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EAN : 9782362240928
Atelier In8 (16/10/2018)
4.08/5   37 notes
Résumé :
Hyacinthe Kergourlé, jeune appelé de vingt ans, survit miraculeusement à l'enfer des tranchées. Lorsqu'il regagne la ferme familiale, à l'armistice, c'est avec un bras en moins, mais un truc en plus, dans la tête, ou au fond des tripes. Que lui reste-t-il à vivre ?

L'histoire de Hyacinthe Kergourlé est celle d'un homme qui tente de se reconstruire malgré lui, bouchée après bouchée, en redevenant carnivore.
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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« Un étrange magma remplissait mon gosier. Rien de ce que j'avais pu avaler jusqu'alors, et de ce que je pourrais ingurgiter par la suite n'égalerait cette chose-là : c'était âcre et froid, métallique, trop salé, avec une pointe d'acidité, liquide mais pas assez, trop épais en fait pour glisser sur ma langue jusqu'au seuil de mon oesophage où l'absence de papilles aurait pu me libérer, si ce n'était de la consistance, au moins de son goût. C'était une chape grumeleuse et dégueulasse qui tapissait le moindre recoin de ma cavité buccale et comblait chacun des interstices de ma denture. Je n'en étais pas encore vraiment conscient mais c'étaient les sangs mêlés de mes frères d'armes. »
C'est plus qu'un retour à la vie, une seconde naissance que connaît Hyacinthe Kergourlé, fils de paysans bretons, lorsqu'il revient à lui sous les cadavres de ceux qui sont venus avec lui se faire trouer la peau à Verdun. Un retour à la vie, à une nouvelle vie, marqué par le goût du sang de ses camarades et par celui de la viande de rats qu'il va devoir manger quelques temps pour survivre avant d'être enfin évacué à l'arrière. Un goût qui ne le quittera plus jamais, jusqu'à sa mort près de soixante ans plus tard et un goût qui, toujours lui fera se demander s'il n'est pas, lors de cette épreuve de survie, devenu un monstre.
Premier roman de Gildas Guyot, le goût de la viande est d'abord une écriture ; riche, imagée, et pourtant aussi parfois clinique tant le regard de Hyacinthe, narrateur de sa propre histoire, tant à parfois vouloir garder une certaine distance avec ses actes. C'est aussi, bien entendu, une histoire. Elle est cruelle, dérangeante, obsédante et pourtant pas dénuée non plus d'un soupçon d'humour noir, très noir, qui, là encore, permet d'instaurer une certaine distance et, peut-être, de rendre l'ensemble un peu moins pesant en le faisant basculer par moments dans un quasi burlesque.
On se demande en abordant ce roman si l'auteur saura tenir la distance et pourra donc entrainer à sa suite son lecteur. Gildas Guyot y arrive au prix certainement d'un très gros travail d'écriture par lequel il arrive à offrir une histoire riche, pour ne pas dire roborative, mais toutefois pas écoeurante. Et, vu la tendance de Hyacinthe a toujours malmener son corps et, partant, ceux qui l'entourent. C'est que derrière ce roman très organique se révèle peu à peu un fond particulièrement intéressant. La vie de Hyacinthe Kergourlé, en fin de compte, c'est celle de quelqu'un qui se sentira toujours coupable d'avoir survécu et qui mettra tout en oeuvre pour croquer à pleines dents une vie dont il estime peut-être qu'il ne mérite pas en prenant bien soin de se détester et de se rendre détestable.
Il y a dans tout cela, forme comme fond, de quoi remuer le lecteur. C'est souvent inconfortable, jalonné de belles trouvailles d'écriture et en fin de compte positivement étonnant.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Hyacinthe Kergoulé, breton, est un rescapé de la Première guerre mondiale.
Laissé pour mort sur le champ de bataille, il revient donc à la vie et va tenter de survivre seul, perdu, dans les tranchées abandonnées en se nourrissant de rats vivants.
Ce goût pour ces petits rongeurs, ne le quittera plus jamais, un goût qui selon lui, le transforme en monstre.

La première partie du roman qui débute avec le réveil ou retour à la vie du personnage puis de sa survie suivie de son envie d'auto-destruction et de destruction des femmes sur le chemin du retour chez lui,
est riche en détails, imagée, particulière. Les mots, le style de l'auteur et son récit vous feront froid dans le dos. Ce récit est cruel, très dur, noir, très noir par moment mais aussi dérangeant.
Pourquoi dérangeant ? Parce qu'en 2019, avec le recul que l'on a sur les traumatismes des soldats en temps de guerre, sur le fonctionnement du cerveau, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à tous ces hommes qui sont rentrés chez eux meurtris à jamais sans aucun soutien à l'époque. Sur la difficulté de réinsertion dans une vie qui n'était plus la leur, auprès d'une famille, sans doute aimante, mais qui n'aurait pas pu comprendre ce qu'ils avaient vécu.

Puis le roman prend une autre tournure, le style perd en détail, on découvre au fil des pages sans trop entrer dans les détails le retour à la vie du personnage, sa reconversion professionnelle, son mariage, la naissance de sa fille, les décès des parents, les héritages... comme s'il avait réussi à faire taire l'autre Hyacinthe, celui qui avait vécu l'enfer, qui se croyait devenu un monstre. Hop envolé !

Puis le roman reprend le style du début, noir, très noir, cruel, Hyacinthe l'homme traumatisé refait surface avec des accès de folies et des goûts alimentaires étranges qui finiront par le tuer.

L'histoire est riche, l'auteur m'a emmené avec lui, je n'ai jamais pu savoir où j'allais en tournant les pages les unes après les autres.

Alors oui, bien entendu, j'ai été écoeuré par certains passages, parfois remué ou malmené par certains passages mais j'ai toujours gardé à l'esprit que ce personnage n'était pas isolé dans sa folie, des millions d'humains, soldats ou réfugiés, à travers le monde ont été traumatisés par la folie de la guerre.

Content de l'avoir lu tout de même. Une découverte étrange mais une découverte dont je suis ravi.

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Au menu: guerre, boucherie, sang, névrose et survie. Les vegans n'ont qu'à bien se tenir…

Hyacinte Kergoulé est un jeune appelé de 20 ans qui survit miraculeusement à la guerre de 14-18. Il revient avec un bras en moins mais un pète au casque. A l'époque les cellules d'écoute et d'aide psychologique n'existent pas et le jeune Hyacinthe retourne immédiatement à la vie civile, érigé en véritable héros. Ce que les autres ne savent pas, c'est que l'attente dans les tranchées et le désespoir l'ont transformé à jamais. Hyacinthe a goûté au sang de ses camarades et des rats et après avoir pris part au grand banquet de la Mort, que lui reste-il à attendre de la vie ou plutôt de la mort ?
De la vie, plus grand-chose. Il se conforme à la norme sociale et renvoie l'image attendue. Auréolé de son statut de survivant héroïque, il jouit des honneurs des femmes, de plaisirs de la bonne chair et de l'admiration de ceux qui n'ont pas pu y aller. Il trace son chemin, se marie, travaille, devient père de famille. S'ils savaient…
Hyacinthe attend en revanche beaucoup. Mais celle-ci se refuse à lui et semble même le narguer préférant rôder et frapper autour de lui. Alors pour compenser cette attente, il mange, il dévore, engloutit cette viande rouge et vivifiante. Bouchée après bouchée, il réapprend à vivre avec cette culpabilité du survivant.

Mon avis :
Ce roman narré à la première personne retrace la vie l'horreur carnivore et cannibale et la vie d'après. de 1916 et durant près de soixante ans, le lecteur suit avec une curiosité presque malsaine Hyacinthe dans ses névroses et ses appétits carnivore et pathologique. Ce premier roman de Gildas Guyot est une réussite car l'auteur parvient à transmettre ce goût métallique de sang dans la bouche et parvient à susciter le dégoût, la curiosité et la compassion pour ce poilu fracassé par la Grande Guerre. La plume est souvent poétique et les premières pages sur les conditions de survie du jeune Hyacinthe dans cette boucherie à ciel ouvert qu'a été Verdun sont très belles et émouvantes. L'écriture est soignée, imagée mais aussi ponctuée de traits d'humour noir afin de poser un peu de distance et casser l'horreur de certaines scènes.

A quoi tient la survie au final?
A la satisfaction de besoins vitaux… En 1916, après avoir échappé aux balles de l'ennemi, au froid des tranchées, la survie des poilus tenait à ce simple constat carnivore. Ce goût de la viande restera ancré en lui et ne le quittera plus. Il sera le témoin de sa vie et de cet impératif organique qui s'imposera à lui : manger pour se sentir vivre. Torturé et tourmenté par ses démons, Hyacinthe n'aura de cesse de se percevoir comme un monstre affamé. Ce roman noir vous retrace cette vaine et néanmoins belle tentative de reconstruction.
Un très beau livre que je recommande à celles et ceux qui ont l'estomac solide.


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Je suis sûr qu'après avoir lu ce livre vous ne verrez plus votre morceau de viande , qui trône au milieu de votre assiette à côté de quelques malheureux haricots verts , de la même manière .
Hyacinthe Kergourlé est un miraculé , sorti indemne de sa tranchée à Verdun , protégé par le monticule de cadavres de ses camarades de la 22ème division d'infanterie . Mais à quel prix ? Quand la mort vous a frôlé de si près , quand autant de corps massacrés et démantibulés vous entourent , quand l'empuantissement de la pourriture envahit vos sens , quand un silence assourdissant remplace le bruit des obus et les cris de douleurs de vos compagnons d'infortune , que de reste-t-il de votre raison ?
La ”grande guerre” , une boucherie à ciel ouvert , où pour tenter de survivre Hyacinthe , va devoir dévorer des rats avant de dévorer ses congénères …
La frontière sans retour de l'ignominie est alors franchie . L'âme du breton est à jamais maudite . Toute rédemption semble alors impossible . Une malédiction que Yiacinthe portera sur ses épaules comme un lourd fardeau jusqu'à son trépas .

C'est dur .C'est cru . C'est dérangeant voire écoeurant . Mais c'est d'un réalisme bluffant .
La plume de Gildas Guyot nous décrit avec finesse et des mots choisis , le parcours de ce personnage touché dans son corps et dans son esprit .Un imposteur pour lui-même mais un héros pour les autres . Un trompe-la-mort qui cherche à la narguer jusqu'au bout . Dont la vie , après cette guerre , est remplie d'excès , d'errances et d'actes méprisables . Il prend mais donne peu . Incapable de partager un quelconque sentiment avec quelqu'un , lui qui n'a aucune considération pour lui-même . Capable d'humour grinçant envers ses semblables , il ne s'apitoie pas sur son sort mais accepte la fatalité de son sort .

Une fresque d'une extrême noirceur , un personnage emplie d'une ironie destructrice que le style lumineux de l'auteur parvient , malgré tout , à contrebalancer , et nous faire comprendre , à défaut d'accepter , la volonté finale d'auto destruction et d'annihilation de toute empathie .
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Quelle histoire ! Quel style !

Hyacinthe Kergoulé a 20 piges et se réveille au milieu des corps en décomposition dans les tranchées où il a été mobilisé depuis sa Bretagne natale. Autour de lui, la mort. L'odeur de la mort. Seul parmi les cadavres, il ne doit sa survie qu'à la chance (la grande faucheuse s'amusera toute sa vie avec lui) et à la présence de rats dont il se délecte vivants, seul moyen de survivre à l'abomination des tranchées. Cette expérience le marquera à vie. Sans trop qu'il sache comment, il se réveille amputé d'un membre dans un hôpital de fortune et profite de l'Armistice de 1918 pour retourner au pays, prendre épouse et assurer sa descendance.

C'est son histoire que Gildas Guyot s'amuse à raconter sur plus de 200 pages. L'histoire d'un gars normal que les horreurs de la grande guerre, celle des tranchées, des boches et des balles sifflantes ont amoché. Car Hyacinthe, s'il s'en est sorti vivant, est revenu du front cabossé : il a perdu un bras et c'est fait une ennemie : la mort. La mort l'entoure au quotidien mais elle refuse de l'emporter lui aussi. Sur le front tout d'abord puis de retour à Saint Malo ensuite ou elle s'est occupée de son entourage l'épargnant à chaque fois.

Dans un style bien affirmé où chaque mot est pesé parfaitement - style qui m'a un peu perturbé au début - l'histoire de Hyacinthe est jouissive. S'il faut parfois avoir le coeur bien accroché on entre vraiment en empathie avec ce personnage qu'on apprend à détester. La narration est parfaitement rythmée. Bref, un très bon moment !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Un étrange magma remplissait mon gosier. Rien de ce que j’avais pu avaler jusqu’alors, et de ce que je pourrais ingurgiter par la suite n’égalerait cette chose-là : c’était âcre et froid, métallique, trop salé, avec une pointe d’acidité, liquide mais pas assez, trop épais en fait pour glisser sur ma langue jusqu’au seuil de mon œsophage où l’absence de papilles aurait pu me libérer, si ce n’était de la consistance, au moins de son goût. C’était une chape grumeleuse et dégueulasse qui tapissait le moindre recoin de ma cavité buccale et comblait chacun des interstices de ma denture. Je n’en étais pas encore vraiment conscient mais c’étaient les sangs mêlés de mes frères d’armes.
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Il s'agissait d'un siamois et, contrairement aux apparences, il était sain. La race était ainsi bizarrement faite. Elle puisait ses origines dans l'antiquité thaïlandaise mais elle était aussi devenue récemment très en vogue dans les beaux quartiers londoniens. Je baptisai le chat "So Chic".
Puisque finalement il m'en laissait le temps, je décidai de me laisser apprivoiser par l'animal. Il ne lui faudrait pas plus de quelques semaines pour asseoir sur moi toute l'emprise du dresseur sur son sujet. Je l'observais souvent, attentivement. Il m'apprenait la sagesse, m'inspirait la prudence. Ses oeillades étaient pareilles au fouet qui claque dans l'air : des avertissements sans frais quant au fait qu'il était préférable pour ma peau que j'assimile l'enseignement du jour du premier coup. La bête était intransigeante : une leçon dispensée était une leçon considérée comme acquise. Il ne reviendrait pas dessus.
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Un étrange magma remplissait mon gosier. Rien de ce que j’avais pu avaler jusqu’alors, et de ce que je pourrais ingurgiter par la suite n’égalerait cette chose-là : c’était âcre et froid, métallique, trop salé, avec une pointe d’acidité, liquide mais pas assez, trop épais en fait pour glisser sur ma langue jusqu’au seuil de mon œsophage où l’absence de papilles aurait pu me libérer, si ce n’était de la consistance, au moins de son goût. C’était une chape grumeleuse et dégueulasse qui tapissait le moindre recoin de ma cavité buccale et comblait chacun des interstices de ma denture. Je n’en étais pas encore vraiment conscient mais c’étaient les sangs mêlés de mes frères d’armes.
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Ces oiseaux de mauvais augure paraissaient se satisfaire allègrement de nos délicates attentions .Leur panse bombée , outre pleine , et leur plumage encroûté , infligeaient à leurs squelettes devenus trop fragiles , des battements d’ailes plombés par le poids des banquets successifs. Chaque mouvement arrachait au cortège des croassements de douleur . Ces orgies quotidiennes avaient transformé leur vol majestueux en simples sautillements maladroits d’une carcasse à un nouveau cadavre. Verdun était une cantine où ils étaient assurés de toujours becqueter chaud.
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Ce petit cadeau devait nous redonner un peu d'entrain, et plus particulièrement aider le régiment des culs-de-jatte à retrousser ses manches ainsi qu'à celui des manchots à remettre le pied à l'étrier. J'étais de la deuxième équipe et trouvais cocasse qu'il ne resta de tous les corps d'armée engagés que ces deux seules sous-divisions.
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