégoût, la curiosité et la compassion pour ce poilu fracassé par la Grande Guerre. La plume est souvent poétique et les premières pages sur les conditions de survie du jeune Hyacinthe dans cette boucherie à ciel ouvert qu’a été Verdun sont très belles et émouvantes. L’écriture est soignée, imagée mais aussi ponctuée de traits d’humour noir afin de poser un peu de distance et casser l’horreur de certaines scènes.



A quoi tient la survie au final?

A la satisfaction de besoins vitaux… En 1916, après avoir échappé aux balles de l’ennemi, au froid des tranchées, la survie des poilus tenait à ce simple constat carnivore. Ce goût de la viande restera ancré en lui et ne le quittera plus. Il sera le témoin de sa vie et de cet impératif organique qui s’imposera à lui : manger pour se sentir vivre. Torturé et tourmenté par ses démons, Hyacinthe n’aura de cesse de se percevoir comme un monstre affamé. Ce roman noir vous retrace cette vaine et néanmoins belle tentative de reconstruction.

Un très beau livre que je recommande à celles et ceux qui ont l’estomac solide.





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Maktaaq

Parfois on est séduit par une couverture, attiré par le nom d’un auteur ou encore interpelé par un résumé. On peut aussi faire confiance à une maison d’édition.

Mais il y a des fois où le plus grand des hasards vous amène un roman. Ce fut le cas avec Maktaaq.

Alors que je me moquais gentiment (si, si) des bandeaux dont sont affublés certains romans, Gildas Guyot a mis une photo de son roman sur un réseau (as)social.

Ça m’a beaucoup fait rire, j’ai aimé l’auto-dérision, l’humour et en même temps l’humilité de cette « blague ».

Dans tous les cas, ça m’a amenée à m’y intéresser et j’ai bien fait parce que ce roman est plutôt sympathique.

Seth est un jeune américain, descendant des Inuits d’Alaska. Un jour, son grand-père Adi lui offre sa voiture, une Chevrolet Impala des années 60 à une seule condition : qu’ils partent tous les deux, seuls, avec la Chevrolet, à Vegas.

Si Seth n’y voit pas une occasion de se rapprocher de ce grand-père au caractère très particulier, Adi a bien l’intention de profiter de ce voyage pour faire un homme de son petit-fils et l’amener à s’intéresser à leurs ancêtres.

Avec un style tout en légèreté et malgré quelques longueurs, Gildas Guyot nous apprend beaucoup de choses sur la manière de vivre des Inuits d’Alaska et nous offre un attendrissant road-trip de Los Angeles à Vegas avec ce gamin et surtout ce grand-père facétieux qui ne perdra aucune occasion pour se moquer de son petit-fils.

Finalement, ce bandeau est parfait pour ce roman qui ne se prend pas au sérieux et qui fait rire ceux qui le découvrent.


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Maktaaq

Deuxième roman de Gildas Guyot après Le goût de la viande. Très différent. Plus classique. Roman initiatique et de transmission d'une culture oubliée, phagocytée par la vie à l'américaine, d'un grand-père à son petit-fils.



C'est très bien écrit, l'auteur usant de différents niveaux de langage dans une même phrase : des mots peu usités parfois désuets accolés à des tournures familières ou courantes. Si certains passages peuvent paraître longuets, les suivants font regretter d'avoir douté tant ils sont beaux. Il en est ainsi d'un monologue d'Ati expliquant à son petit-fils l'arrivée de l'homme blanc dans son village inuit, et comment encore une fois cet homme blanc a perverti les locaux, les a soudoyés à coup d'alcool et de cigarettes, leur faisant miroiter les bienfaits de sa civilisation "... Vois-tu gamin, quand j'étais jeune, mon père m'apprit tout ce que je devais savoir pour mériter ma place, pour pouvoir survivre et faire survivre ma famille sur ces terres gelées. Il m'apprit à pêcher, à chasser, à monter une tente. A pêcher et à chasser et à construire un feu. Ah ça oui. Mais il m'apprit aussi que je devais me méfier de l'homme blanc, de celui qui débarquait avec sa croyance, son fusil... sa croyance, son fusil et ses alcools..." (p.136)



Deux héros attachants, qui, lorsqu'on se demande où l'auteur veut nous emmener, nous accompagnant doucement mais sûrement dans leur voyage sur la route 66.



Certains romans vous font de l'effet en les lisant, effet qui s'estompe plus ou moins rapidement après lecture. D'autres vous font de l'effet en les lisant, effet qui perdure longtemps, voire très longtemps. Ce roman de Gildas Guyot ne m'a pas fait un effet foudroyant pendant ma lecture, même si certaines pages ainsi que je l'exprimais plus haut m'ont touché, mais à peine fini et posé, il continuait à vivre en moi et je pense qu'il est de ces romans qui ne s'effaceront pas de sitôt. Seth et Ati comptent. Quant à la signification du titre, je laisse le soin à l'auteur de l'expliquer, à sa manière, dans les dernières pages.
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Le goût de la viande

Donner trop de détails sur le contenu de ce premier roman, ou bien se contenter d'un résumé assez bateau peut avoir comme conséquence d'en écarter injustement quelques lecteurs potentiels. J'ai choisi la seconde option, qui est d'ailleurs plutôt celle de la quatrième de couverture;



Comme bien des jeunes gens de sa génération, Hyacinthe Kergourlé se retrouve dans les tranchées de Verdun, dont il revient manchot (ça c'est pour la conséquence physique). Il retrouve sa famille bretonne, se marie, les années passent. Mais il est toujours hanté par ce qu'il a vécu.



Mais quelle claque ce roman! Que j'ai bien failli abandonner après quelques dizaines de pages... Ce qui m'a accrochée sans discussion, c'est l'écriture, soignée, précise, souvent caustique, maniant à l'occasion la formule efficace. Humour (si!), catégorie : noir. Dérangeant aussi.



Dans les remerciements

"Merci surtout pour ne t'être jamais fait surprendre en train de me regarder du coin de l'oeil d'un air inquiet lorsque ton tour fut venu de me relire."



"Merci à (des 2ditions In8) pour votre ouverture d'esprit et pour votre estomac, à toute épreuve."



Amie lectrice, ami lecteur, je te souhaite de même et bonne lecture. Mais je vous aurai prévenus! Si vous passez les 40 premières pages, même si vous êtes bien secoués, alors vous ferez une découverte.
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Le goût de la viande

Quelle histoire ! Quel style !



Hyacinthe Kergoulé a 20 piges et se réveille au milieu des corps en décomposition dans les tranchées où il a été mobilisé depuis sa Bretagne natale. Autour de lui, la mort. L´odeur de la mort. Seul parmi les cadavres, il ne doit sa survie qu´à la chance (la grande faucheuse s´amusera toute sa vie avec lui) et à la présence de rats dont il se délecte vivants, seul moyen de survivre à l'abomination des tranchées. Cette expérience le marquera à vie. Sans trop qu´il sache comment, il se réveille amputé d´un membre dans un hôpital de fortune et profite de l´Armistice de 1918 pour retourner au pays, prendre épouse et assurer sa descendance.



C´est son histoire que Gildas Guyot s´amuse à raconter sur plus de 200 pages. L´histoire d´un gars normal que les horreurs de la grande guerre, celle des tranchées, des boches et des balles sifflantes ont amoché. Car Hyacinthe, s´il s´en est sorti vivant, est revenu du front cabossé : il a perdu un bras et c'est fait une ennemie : la mort. La mort l´entoure au quotidien mais elle refuse de l´emporter lui aussi. Sur le front tout d´abord puis de retour à Saint Malo ensuite ou elle s´est occupée de son entourage l´épargnant à chaque fois.



Dans un style bien affirmé où chaque mot est pesé parfaitement - style qui m´a un peu perturbé au début - l´histoire de Hyacinthe est jouissive. S´il faut parfois avoir le cœur bien accroché on entre vraiment en empathie avec ce personnage qu´on apprend à détester. La narration est parfaitement rythmée. Bref, un très bon moment !
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Le goût de la viande

La pénétration dans "Le goût de la viande" est de celles qui soit vous font jeter l’éponge après une vingtaine de pages, soit vous happent parce qu’elles suscitent en vous une fascination dont le caractère quelque peu sordide provoque en même temps une certaine culpabilité…

J’ai continué. J’ai plongé dans cet univers glauque portée par une plume au sombre lyrisme, à l'ironie malsaine. Cette osmose entre noirceur du fond (qui a rarement aussi bien porté son nom) et élégance de la forme donne au texte une puissance enveloppante, qui vous imprègne comme à votre corps défendant.



1916. Hyacinthe Kergourlé vient d’avoir vingt ans. Dernier survivant de son bataillon, il se terre sur le front de l’est, dissimulé dans un abri de fortune. Il dépeint la guerre à hauteur de boue, de merde et d’ignominie, ne nous épargnant rien -sons, odeurs- du spectacle de l'immonde chaos, des lâchetés de l’âme et des défections des corps. Son monde n’est plus que la manifestation d’une barbarie s’étalant sur des kilomètres à la ronde, carcasses et chairs mêlées en une anonyme et horrible communion, le vaste, nauséabond et cauchemardesque royaume de la mort.



Lui-même se retrouve acculé, pour survivre, à d’inimaginables et monstrueux expédients qui le transforment, définitivement. Il a frayé avec la part la plus sombre de lui-même.



Hyacinthe Kergourlé rentre dans sa Bretagne natale manchot, honteux survivant et détenteur de l’indicible secret de son abjection, ravalant sa culpabilité pour faire bonne figure face à des civils pour qui il symbolise la victoire et la bravoure, taisant le sarcastique mépris que provoquent l’écœurant patriotisme de ceux qui n’ont pas connu le front comme la vaine et mesquine reconnaissance de la patrie envers ses soldats.



Il réintègre le monde des vivants, s’y faufile et endosse les apparences de la normalité. Se détournant de l’élevage de cochons familial, il travaille dans la charpente navale. Il se marie, fait un enfant.



Et puis un jour resurgit le monstre qu’a fait naître en lui son expérience de la guerre. Il se soumet, en cachette, à son attirance irrésistible pour la mort, à l’excitation que provoque sa proximité.



C’est Hyacinthe lui-même qui relate, a posteriori, son parcours, couchant par écrit l’indicible, confiant enfin le secret à l’origine à la fois d’un immense dégoût de soi et de l’irrépressible besoin de s’adonner à l’abomination. On ne sait si cet homme, qui suscite autant d’horreur que de pitié, est victime de folie ou coupable de simple cruauté. Sa vision profondément pessimiste de l’humanité nie à cette dernière toute possibilité de rédemption, et si son témoignage fustige l’absurdité et la barbarie de la guerre, il ne semble pas tant la rendre responsable de la transformation de l’homme en un animal cruel, que la croire simplement révélatrice des pires perversions qui l’habite.



Un texte fort et dérangeant.
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Maktaaq

S’il y avait bien une chose que j’avais cru comprendre, c’est qu’avec Gildas Guyot, on ne peut jamais être sûrs de savoir où il va nous emmener. Son premier livre, Le goût de la viande, dégage une force, une puissance expressive incroyable, dans une grande noirceur. C’est, en fait, un livre dans lequel la mort est présente à toutes les pages.



Avec Maktaaq, a priori, on est dans quelque chose de totalement différent. Et, au contraire, en refermant ce livre, on a envie de dire que, dans ce deuxième opus, c’est la vie qui est présente à toutes les pages. Mais peut-être n’est-ce pas aussi simple que cela…



En tout cas, on a quitté le Vieux continent pour le Nouveau Monde (je n’ai pas dit celui d’après…). On est dans un quartier populaire de Los Angeles, habité majoritairement par des hispaniques. Là, on découvre une famille d’origine inuite, mais qui a adopté le mode de vie « à l’américaine » : chacun mange quand il le veut, les traditions ne sont plus qu’un lointain souvenir.



Lorsque commence ce road-trip à la sauce inuite, Seth a tout du jeune branleur qui ne fait pas grand-chose de sa vie. Le moyen le plus sûr de le reconnaître est que chacune de ses phrases commence par « putain ». Ati lui fait à la fois un petit peu peur, il ne sait pas comment l’aborder, et pourtant, il y a entre eux une forme de connivence, un fil ténu mais solide…



Ce voyage vers Las Vegas, nous dit la quatrième de couverture, c’est « à la fois un roman d’aventures, un western, un roman d’apprentissage, un conte philosophique, un précis d’ethnologie sur la culture inuite, un almanach de baseball ». Quand je lis ce genre de description, en général, je doute. Mais tout cela est vrai – sauf, peut-être, ce n’est pas aussi précis qu’un almanach de baseball.



Ce grand-père, un vrai taiseux, dont on ne sait jamais s’il dort ou s’il est éveillé, s’il plaisante ou s’il est sérieux, s’il ment ou s’il dit la vérité, c’est exactement LE grand-père, dans toute sa splendeur. D’ailleurs, je peux l’avouer ici, il n’est pas sans me rappeler le mien, avec qui je n’ai pas eu la chance de partager un tel road-trip, mais dont l’humour, la vitalité, le regard malicieux m’a accompagné tout au long de ma lecture.



Connivence, donc, et, sans que Seth s’en rende compte véritablement, transmission. Ce vieil homme, on le découvre en même temps que Seth, a appris de la vie, des blessures, des cassures. Parti d’Alaska pour trouver une vie meilleure, il expie encore cet abandon des siens et de la culture traditionnelle dont il est issu. Et il transmet cela à son petit-fils.



Les scènes s’enchaînent, mêlant un humour parfois tendre, parfois grinçant, et, surtout, une grande sagesse de vie. Je pense, par exemple, à la scène de la climatisation. La voiture est équipée d’une clim’, et Seth, lorsque la température augmente alors qu’ils entrent dans le désert des Mojaves, veut la mettre en marche. Mais son grand-père refuse catégoriquement : il ne « l’aime pas ». Incompréhension totale de Seth, qui ne voit que sa dimension utilitaire, le fait qu’il s’agit d’un objet prévu pour améliorer le confort. Mais Ati, lui, vit cette climatisation comme une façon d’expier : il a abandonné le peuple inuit, il peut bien souffrir de la chaleur !



Connivence, transmission. Il y a également deux autres mots, présents dans le livre, qui pour moi restent et résonnent après que l’on ait refermé l’ouvrage. Ubuesque… mais je ne veux pas trop spoiler, alors je vous laisse découvrir. Et incandescent. Incandescent comme le soleil qui frappe fort dans ce désert des Mojaves. Incandescent comme la vie d’Ati et de Koko. Incandescent comme l’amour qui, peut-être, va permettre réellement à la vie de Seth de commencer. Incandescent, enfin, comme la brûlure de cette vie d’Ati, qui laisse une trace dans celle de Seth.



Et puis… on est d’abord marqué par la différence qui semble exister entre ce livre et le précédent. La dureté du premier, la douceur – qui n’est pas exempte de brutalité – de celui-ci. Mais, en réalité, après quelques heures de décantation, j’ai en fait l’impression que ces deux « premiers romans » (encore un bout de la présentation qui figure en 4e de couv, que je reprends volontairement) parlent du même sujet. Dans le premier, c’était la mort, quasiment personnage principal, et sa danse avec un personnage pas réellement vivant. Et, ici, c’est la vie, mais dans laquelle la mort est toujours présente. Chez les inuits ou dans les tranchées, à Las Vegas ou à Verdun, la vie et la mort se mêlent, s’apprivoisent, se tournent autour…



En plus, on ne sait pas d’où Gildas Guyot tire sa connaissance des traditions inuites… mais il semble soit avoir vu de nombreux documentaires sur le sujet, soit y avoir passé quelques années. Dans une vie antérieure, peut-être ?



Un très beau livre, mais, surtout, je le crois de plus en plus, un très bel auteur !
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Le goût de la viande

L'horreur de la guerre développe une telle haine chez Hyacinthe Kergoulé qu'il en devient fou.Toute sa vie,il tente de la cacher aux yeux de ses semblables mais elle finit par avoir raison de lui .Gildas Guyot a réussi à me faire avaler des images surréalistes au parfum faisandé ,pleines d'une morbidité incroyable ,moi qui n'ai pas le goût de la viande,,,,
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Le goût de la viande

Ce "goût de la viande" qu'Hyacinthe garde toute sa vie en bouche - et en tête - il l'a contacté à Verdun dans las tranchées. Viande de rat cru qu'il ingurgite pour survivre. Viande en décomposition de ses camarades de combat. Viande d'un cadavre qu'il mutile, et plus tard viandes féminines qu'il malaxe à souhait. De quoi devenir fou.

Quand Hyacinthe retrouve la vie civile (amputé d'un bras) il reprend une vie quasi normale en apparence, travaille, se marie, a une fille. On l'a salué en héros rescapé de la mort, lui se considère toujours comme un monstre que la mort refuse d'emporter.

Une écriture d'un réalisme implacable au début du roman qui frise à la fin avec le fantastique. Très beau mais dur quand même à digérer! ...
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Le goût de la viande

Hyacinthe se réveille sous une montagne de cadavre. On est à Verdun en 1916 et l'horreur de la guerre est partout.

En sortant de ce monceau de cadavres il va être confronté au pire de ce qui est enfoui en lui.

Pendant des décennies, Hyacinthe va essayer de se faire pardonner en affrontant tour à tour la mort et sa propre sauvagerie.

Un récit dur, très dur. Il faut un estomac solide pour affronter certaines pages.
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Maktaaq

J'avais lu le premier roman de Gildas Guyot. J'attendais le second avec impatience. J'attends déjà le troisième...

Pourquoi 5 étoiles ?

La première pour ce décor américain... On croit le contraire par cœur et pourtant l'œil et la plume de Gildas Guyot nous fait découvrir le rêve avec toutes ses contradictions.

La seconde pour cette transmission entre deux personnages semble-t-il si opposés.

La troisième pour l'humour caractéristique de l'auteur. Il ne prend pas les lecteurs avec le dos de la cuillère.

La quatrième, pour la découverte du monde Inuit.

Et la dernière étoile pour cette magnifique plongée dans notre condition d'homme moderne. L'air n'est pas le seul conditionné.
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Maktaaq

Après la grosse claque du premier roman, Le goût de la viande (paru en poche, et dont parlait krol récemment -en bien) qu'allait bien proposer le deuxième roman de Gildas Guyot? Un goût de la viande, deux, le retour, avec une escalade dans l'humour noir? Ma came, je l'avoue, mais il avait fallu l'écriture remarquable pour faire passer certains épisodes.



Le danger était justement de continuer sur la même voie. Or là, non, grosse surprise, personnages sympathiques et à part l'âne, rien à signaler. Même un peu de tendresse. Mais quand même de la dérision et des coups de patte sur l'homme blanc et le mode de vie américain. Ouf!



Aux yeux de son grand père Ati, Seth n'est qu'un gamin. Avant, il rêvait d'une jolie carrière dans le base ball, mais actuellement, à 23 ans, il est plombier, et plutôt bon. Une copine, Suzanne, sans passion, beaucoup de télé et de pizza, et les membres de la famille se croisent sans plus.



Le grand père n'est pas en bonne santé, mais il a toute sa tête. Tout ce que sait Seth, c'est qu'il est originaire d'Alaska, c'est donc le chef de famille, l'angajuqqaaq (langue : inuktitut). Un soir il impose à la famille de regarder une cassette vidéo (on est en 1989), seul Seth la regarde, c'est un vieux document sur la vie des Inuits, avec commentaires d'un Danois. Pour Seth, c'est une totale découverte!



Par ailleurs, quelques mois plus tard, Ari impose à Seth un voyage à Las Vegas, avec comme récompense à la clé la possession de sa Chevrolet Impala vingt ans d'âge qui fait saliver Seth depuis des années. Et c'est parti pour un voyage à deux qui bousculera aussi pas mal le jeune Seth. L'art de la chasse dans le grand nord appliqué aux bandits manchots, à découvrir, en passant.



Un roman centré sur deux personnages principaux, avec un trajet Los Angeles - Las Vegas sous le cagnard, et un aperçu de culture inuit, pour se rafraîchir, voilà le menu. Parfaitement digeste, cette fois (clin d'oeil au premier roman). A découvrir, la patte de l'auteur est toujours bien là.
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Le goût de la viande

C’est peu de dire que ce livre est noir. Et pourtant, s’il faut citer un passage vraiment noir, on est en réalité assez en peine pour le faire. Certains lecteurs ont écrit que ce roman est à peine gris, sans doute parce que nous avons tellement l’habitude des scènes démonstratives que, lorsque le noir est une couleur de la palette, nous ne savons plus forcément la reconnaître. L’écriture, d’ailleurs, est brillante, on serait presque tenté de dire lumineuse, ce qui est un comble…



Mais j’ai l’impression de prendre les choses dans le désordre.



Parlons d’abord de ce Hyacinthe. Intuitivement, on a envie de dire qu’il est le personnage principal de cette histoire. Mais, à la réflexion, j’ai envie de le dire autrement. Le sujet de cette histoire, c’est la danse entre Hyacinthe et la mort, parfois une valse, qui les amène à parcourir de vastes cercles, sans se perdre de vue, parfois un menuet, formel, strict, à l’occasion duquel ils s’éloignent et se retrouvent, parfois encore une pavane, solennelle, à l’occasion de laquelle ils s’apprivoisent, et parfois, enfin, une sorte de tango, lors duquel ils se toisent et se défient du regard, excluant tous ceux qui sont autour d’eux.



C’est une transe que ce livre. Pas forcément une « longue équipée sauvage » comme on nous la décrit en quatrième de couverture – on pense trop, alors, au film éponyme, à Bonnie & Clyde, ou, plus proche de nous, à la virée meurtrière de Rey et Maupin, et ce n’est pas réellement de cela qu’il s’agit ici -, mais plutôt à la recherche désespérée d’un homme qui ne se connait plus de raison de vivre. La seule chose qui le rattache encore à cette vie, c’est la viande, viande vivante, viande morte, viande qui, de vivante, devient morte.



Incompris de tous, sans pouvoir accéder à la parole pour exprimer ce qu’il a vécu et ce qu’il ressent, il ne lui reste plus que sa colère, qui se retourne d’abord contre les morts qui ne semblent pas l’être assez, dans cette tranchée, puis contre les vivants qui ne comprennent pas qu’il est mort. Au rang de ces derniers, les membres de sa famille, celle qui deviendra sa femme.



Survivant qui ne supporte pas de l’être – n’est-ce pas la caractéristique d’un syndrome de culpabilité ? -, il se laisse un temps porter par les événements, prenant ce qu’il peut au passage. Puis, retrouvant la mort, il reprend la danse interrompue avec elle, et se met à fabriquer des cercueils. Et quand elle se rapproche encore, cette amante volage qui l’a rejeté si longtemps, il va retrouver son goût pour la viande… un goût de plus en plus… cru.



Je ne sais pas si on peut dire qu’on aime ce livre. Mais il est hypnotique. Et fort. Il marque, ce qui est en général la caractéristique d’un livre puissant. Chacun devra ici se faire sa propre idée, au risque du dégoût.
Lien : https://ogrimoire.com/2020/0..
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Le goût de la viande

Quatrième lecture du Prix meilleur Polar Points 2021

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Hyacinthe Kergoulé a le douloureux privilège de naître une seconde fois. Enfoui sous un monceau de cadavres dans une tranchée de Verdun en 1916, il va s’extirper de ce magma de membres pour arriver au monde seconde fois. Contrairement à sa première parturiente, il va conserver le souvenir intact de ce deuxième accouchement... Episode fondateur qui va tracer la trajectoire de cet homme et nous de la lire dans ce livre très travaillé, au style précis, chirurgical et odorant, sensoriel.



Les premières pages du Goût de la viande sont saisissantes. Cette captation de la folie nihiliste des nations, cet élan à s’étriper et la folie qui en découle. Car Hyacinthe sombre dans la démence. Les chapitres inauguraux d’Au revoir là-haut étaient ce que j’avais lu de plus percutant, dernièrement, sur la furie de la Der des Der. Le goût de la viande relance le dé. La lecture des premiers paragraphes est une expérience éprouvante. On en aurait des hauts le cœur, presque.



Les prémices sont donc augures d’un frisson malaisé, un livre qui nous sortira de cette foutue « zone de confort ». Le gant est relevé même si le cheminement de Hyacinthe Kergoulé ne répond pas à l’image que je me fais d’une longue équipée sauvage assénée par la quatrième de couverture. Gildas Guyot l’enserre plutôt dans la charpente crapoteuse, étriquée et sordide d’un Dupont Lajoie Simenonien, Chabrolien.



Portée par une plume empathique, sinueuse (qui fait songer à un Philippe Claudel, celui des Âmes grises, qui aurait basculé du côté obscur), Le goût de la viande est plus proche du roman historique, du récit amoraliste, à la frontière du trip expérimental que du polar pur et dur. Je devine les interrogations qui vont naître sur la cohérence de sa sélection.



Peu importe finalement les étiquettes, je n’en suis guère friand. Le goût de la viande est une expérience. Hyacinthe Kergoulé démontre qu’on ne peut revenir de la guerre car la guerre revient avec nous.


Lien : https://micmacbibliotheque.b..
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Le goût de la viande

Je vais enfin pouvoir vous faire un retour de lecture du livre de Gildas que j'avais été ravie de rencontrer au salon du livre de Marmande au mois de mai.

J'avais tellement entendu parler de ce livre. Tous les retours étaient incroyables, ce qui m'avait donné tant envie de le lire. Quel plaisir de l'avoir dévoré des yeux !



L'histoire de Hyacinthe Kergoulé, qui en a tant bavé durant la bataille de Verdun, qui a dû survivre à l'extraordinaire, pour se fondre dans l'ordinaire d'une vie à vivre, parce que la mort a toujours refusé de le délivrer du mal qui le rongera toute sa vie.



Avec un bras en moins mais un truc de plus dans la tête, Hyacinthe tentera de se reconstruire malgré lui, ce gout de viande de rat qu'il ne retrouvera jamais plus mais qui lui restera sur le bout de la langue pendant bien des années.



D'un réalisme implacable, la digestion va vous sembler difficile par moment, tant le verbe est cru, la prose mijotée, l'addition salée.

La morbidité des images est à la hauteur du parfum faisandé qui se dégage de cette œuvre que je trouve remarquable. La culpabilité du survivant est traitée de manière magistrale.



Un premier roman tellement reussi qui saura à coup sûr satisfaire ce besoin vital, voir organique, de curiosité qu'il suscite chez le lecteur que vous êtes.

J'en ai eu un coup de coeur, de celui qui me fait fermer ce livre sur un émerveillement total, de cette belle découverte que j'ai dépouillé de sa substantifique moelle pour mieux me délecter de son ossature.


Lien : http://lecturechronique2.com/
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